Hans Fallada Vie et mort du buveur

Le dessinateur allemand Jakob Hinrichs combine la vie tumultueuse du romancier Hans Fallada et l’un de ses héros de papier, Erwin Sommer.

UN ÉCRIVAIN À L’ASILE

C’était assurément un drôle de bonhomme, ce Rudolf Ditzen, alias Hans Fallada, romancier allemand de la première moitié du vingtième siècle, dont plusieurs livres ont été de son vivant de gros succès de librairie. Identifié aujourd’hui comme l’auteur du best-seller Seul dans Berlin et du Buveur, il revit aujourd’hui en images sous les crayons de son contemporain berlinois Jakob Hinrichs. Ce dernier signe chez Denoël Graphic, dans une traduction de Laurence Courtois un très beau roman graphique, Hans Fallada, vie et mort du buveur.

Hans Fallada ( 1893-1947 ) aura passé la plus grande partie de sa vie entre la prison et l’asile psychiatrique. L’alcool et la morphine furent ses indéfectibles compagnons de route, jusqu’à la fin. L’écriture aussi puisqu’il est l’auteur de nombreux romans, abondamment traduits.

LA VIE EST UN ROMAN

Dans ce livre à la construction subtile (on passe sans cesse de la biographie réelle de Fallada aux vies minables de ses personnages de papier) on suit d’abord Erwin Sommer, propriétaire d’un magasin de gros  qui bat de l’aile. Pour échapper à ces difficultés financières et ne pas avoir de comptes à rendre à sa femme, Magda, Erwin va se réfugier dans l’alcool. Il va vite sombrer dans l’addiction et faire de la boisson une compagne fidèle : « Mon bon alcool, sois le bienvenu. S’enivrer, oublier, dériver vers le crépuscule, là où il n’y a plus ni échec, ni regret.«   dit Erwin Sommer.

A l’image de son double de papier, le romancier Fallada/Ditzen aura connu des situations semblables. Il sera notamment accusé de tentative de meurtre sur sa femme et interné à plusieurs reprises.

ENFER INDIVIDUEL, ENFER COLLECTIF

Maladie, addictions, solitude de l’individu face au chaos du monde, déchéance sociale sont autant de fils qui relient l’auteur à ses doubles. Si l’individu est malade, nous dit Fallada, la société l’est aussi qui ne tolère pas les déviants. Pour illustrer cette descente aux enfers, le dessinateur Jakob Hinrichs a choisi des couleurs flashy. Son trait fait penser à certains expressionnistes comme George Grosz. Son premier roman graphique, Nouvelle de rêve, avait fait l’objet de plusieurs traductions et inspiré le cinéaste Stanley Kubrick pour son film Eyes Wide shut. Dans la postface, le jeune illustrateur berlinois s’interroge ainsi sur son travail: « Quelle sorte de livre est sorti de tout cela? Une biographie? Une adaptation littéraire en roman graphique? Ni l’un ni l’autre mais aussi un peu des deux ». 

Article posté le dimanche 29 novembre 2015 par Jean-Michel Gouin

Hans Fallada vie et mort du buveur fait partie des 15 meilleures BD publiées en 2015 pour Comixtrip, le site spécialisé en bande dessinée
  • Hans Fallada, vie et mort du buveur
  • Auteur : Jakob Hinrichs
  • Editeur: Denoël Graphic
  • Prix: 22, 90 €
  • Parution: novembre 2015
  • Résumé de l’éditeur. Hans Fallada (1893-1947), auteur du chef-d’œuvre de la littérature allemande Seul dans Berlin, a passé la majeure partie de sa vie entre prison et institutions psychiatriques. La cause : une dépendance incurable à l’alcool et à la morphine, sans doute les seuls refuges offerts en ces temps de grande violence à un esprit aussi lucide et sensible que le sien. Dans son roman le plus autobiographique, Le Buveur, Fallada prête ses propres faiblesses au personnage du négociant Erwin Sommer, son alter ego dans l’errance et la déchéance sociale.
    Pour évoquer cette descente aux enfers, le talentueux Jakob Hinrichs, à qui l’on doit déjà l’adaptation graphique du Traumnovelle d’Arthur Schnitzler, qui servit de base à Kubrick pour son Eyes Wide Shut, rassemble dans un même récit l’auteur et son personnage. Croisant ses sources avec une précision d’orfèvre, il trace le portrait d’un génie littéraire pris en étau entre la fièvre artistique et l’addiction, dessine l’éloge de l’ivresse…

 

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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