Batman white knight

Et si le Joker redevenait Jack Napier et se drapait dans les habits de Chevalier blanc ? Après une prise de pilules miracle, le prince du crime s’oppose à son grand rival et veut éradiquer un bonne fois pour toute les malfrats de Gotham City. Sean Murphy réinvente le mythe du Chevalier noir dans Batman white knight, un récit dense, intelligent et au propos politique. Réjouissant !

Du Joker à Jack Napier

Arkham Asylum. Jack Napier alias le Joker rend visite à son meilleur ennemi Batman dans les geôles de l’asile psychiatrique de Gotham City. Bien apprêté et sans maquillage, le roi du crime est cette fois-ci de l’autre côté des menottes. Pourquoi le Chevalier noir est-il enchaîné ?

Un an plus tôt, dans les rues de Gotham. Sur son hoverboard, le Joker défie de nouveau Batman, à ses basques dans sa Batmobile. Aidé de Batgirl et de Nightwing, le Chevalier noir retrouve son ennemi dans un entrepôt désaffecté. Après une bagarre épique, devant les yeux du commissaire Gordon et ses hommes, à bout de souffle, le Joker avale des pilules miracle.

Quelques jours plus tard, le Joker a repris son apparence initiale pour redevenir Jack Napier. Pourquoi le roi du crime décide-t-il de ne plus se maquiller ?

Devenir le chevalier blanc

Fini le Joker, place à Napier qui se serait racheté une virginité. Homme respectable et respecté, il décide d’attaquer en justice Batman et le GCPD qui veille sur la sécurité de tous à Gotham.

Il faut dire que Jack tape là où ça fait mal : les millions dépensés par les Gothamites pour réparer les dégâts de Batman après ses actions contre les malfrats de la ville. Avec un fond pour reconstruire, le marché est simple : la ville ferme les yeux sur les montants astronomiques en contrepartie de la sécurité exercée par l’homme chauve-souris.

Avec l’aide des super-vilains (Croc, le Chapelier fou, Double-face, le Pingouin…) Napier veut retourner l’opinion contre Batman, pire, il veut se présenter aux élections municipales, représenter le quartier populaire et pauvre de Blackport

Batman white knight : du très grand Sean Murphy

Attention pépite ! Ce Batman white knight signé Sean Murphy est excellent et passionnant en tout point : le scénario et le graphisme. Né en 1980, l’auteur américain va rapidement s’imposer comme l’un des meilleurs artistes de sa génération. Après des travaux sur Star Wars pour Dark Horse, il part pour Hollywood pour mettre son talent au service du jeu vidéo et du cinéma. En parallèle, il poursuit sa carrière avec des titres pour Star Trek, Teen Titans ou Batman/Scarecrow. C’est surtout avec Off road et Punk rock Jesus, qu’il atteint sa plénitude d’auteur complet.

Auteur exclusif DC Comics, il travaille sur les licences de Hellblazer, Joe the barbarian ou American Vampire. The Wake (avec Scott Snyder) est lauréat deux Eisner Awards :  la meilleure série limité et Murphy du meilleur dessinateur. Viennent ensuite Tokyo Ghost (avec Rick Remender) ou Chrononauts (avec Mark Millar).

Batman white knight est un de premiers albums de la nouvelle Collection DC black label qui met en lumière les nouveaux classiques de DC Comics.

Huit chapitres de haut vol

A travers les formidables huit chapitres de Batman white knight, Sean Murphy déploie tout son talent de conteur pour se glisser à merveille dans l’univers du Chevalier noir. Il utilise une inversion de valeur intelligente. Le Joker redevenu Jack Napier veut se draper dans la vertu, avoir une côte d’enfer auprès des Gothamites tout en ridiculisant Batman. Il veut prendre la place dans le cœur des habitants et devenir ainsi le nouveau chevalier blanc de la ville.

