Creep

Le jeune auteur danois Kristian Hammerstad débarque en France avec Creep, une BD hommage à l’univers gore et fantastique des comics américains des années cinquante et soixante.

CHAUD ET FROID

Voici une BD venue du froid mais qui va réchauffer les esprits! Creep, c’est son nom, est  le premier opus d’un jeune auteur-illustrateur danois, Kristian Hammerstad. Connu des lecteurs français de M, le magazine du Monde, pour ses couvertures, il a publié en 2012 en Norvège un Kryp, traduit en Français ici par Aude Pasquier et publié par les éditions Aaarg! (*)

AU PAYS DES MONSTRES PAS GENTILS

Creep est constitué de trois histoires courtes, racontées par un homme dans un bar autour d’un verre. Avec deux jeunes femmes qui se souviennent à peine avoir été un jour ses copines de faculté, il évoque le bon temps. Ou presque. Ressurgit en tout cas entre ces trois-là le souvenir d’une certaine Frøydis, fille étrange et solitaire qui percevait à ses côtés la présence d’un monstre gluant muni de nombreux yeux et de multiples tentacules. Ce dernier se fait de plus en plus insistant quand il lui demande de quitter la terre…

Un autre étudiant, Tariq, leur revient en mémoire. Lui aussi, disait-on, pouvait voir cette créature extraterrestre…

LARVES, INSECTES ET JEUX TÉLÉVISÉS

Dans cette galerie d’adolescents tourmentés, on trouve encore Kåre, myope et boutonneux, dont la seule passion se résume à la collection d’insectes vivants. Un jour il reçoit par la poste une larve de coléoptère à la place d’un papillon-lune.  Il doit le renvoyer à l’expéditeur mais il n’en a pas le temps. Au lycée, alors qu’il tente d’échapper au harcèlement d’autres ados, dont un certain Brede, la larve le pique. C’est le début pour lui d’une lente et funeste transformation. D’athlète blond et musculeux,  Brede deviendra comme Kåre, un insecte géant…

Dans la troisième et dernière histoire de ce Creep, la plus étrange et la plus réussie sans doute, c’est le narrateur ( celui qui a abordé les deux femmes au bar ) qui se souvient. Quand lui aussi était étudiant et qu’il n’avait plus le goût à rien, il s’était retrouvé gardien de nuit d’une chaîne de télé locale et embarqué dans un drôle de cauchemar: un jeu télévisé, genre roue de la fortune, dont les participants et le public se transformaient en fantômes…

A la lecture de ce premier album, prometteur, on pense invariablement aux films de Carpenter, aux personnages, aux ambiances et aux encrages de Charles Burns ou de ses émules. Monstres kitchs et ambiances glauques se présentent à nous dans un impeccable ordonnancement.

Ce qui provoque le malaise, ce ne sont pas ces créatures surgies des Contes de la crypte ou des histoires de terreur des EC Comics américains des années cinquante qui nous font aujourd’hui sourire, non, c’est cette normalité brute qui à tout moment peut basculer à la faveur d’un cauchemar d’adolescent.

Avec ses pages bien léchées, gaufrier à 9 cases, encrages épais, grands aplats de couleurs, joli travail sur les contrastes, l’auteur nous mène là où il l’a voulu, dans cet autre monde où l’horreur peut surgir à tout instant.

(*) Créé fin 2013, le bimestriel marseillais Aaarg! a failli disparaître  à la fin de l’année dernière. Il vient de reparaître sous la forme d’un mensuel ( N° 1- 4, 90 €).

Article posté le lundi 29 février 2016 par Jean-Michel Gouin

Couverture de Creep de Kristian Hammerstad, éditions Aaarg!
  • Titre : Creep
  • Auteur : Kristian Hammerstad
  • Editeur : Aaarg! (collection Cabaret)
  • Parution : février 2016
  • Prix : 16 euros
  • Résumé de l’éditeur. Kristian Hammerstad vit à Oslo, en Norvège, où il travaille comme illustrateur et auteur de bande dessinée. Ses illustrations ont, entre autres, été publiées par le New Yorker, le New York Times et le Wall Street Journal. Il dessine régulièrement pour M, le magazine du Monde. Creep est son premier livre, initialement publié en Norvège sous le titre de Kryp, en 2012.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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