Buzzkill

Voler plus vite qu’un avion, manier un marteau magique, être invincible… Qui n’a pas rêvé d’être un super-héros ? Qui n’a pas rêvé d’avoir des super pouvoirs ?

Ruben, le personnage principal de BuzzKill

Car sous la plume de Donny Cates et Mark Reznicek, être un super-héros est une malédiction.

UNE HISTOIRE MENÉE TAMBOUR BATTANT

Ruben a connu l’alcool et la drogue, mais il essaye de s’en sortir, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il participe à un groupe de parole. Comme ses camarades d’infortune, il tente d’en échapper…

« Comme ses camarades d’infortune » ?… Pas exactement, car Ruben est un super-héros qui tire ses pouvoirs faramineux de la consommation de stupéfiants…

Alors pourquoi vouloir tout arrêter ? La réponse tient en un prénom : Nikki.

Tout n’est pas dit et tout n’est même pas vrai, mais qu’importe, l’essentiel est là et le maître mot de cette histoire est immédiatement perceptible : l’efficacité.

Dans un début in medias res, le duo d’auteurs va droit au but, sans détour, sans fioriture.

Les personnages, leurs relations, l’intrigue, tout est esquissé dès les cinq premières pages.

Et sans l’ombre d’un doute, BuzzKill va avancer à un rythme effréné. D’ailleurs, il est sans doute significatif de signaler que Mark Reznicek, qui signe là sa première expérience dans les comics, est aussi batteur dans un groupe de rock.

UNE APPROCHE ORIGINALE DU MYTHE DU SUPER-HÉROS

Le second auteur de BuzzKill n’est autre que Donny Cates. En 2019, il est devenu incontournable chez Marvel. En effet, en scénarisant les aventures du Ghost Rider, du Docteur Strange ou de Venom, il a su prouver que les codes super-héroïques n’avaient pas de secrets pour lui.

Néanmoins, il est aussi l’auteur de bandes dessinées indépendantes comme Redneck ou BuzzKill, toutes deux parues chez Delcourt.

Et c’est précisément dans ces deux œuvres que l’auteur explore des sentiers moins traditionnels. Dans Redneck, il nous propose de suivre une famille de vampires au fin fond du Texas. Dans BuzzKill, c’est le thème des stupéfiants et des super-héros qui est abordé.

Le concept est simple mais n’en est pas moins périlleux

Il a d’ailleurs déjà été traité. Il est même à l’origine du « Comics Code Authority » qui dans les années 50 a dicté les règles de bonne conduite à appliquer dans les comics. Ainsi, en 1971, le légendaire Stan Lee est contacté pour écrire une histoire destinée à dénoncer les dangers de la drogue. Cela donnera naissance à une histoire célèbre dans laquelle Peter Parker, Spider-Man, vient en aide à un ami toxicomane. L’homme araignée reste donc un héros. Mais la relation aux stupéfiants peut parfois ternir l’image même du super-héros. Souvenons-nous que dans les comics, Tony Stark, Iron-Man, est connu pour son alcoolisme qui fait parfois de lui l’archétype de l’anti-héros détestable.

Donny Cates a parfaitement saisi cette ambiguïté et dans BuzzKill, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » dont l’abus est dangereux pour la santé.

Dès lors, même si les super-vilains sont légion dans BuzzKill, aucun n’est réellement caractérisé. De fait, ce serait inutile, voire contre-productif : le plus grand mal que Ruben aura à affronter se trouve en lui…

UN GRAPHISME DYNAMIQUE

Comme souvent avec Donny Cates, la partie graphique est assurée par Geoff Shaw (le duo a en effet collaboré sur des titres comme God Country, Thanos ou encore Guardians of the Galaxy).

Et comme à son habitude, le talentueux dessinateur parvient à merveille à coller à l’ambiance et au rythme du récit.

Ainsi, dans BuzzKill, les traits sont anguleux et la construction des pages suit à la perfection le rythme haletant du scénario. Le découpage des cases et extrêmement varié puisque qu’on va de la double page, au gros plan d’une cigarette tombant sur le sol.

Mais dans tous les cas, la construction est dynamique et guide un lecteur qui se doit d’être bien attaché. En effet, BuzzKill est une bande dessinée destinée à un public adulte : le sujet abordé demande évidement une certaine maturité, mais dans la mesure où l’œuvre reste avant tout une histoire de super-héros, il faut aussi s’attendre à assister à des combats d’une grande violence.

BuzzKill est une œuvre menée à un rythme effréné par un duo de scénaristes qui maitrisent leur sujet. En abordant avec intelligence le thème glissant des stupéfiants, ils évitent de tomber dans la facilité et portent une histoire rythmée qui tient par son efficacité et la qualité de la partie graphique d’un Geoff Shaw particulièrement inspiré.

Article posté le mardi 26 novembre 2019 par Victor Benelbaz

BuzzKill de Geoff Shaw, Donny Cates et Mark Reznieck (Delcourt)
  • BuzzKill
  • Scénaristes : Donny Cates et Mark Reznieck
  • Dessinateur : Geoff Shaw
  • Éditeur : Delcourt
  • Prix : 15.95€
  • Parution :  21 août 2019
  • ISBN : 9782413016618

Résumé de l’éditeur : Reuben est un super-héros dont les super pouvoirs ne s’activent que lorsqu’il est saoul, sous l’emprise d’alcool ou de drogues. Alors qu’il combat une menace capable de détruire la planète, Reuben tombe dans un coma éthylique. Il se réveille au milieu d’une ville dévastée sans savoir ce qui s’est passé. Un seul choix s’impose à lui : rester sobre et mourir ou replonger pour tenter de rester en vie…

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

En savoir