Faut pas prendre les cons pour des gens

Emmanuel Reuzé et Nicolas Rouhaud se sont associés pour écrire et dessiner l’un des albums les plus impertinents de cette rentrée. Avec « Faut pas prendre les cons pour des gens », ils stigmatisent la bêtise ordinaire et les incohérences de notre vie en société. Réjouissant.

DES QUESTIONS QUI FÂCHENT

Peut-on remplacer les enseignants par des distributeurs de diplômes ? Faut-il expulser du territoire son bébé ne parlant pas Français ? Doit-on incarcérer de futurs criminels pour éviter qu’ils ne commettent de futurs crimes sur de futures victimes ? Vous ne vous êtes probablement jamais posé ces questions. Nous non plus. Eux, si. Emmanuel Reuzé (« La vraie vie de Didier Super » ou encore « L’Art du 9 e Art » ) et son compère Nicolas Rouhaud nous jettent au visage l’absurdité de notre quotidien et la violence de la bêtise qui animent nos sociétés.

Avec un titre non moins provocateur « Faut pas prendre les cons pour des gens « , ils nous embarquent le temps de quelques planches dans un monde de gags où s’exerce leur talent. Côté langage, c’est beau comme du Audiard ou du Bedos (C’est d’ailleurs à lui qu’on doit la formule  » Il ne faut pas prendre les gens pour des cons, il y assez de cons qu’on prend pour des gens « ). Côté images, un graphisme soigné trouve sa place dans un rythme ternaire et six cases par page, cases souvent dédoublées comme pour appuyer les effets…

UNE CRITIQUE DE l’ÉCONOMIE

Ces histoires courtes, dont certaines ont été publiées dans le Psikopat au début des années 2000 et dans L’Echo des Savanes en 2008, comportent toutes une dimension sociale qui pointe par exemple les travers de la société de consommation. Ainsi ce sketch dans un supermarché où ce sont les clients eux-mêmes qui mettent les produits en rayon puis qui se transforment en caissiers. On vous laisse découvrir la chute. En une phrase, les auteurs en disent plus long sur la cruauté de l’économie de marché qu’un imposant manuel. Ou encore cette situation absurde dans un hôpital où un patient le bras en écharpe et la tête bandée vient en chercher un autre dans sa chambre pour qu’il l’opère. Absurdité des situations, inversion des rôles, basculement des valeurs…

RIRE EN GRINÇANT DES DENTS

Les auteurs abordent dans ces pastiches à peu près tous les grands thèmes qui traversent l’actualité. Les sans-papiers, le sexisme , les réfugiés, l’exclusion, le monde du travail. Nourri dans son plus jeune âge comme il le souligne lui-même de l’humour des Monty Python ou en BD des Goossens , Franquin, Masse et autres Alexis, Emmanuel Reuzé pousse le non sens aussi loin que possible sans jamais dérouter totalement son lecteur. Il semble avoir fait sienne une autre devise face à la cruauté sociale, Mieux vaut rire que pleurer . Tout en grinçant des dents… On en redemande.

Article posté le mardi 17 septembre 2019 par Jean-Michel Gouin

Faut pas prendre les cons pour des gens de Emmanuel Reuzé et Nicolas Rouhaud (Fluide Glacial)
  •  Faut pas prendre les cons pour des gens
  • Scénario : Nicolas Rouhaud/Emmanuel Reuzé
  • Dessin : Emmanuel Reuzé
  • Editeur : Fluide glacial
  • Prix : 12, 90 €
  • Parution : septembre 2019
  •  ISBN : 9 782378 780357

 

  • Résumé de l’éditeur : Faut pas prendre les cons pour des gens est un album d’humour absurde sur la bêtise ordinaire, de plus en plus présente autour de nous. A la manière d’un Goossens ou d’un Fabcaro, Emmanuel Reuzé tord et maltraite les clichés de la société et livre une BD hilarante et grinçante à souhait. Racisme ordinaire, mesures gouvernementales ubuesques, maisons connectées, quotas policiers, surpopulation carcérale, militantisme écologique, rejet des laissés- pour-compte…Reuzé n’épargne rien ni personne pour notre plus grand plaisir. Côté dessin, il singe la BD contemporaine qui n’hésite pas à reprendre le même dessin sur plusieurs cases. Comme vous l’aurez compris, ce bougre ne prend vraiment rien au sérieux, pas même son éditeur!

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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