Picasso et la BD

Les connexions entre Pablo Picasso et la bande dessinée sont multiples. Entre les hommages des autrices et des auteurs mais aussi les productions du peintre, les publications sont nombreuses. Le musée de la bande dessinée d’Angoulême présente ces liens forts dans Picasso et la BD, une superbe exposition jusqu’au 02 janvier 2022. A ne pas rater !

Picasso et la BD : au croisement des œuvres

Après les superbes expositions (Goscinny et le cinéma, Lewis Trondheim, Catherine Meurisse), le musée de la bande dessinée d’Angoulême accueille Picasso et la BD, une exposition présentée pour la première fois à Paris en 2020. Pour cette seconde accroche, l’idée générale imaginée par Vincent Bernière (écrivain, journaliste et éditeur spécialisé dans la bande dessinée) et Johan Popelard (conservateur au musée national Picasso-Paris) est toujours de mise : montrer les liens entre le peintre et le monde du 9e art.

Une trentaine d’œuvres de Pablo Picasso croisent ainsi celles d’autrices et d’auteurs de bande dessinée. Mais, on le sait moins, l’attrait du célèbre peintre des Demoiselles d’Avignon pour le 9e art fut important pendant toute sa vie.

La bande dessinée au cœur de la vie de Picasso

Comme le montre l’exposition, la bande dessinée joua un rôle important dans l’existence de Pablo. Il suffit de se pencher sur les vitrines où sont conservés différents journaux, périodiques et autres albums pour s’en convaincre. Ainsi, il collectionnait des numéros de L’épatant (avec les Pieds Nickelés), KKO, Pocholo, Rapitu ou Pierrot. Parmi ses auteurs préférés, il aimait notamment Rodolphe Töppfer (Dr Festus, Mr Crépin) ou Jean Effel.

Dans cette première partie, les visiteurs découvrent des œuvres somptueuses de Picasso. Ainsi, il réalisa Vida de un aprendiz de Zapatero, un récit dessiné avec les textes sous les vignettes, à l’image des auteurs du début du XXe siècle (G. Ri – Dans l’infini et autres histoires).

Gertrude Stein, Apollinaire et un voyage en train

Avec un portrait de Guillaume Apollinaire, est exposée une histoire séquencée : Picasso et Sebastià Junyer i vidal. En six cases (il manque la 5e), le peintre relate le voyage en train avec son ami de Barcelone à Paris. Comme Vida de un aprendiz de Zapatero, l’on peut donc affirmer que Pablo fit de la bande dessinée.

Il fut aussi influencé par des comics américains. C’est Gertrude Stein – poétesse, écrivaine et féministe américaine – qui lui offrit des journaux avec les aventures de The Katzenjammer Kids. Pim, Pam, Poum de Rudoph Dirks eurent un effet immédiat sur le jeune peintre. Il découvrit alors d’autres réalisations d’outre-Atlantique : Little Jimmy, Little Nemo ou Krazy Kat.

Pour entourer notamment Etudes, une toile de 1920, des illustrations d’artistes contemporains de bande dessinée sont visibles : Clément Oubrerie, Serge Clerc et Art Spiegelman. Mieux, Noah van Sciver, Catherine Meurisse et Berliac rendent hommage à Histoire claire et simple de Max Jacobs, une œuvre de Picasso sur son grand ami, romancier et poète, datant de 1903.

Dans le tourment de la guerre d’Espagne

Picasso et la BD lève aussi le voile sur des œuvres du peintre réalisées pendant la Guerre civile espagnole. Si l’on sait qu’il fut bouleversé et meurtri notamment en observant son plus célèbre tableau, Guernica, l’on ne connaissait pas l’existence de Songe et mensonge de Franco, deux planches de 9 vignettes chacune – exposées en même temps que Guernica en 1937 – et qui mettent en scène le dictateur en monstre sanglant et les conséquences du conflit.

Ces deux planches sont à rapprochées de bandes dessinées ou illustrations. Ainsi, des dessins d’Enki Bilal, de Munoz et Sempayo (Alack Sinner) réutilisent des éléments de Songe et mensonge de Franco. Quant à Mortimer, dans Le piège diabolique d’Edgar P. Jacobs, il fait face à des murs recouverts d’illustrations de Picasso alors qu’il est enfermé.

Picasso et la BD : Hommages au maître

L’exposition Picasso et la BD alterne donc entre des tableaux ou dessins du maître et des œuvres réalisées par des autrices et auteurs de bande dessinée.

Dans cette scénographie très sobre où l’on met d’abord en avant les œuvres, les visiteurs peuvent admirer des planches-hommage de Guido Crépax (La Discesa), de Gotlib (Tac au tac s’anoblit – 1971) où il se moque de Picasso, Dali et Reiser, Milo Manaro (Periodo Blue – 1980) inspiré par Le vieux guitariste, Philippe Dupuy (Une histoire de l’art – 2014), Serge Clerc (The Studio Picasso), François Boucq (La décrispation de l’esprit), Reiser (Picasso lègue ses cheveux, Picasso mangeait le pain des Français – 1973) ou Daniel Torres (Picasso s’en va-t-en guerre – 2017).

A noter, une superbe petite bande dessinée verticale intitulée La vie imagée de Pablo Picasso créée par Paul Braig et André Breton (scénario) et Benjamin Péret (dessin) datant de 1951.

L’exposition s’achève avec le faux tableau de Kiki Picasso, l’immense réalisation de Sergio Garcia SanchezGuerra – de plus de 13 m sur 3 et les superbes aquarelles de Clément Oubrerie issues de sa merveilleuse série Pablo.

Picasso et la BD: courez-y ! C’est beau, c’est coloré, c’est riche et c’est intelligent !

Article posté le vendredi 20 août 2021 par Damien Canteau

Renseignements complémentaires

Picasso et la BD

Musée

Cité internationale de la bande dessinée et de l’image

121 rue de Bordeaux – Angoulême

+33 5 45 38 65 65

en juillet et août : du mardi au samedi de 10h à 19h ; dimanche et jours fériés de 14h à 19h

Site : La cité de la BD et de l’image

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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