Bitter Root 03

La tension ne retombe pas chez les Sangerye. Et le temps de l’ultime combat est venu. Dans Héritage, publié chez Hi Comics, David F. Walker, Chuck Brown, Sanford Greene et Sofie Dodgson mettent magistralement fin au premier cycle de Bitter Root.

BITTER ROOT : LES REPOUSSES DU MAL.

Dans un combat épique, la famille Sangerye s’est unie pour vaincre Adro, le mal incarné. Six mois plus tard, ils ont à peine eu le temps de panser leurs plaies et de pleureur leurs morts. Pourtant, alors que tous pensaient avoir accompli leur tâche, la sombre réalité fait ses premières repousses. Et il faut se rendre à l’évidence : non seulement le mal continue de noircir les cœurs, mais pire, il se développe et touche désormais les plantes. Plus que jamais, les amères racines du mal ont progressé et désormais, elles corrompent la nature toute entière.

BITTER ROOT : LA FIN D’UN CYCLE.

Au scénario, Chuck Brown et David F. Walker restent fidèles au concept de cette magnifique saga. Ils continuent donc de développer la parabole dénonçant la haine raciale qui a commencé à sévir dans les années 20 en Amérique. Les étapes caractérisant ce phénomène sont parfaitement orchestrées et servent l’intrigue dans une complexification aussi progressive que passionnante.

Ainsi, dans un premier tome absolument remarquable, nous avions découvert les Jinoos, ces hommes damnés par leur haine de l’autre. Puis, dans le tome 2, tout aussi réussi, sont apparus les Inzondos, des victimes que la souffrance a fait prendre l’apparence de démons. Par ailleurs, les racines de la haine ne menacent plus que les Afro-Américains. Désormais, aucune communauté n’est épargnée. Ainsi, Asiatiques, Irlandais, Amérindiens deviennent victimes d’un racisme qui devient systémique. L’heure est grave, pourtant il demeure quelques raisons d’espérer car les Sangerye n’ont pas dit leur dernier mot.

UNE INCITATION À LA RÉFLEXION.

La situation est complexe pour les chasseurs de démons et il faut bien admettre qu’il en est de même pour le lecteur. En effet, à l’image de ce que la série a montré depuis ses débuts, les sauts de ville en ville, d’année en année et même de monde réel en dimension parallèle imposent de rester concentré. En fait, et c’est indéniablement un gage de qualité, lire Bitter Root impose une réelle implication.

La pensée menée est subtile et le message puissant. C’est ainsi que la réflexion humaniste développée par le duo de scénaristes touche au but. Et ce d’autant plus qu’un souffle épique, porté par des dessins de grande qualité, vient parfaire le tableau.

UNE AMBIANCE UNIQUE.

Aux crayons, nous retrouvons Sanford Greene. Et disons-le sans détour, c’est avec un grand plaisir. Une fois de plus, l’artiste subjugue par son talent. Sa narration fluide et dynamique accompagne parfaitement l’action. Le découpage varié et audacieux des planches donne un esprit cinématographique saisissant. Et on est réellement guidé à travers les pages pour découvrir les scènes les plus émouvantes, comme les combats les plus épiques. Soulignons d’ailleurs que la magnifique colorisation de Sofie Dodgson s’intègre à merveille à l’esprit de la série. La palette de couleurs violacées et verdâtres crée une ambiance unique, immédiatement reconnaissable. Bitter Root fait indéniablement partie des séries qui ont un style graphique propre.

Et ce n’est pas tout, loin de là.

ENFIN ET SURTOUT.

C’est devenu une marque distinctive : chaque tome de Bitter Root bénéficie de bonus d’exception que les éditions Hi Comics nous livrent fidèlement.

Ainsi, auteurs, conférenciers, universitaires, illustrateurs et autres poètes joignent leur voix dans des articles d’une justesse cinglante pour mettre à jour d’amères vérités trop longtemps passées sous silence.

Au-delà de la bande dessinée remarquable à plus d’un point, la série encourage à développer une réflexion salutaire à bien des égards. Et dans une fin judicieusement ouverte, le quatuor d’artistes rappelle que la haine n’a eu de cesse de croître depuis les années 1920 et qu’elle a même touché le vieux continent. La lutte continue.

 

En refermant Héritage, le troisième tome de Bitter Root, on sait qu’une page se tourne. Mais on a conscience aussi que les aventures des Sangerye pourraient se poursuivre. Et en attendant de revoir Blink, Berg ou encore Ma Etta, on garde à l’esprit que des auteurs d’exception nous ont montré que les racines les plus amères peuvent donner naissance à des arbres de vie.

Article posté le lundi 18 avril 2022 par Victor Benelbaz

Bitter root 03 de Sanford Green, David F. Walker et Chuck Brown (Hi Comics)
  • Bitter root, volume 3 : Héritage
  • Scénaristes : David F. Walker et Chuck Brown
  • Dessinateur : Sanford Greene
  • Éditeur : HiComics
  • Prix : 17.90 €
  • Parution : 19 janvier 2022
  • ISBN : 9782378871154

Résumé de l’éditeur : 

Tandis qu’un mal terrible s’abat sur le monde, la famille Sangerye réalise que cette fois, elle pourra difficilement se protéger… tout comme le reste de l’humanité. Pour réussir à vaincre ces sinistres forces qui ravagent la terre, les Sangerye devront combattre leurs propres démons, mais tous ne survivront pas… Un affrontement épique dans le Harlem de la Renaissance, qui scellera le destin d’une famille, et celui du monde entier !

Récompensés par le prestigieux Eisner Award de la meilleure série régulière, David F. WalkerChuck Brown et Sanford Greene offrent aux Sangerye un final magistral.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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