Dai Dark

Vous avez aimé Dorohedoro ? Vous allez adoré Dai Dark. Quelque part dans les ténèbres infinis de l’espace infini, Q-Hayashida nous déverse son univers gore et déjanté avec tout le génie de ses personnages fêlés. Rire et frisson garantie. Montez à bord. On ne vous promet pas de revenir indemne. 

Ne le laissez pas s’échapper !

Non, il ne s’agit pas d’un pokemon. Il s’agit de Sanko Zaha. Dans les ténèbres de l’espace infini un vaisseau déglingué récupère un homme à demi-mort flottant dans l’espace. Muni seulement d’un sac-à-dos, le quasi-cadavre se laisse malmener mollement par un équipage pressé de le dépouiller.

Il ne faut qu’un coup d’oeil au capitaine, qui non content d’une paire, c’était offert deux têtes supplémentaires, pour comprendre à qui il a affaire : Sanko Zaha. L’homme dont on dit que les os permettent d’exhausser n’importe quel voeu.

Ni une ni deux, Sanko Zaha se retrouve la tête à l’envers, attaché au plafond d’une glaciaire, nu comme un verre. A l’exception de son précieux caleçon qu’il aura retenu des mains du capitaine dans un marmonnement presque inaudible.

Le capitaine cerbère, repu de son butin hors de prix, se repose sur ses lauriers galactiques. Mais c’était sans compter le sakadoh de Sanko Zaha. Sakadoh qui se déplie soudainement, dans un cliquetis d’os qu’on entasse. Avakian surgit d’un truc pas très loin du néant. De sa tête sans chaire, il furette à la recherche de son compatriote légendaire.

Il ne s’inquiète pas vraiment du chemin qu’ils vont prendre pour s’échapper de ce traquenard. Rien ne les inquiètent. Ils n’ont qu’à charcuter joyeusement leurs adversaires. Et c’est ce qu’ils vont faire.

Ajoutons que la hache de Sanko Zaha arrache la chaire de ses victimes sans en laisser un morceau, voire une goutte, abandonnant derrière elle qu’un tas d’os aussi sec qu’on puisse l’être. Même lorsqu’on est un capitaine à trois têtes. Bienvenue dans les ténèbres de l’espace infini. Vous n’êtes pas prêt.

Un enfant mal parti dans la vie

Vagabondant entre les étoiles, Sanko a deux objectifs dans la vie : avoir un vaisseau à lui et retrouver la personne responsable de sa situation actuelle. Soyons claire : on ne sait pas très bien si les ossements de de Sanko Zaha permettent vraiment d’exhausser n’importe quel voeu. Mais pour sûr le reste de l’univers en a la certitude.

Avakian, sakadoh pliable et dépliable, alterne entre objet portatif et grand dadais au faciès squelettique. Il a accompagne Sanko dans tous ses périples, prêt le tirer d’affaire sur un ton faussement moralisateur, se moquant de son comparse à mi-chemin entre le paternalisme et le je-m’en-foutisme absolu.

Sanko a tous les malfrats de l’espace à ses trousses. Cet adolescent au corps d’adulte trucide du beau monde à tous les tournants d’étoiles. Parcourant l’univers à la recherche de réponse, même approximative. Mais surtout, parcourant les mauvais plans sans stress. La vie va, avec son lot quotidien de macchabée, une bonne assiette de spaghettis, une bagarre et ça repart.

La surprise, c’est que tout le monde n’a pas essayé de le tuer. Il est arrivé que Sanko croise la route de Death Delamort. Basiquement, la mort. En tout cas, un individu doté de 3 paires d’yeux, planqué derrière un masque et sous une cape, vorace d’âmes bien fraîches. Death Delamort n’a que faire des personnes bien vivantes, elle se repait de l’âme des défunts. Bien sûr, quand personne n’est mort dans les environs et qu’elle a la dalle, elle n’exclut pas de faire un ou deux massacres le temps d’être rassasiée.

Death est la seule personne à ne pas avoir tenté de tuer le gamin précieux qu’est Sanko. Il valait mieux, car pas sûr qu’il ait une chance de gagner.

Q-Hayashida a encore frappé !

Dai Dark n’a aucun sens. Toute la saveur de l’œuvre réside dans son absurdité. Q-Hayashida conçoit des personnages d’une désinvolture sans nom. Elle a l’art de rendre des situations sordides drôles au possible. Elle rend ces personnages inhumains plus proche de nous que nous-même.

Q-Hayashida construit un récit où rien ne fait sens et où pourtant, on saisit la profondeur de son univers. Il est solide, bien bâti. Ses personnages circulent à leur aise dans un espace où seul le lecteur est désorienté. Nous donnant la sensation d’être perdu, baladé contre notre gré d’un point à un autre, pas certain du tout que nos guides – les protagonistes – savent eux-mêmes où ils vont. Situation, pour un lecteur, parfaitement malaisante que Q-Hayashida rend délicieuse.

D’autant que l’autrice nous balade également dans des flash-backs, certes, pertinents, mais tout aussi déroutant.

Mais ce sac de nœud galactique permet de poser le décors et les enjeux de Dai Dark. Ce premier tome est une vaste blague glauque et gore, drôle et déjanté. Du pure Q-Hayashida que les amoureux de Dorohedoro apprécieront à coup sûr.

Comme un air de déjà vu, mais pas vraiment

Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terrepour faire périr les hommes par lépéepar la faminepar la mortalité et par les bêtes sauvages de la terre.

Q-Hayashida nous offre, en fait, un savoureux remix des quatre cavaliers de l’apocalypse, version space-opera.

Vous n’avez pas mal compté. Si seulement trois protagonistes sont mis en avant dans ce premier tome, Sanko Zaha, Avakian et Death Delamort, ce sont bien quatre personnages fêlés que nous livre l’autrice. Ces personnages font ce qu’ils veulent, comme ils veulent, qu’importent l’effet qu’ils ont sur les autres. Ils sont libres et ont l’intégralité de l’univers à leurs trousses. Car l’intégralité de l’univers les considèrent comme les êtres les plus dangereux qu’il puisse exister.

Chacun d’une façon ou d’une autre, est la bête noire des ténèbres infinis de l’espace. Et il ne fait aucun doute que d’une façon ou d’une autre, volontairement ou non, ils auront une impact considérable sur le cosmos.

Dai Dark, Une pépite entre bonne blague et tripes

Si on retrouve Q-Hayashida dans son univers et son style narratif dantesque, on la retrouve aussi dans son graphisme bien à elle. Dynamique, survolté, cinglant, bien chargé mais toujours lisible. Son dessin est à l’image de son univers : chaotique et violent, mais étrangement doux aussi.

Lire une série de Q-Hayashida, c’est lire quelque chose que vous ne lirez nulle part ailleurs. Mais il ne faut pas être choqué par quelques tripes à l’air et l’humour noir. Sans ça, ce n’est plus Dai Dark.

C’est une superbe série aux Editions Soleil que, pour ma part, je vous recommande de tout mon saoul.

Article posté le lundi 20 juin 2022 par Marie Lonni

Dai Dark - Q. Hayashida - Editions Soleil
  • Dai Dark
  • Autrice : Q-Hayashida
  • Éditeur : Editions Soleil
  • Prix : 11,95 €
  • Parution : 16 mars 2022
  • ISBN : 9782302095601

Résumé de l’éditeur : Sanko Zaha, un ado qui adore les spaghettis, voyage dans les ténèbres de l’espace infini. On raconte que ses os exauceraient n’importe quel souhait. C’est pourquoi les pires malfrats de l’univers veulent lui faire la peau ! Heureusement, toujours accompagné d’Avakian, son fidèle sakadoh, il n’hésitera pas à désosser gaiement tous ses assaillants.

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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