Dit ainsi, cela semble inimaginable mais Jack a un esprit tellement intelligent et tordu qu’il arrive à ses fins en contournant les règles et en plaçant ses amis super-vilains dans la combine. C’était sans compter sur Harley Queen et une Néo-Joker.

Les démons de Batman

Il faut souligner que pour Napier cela semble facilité par les troubles dont est assailli Batman ces derniers temps. Il est plus violent qu’à l’accoutumé et ses relations avec son fils Nightwing sont tendues. Il s’éloigne et même Batgirl ne peut le résonner. De plus, la santé de Alfred est vacillante ce qui n’arrange rien à l’affaire.

Ajouter à cela, une association entre Mr Freeze et Bruce Wayne pour faire revivre Nora par un procédé hérité des sciences développées par les Nazis et l’on comprend les doutes de Batman.

Sean Murphy glisse des thématiques contemporaines pour donner plus de chaire à son récit : le rôle de médias entre vérité et fake news, la police qui semble réduite au strict minimum (elle ne bénéficie pas des technologies de Batman) ou encore les dégâts qui engendrent des répercussions économiques dans un ville déjà exsangue. Batman white knight est aussi éminemment politique notamment dans la dualité entre les riches du centre du Gotham et des pauvres – laissés pour compte – du quartier de Blackport. Alors que Duke – le grand frère –  a réussi à pacifier les lieux, rien ne semble plus fragile que cette tranquillité artificielle.

Batman white knight dans le panthéon ?

Batman white knight semble bien partie pour entrer dans le panthéon des meilleures histoires sur le Chevalier noir. Le lecteur se retrouve véritablement en face d’un chef-d’œuvre. Cela faisait longtemps que l’on attendait un récit aussi fort. En plus d’une histoire solide, la force du récit de Sean Murphy c’est qu’il peut s’adresser aux amateurs purs de l’univers de l’homme chauve-souris comme aux néophytes.

Sans temps-morts, le récit de Sean Murphy alterne les scènes d’action et les scènes intimistes. De plus la relation attirance-répulsion, amour-haine entre Batman et le Joker est ici montée à son paroxysme. Ne dit-on pas « les meilleurs ennemis » ?

L’auteur américain convoque tous les personnages les plus connus de l’univers batmanien, des méchants aux alliés du Chevalier noir, pour les faire entrer dans une formidable aventure.

Enfin, il est à noter la sublime partie graphique de Sean Murphy. L’élégance de son trait lui permet de mettre en lumière les personnages tantôt dans les scènes de l’intimité, tantôt dans les scènes de bagarre. Les sublimes planches sont agrémentées par les couleurs de Matt Hollingsworth qui fait des merveilles. Les tons pastel et sépia du nouveau Jack Napier contrebalancent le rouge vif des combats. Batmobile, costumes, décors, tout est réussi admirablement dans ce récit.

Encore du très grand Sean Murphy à travers ce Batman white knight. Intelligent, fort, impressionnant, passionnant et original. Un must !

Article posté le mardi 23 octobre 2018 par Damien Canteau

Batman white knight de Sean Murphy (Urban Comics - DC Comics)
  • Batman white knight
  • Auteur : Sean Murphy
  • Coloriste : Matt Hollingsworth
  • Editeur : Urban Comics, collection DC Black label
  • Prix : 22.50€
  • Parution : 26 octobre 2018
  • IBAN : 9791026814368

Résumé de l’éditeur : Dans un monde où Batman est allé trop loin, le Joker doit sauver Gotham ! Le Joker, ce maniaque, ce tueur, celui que l’on surnomme le Clown Prince du Crime… si Batman, le Chevalier Noir, sombre du côté obscur, pourquoi le Joker ne pourrait-il pas sortir de sa psychose et devenir le Chevalier Blanc ? C’est ce qui arrive après qu’un traitement inédit a guéri le Joker et le fait redevenir Jack Napier : un nouveau candidat à la mairie de Gotham !

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir