Edmond

Avec Edmond, Léonard Chemineau propose l’adaptation en bande dessinée de la pièce de théâtre aux cinq Molières d’Alexis Michalik. Une mise en images jubilatoire des coulisses de la création de Cyrano De Bergerac.

UN POÈTE ABONNÉ AUX FOURS

Dans les derniers feux d’un dix-neuvième siècle français qui vient d’inventer le cinéma, le théâtre et la poésie tiennent encore le haut du pavé. A Paris, ville-lumière, on joue chaque soir les pièces du répertoire et celles de jeunes auteurs encore inconnus. C’est le cas de cet Edmond Rostand, à peine trente ans, qui vient de faire donner au théâtre de la Renaissance une drame en vers et en quatre actes, La Princesse lointaine. Même déclamés par la grande , « la sublime » Sarah Bernhardt, le succès n’est pas au rendez-vous. Trop long, ennuyeux, a estimé un public exigeant…Dans son petit logement mansardé, Edmond Rostand confie son découragement à sa femme Rosemonde: « Je suis un poète raté ».

Elle lui garde sa confiance, persuadée qu’il va écrire un chef-d’œuvre et qu’un jour le couple et ses deux enfants connaîtront la fortune. Notre homme se met au travail, va chercher l’inspiration au café et auprès d’un autre acteur fameux de l’époque, Coquelin. Une nouvelle pièce en vers va naître peu à peu sous sa plume… Ce sera Cyrano de Bergerac.

UNE PIÈCE PUIS UNE BANDE DESSINÉE PUIS UN FILM

Il y a peu, la pièce Edmond a été créée à Paris par le comédien metteur en scène Alexis Michalik. C’est sa troisième. En 2017, elle est récompensée par cinq Molières. En 2018, sa rencontre avec Léonard Chemineau, le dessinateur de Julio Popper et Le travailleur de la nuit, débouche sur une adaptation de 123 pages de ce monument de la littérature française, la pièce la plus jouée à ce jour. Plus qu’une fidèle adaptation du texte, il s’agit en fait de nous faire humer l’atmosphère d’une époque à travers les coulisses de la création. Le tout a été fait en parallèle du tournage d’Edmond, qui devrait sortir sur les écrans en janvier 2019.

Le lecteur aura donc entre les mains, comme le confie Michalik, « une sorte d’hybride entre la pièce et le film ». Au fil de ces 123 pages très enlevées, les auteurs s’amusent. Ils ont mêlé des anecdotes réelles à des scènes fantasmées : les deux producteurs du futur Cyrano sont des tenanciers de bordel , la pièce n’a pas écrite en trois semaines, les actrices ne sont pas toutes amoureuses de celui qui tient la plume.

VERS LE TRIOMPHE

C’est le 28 décembre 1897 que fut donnée la première de Cyrano. Cette fois, après des années de galère, le succès est immédiat pour son auteur. Ce antihéros magnifique est aujourd’hui devenu une véritable icône. Des générations d’élèves l’ont étudié, des pléiades d’acteurs ont chaussé le nez de ce d’Artagnan magnifique, d’autres sans jamais l’avoir lu en ont peut-être quand même entendu parler. Alexis Michalik en résume ainsi l’intrigue : « Pour moi, Cyrano est une histoire matricielle. Qu’un type moche en vienne à faire draguer la femme qu’il aime par un homme mieux avantagé, c’est une situation universelle. Je comprends qu’elle puisse susciter un tel engouement et qu’elle résiste au temps ».

Côté graphisme, là aussi on peut se dire que cet Edmond est une réussite. Léonard Chemineau sait donner chair et épaisseur à ces personnages en les coloriant tour à tour d’une belle force comique avec un final en apothéose où pleines pages et doubles pages accompagnent la mort du héros et le triomphe de l’auteur. Ce One shot publié par Rue de Sèvres est des plus agréables. De la belle ouvrage, vraiment.

Article posté le lundi 29 octobre 2018 par Jean-Michel Gouin

Edmond de Léonard Chemineau d'après Alexis Michalik (Rue de Sèvres)
  • Edmond
  • Auteur : Léonard Chemineau, d’après la pièce de Alexis Michalik
  • Editeur : Rue de Sèvres
  • Prix : 18 €
  • Parution : 17 octobre 2018
  • IBAN: 9782369815297

Résumé de l’éditeur Paris, décembre 1897, Edmond Rostand n’a pas encore trente ans mais déjà deux enfants et beaucoup d’angoisses. Après l’échec de La princesse lointaine, avec Sarah Bernhardt, ruiné, endetté, Edmond tente de convaincre le grand acteur en vogue, Constant Coquelin de jouer dans sa future pièce, une comédie héroïque, en vers. Seul souci : elle n’est pas encore écrite. Faisant fi des caprices des actrices, des exigences de ses producteurs corses, de la jalousie de sa femme, des histoires de coeur de son meilleur ami et du manque d’enthousiasme de l’ensemble de son entourage, Edmond se met à écrire cette pièce à laquelle personne ne croit mais qui deviendra la pièce préférée des français, la plus jouée du répertoire jusqu’à ce jour.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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