June

Otis boit, Otis boit beaucoup. Il sombre dans l’alcoolisme et c’est toute sa petite famille qui en fait les frais. Nicolas Moog raconte le quotidien de cet homme et de son addiction dans June, un magnifique album aux éditions 6 pieds sous terre.

Trouver de l’alcool

Dans une belle petite maison vivent Otis, sa femme et leurs enfants June et Thomas. Comme tous les jours, le père cherche un prétexte pour sortir. Cette fois-ci, il dit aller promener le chien mais en fait il se rend sur les lieux de sa cachette favorite dans un sous-bois. Là, il déloge d’un fourré deux bouteilles d’alcool. Il se les enfile comme on boirait de l’eau. Parce que oui, Otis est alcoolique.

En rentrant chez lui, sa femme s’en rend compte. Elle est furieuse car il avait promis de ne plus boire. Le lendemain matin, les enfants partis à l’école, Otis téléphone à son psychiatre qui le reçoit dans l’après-midi. Cela ne l’aide pas beaucoup, il préfère continuer à boire et notamment avec un SDF dans la rue. Les excès de violence sont nombreux et il accepte alors d’entrer en cure de désintoxication…

June : dommage collatéral des ravages de l’alcool

Sans fard et avec beaucoup de sincérité, Nicolas Moog imagine June, ce récit dramatique fort et poignant. Pour cela, il met en scène une famille des plus simples, sans histoire et minée par l’alcool. Lorsque l’un des membres du clan est touché par ce fléau, c’est toute la famille qui trinque.

La femme tente de le raisonner et lui faire prendre conscience, June trop petite ne sait pas vraiment ce qui se passe, Thomas la console et entre en colère contre ce père qui disparait peu à peu. S’ils sont soudés dans l’épreuve, ce n’est pas facile d’aider quelqu’un qui boit.

De son côté Otis déprime et ne peut plus faire grand chose de son quotidien. Il chancelle, il pique des crises et devient même violent. Il est loin le début où l’alcool est joyeux. Tout cela doit laisser place aux soignants pour enfin surmonter l’addiction. Pour préserver les enfants, on leur dit que leur père est partie dans le Sud rendre visite à sa mère. Pour les protéger ? Pas sûr, mentir ne fait qu’accroître les peurs et les doutes.

Si Rodéric Valambois dans Mal de mère racontait l’alcoolisme de sa maman et la rejetait avec force, dans June les enfants sont compréhensifs et cherchent à aider leur père. Ils l’aiment tout simplement.

Des planches sobres

Sans donner de leçon ni être moralisateur, Nicolas Moog (En roue libre avec Gilles Rochier) nous livre une histoire brute qui pourrait arriver à n’importe qui. L’alcool fait des ravages dans toutes les classes de la société.

Pour June, il découpe son récit en courts chapitres laissant voix à tous les protagonistes de l’histoire. La narration est simple et limpide, le dessin sobre et efficace. Les visages sont ronds et les décors a minima pour laisser toute la lumière sur les personnages et leurs émotions.

Nicolas Moog rend aussi hommage à Andy Capp, le célèbre personnage de Reg Smythe, le fameux chômeur par vocation.

June : un magnifique petit album sur l’alcool et les dégâts qu’il peut causer au sein d’une famille. Juste et poignant ! Une belle réédition !

Article posté le mercredi 29 août 2018 par Damien Canteau

June de Nicolas Moog (6 pieds sous terre)
  • June (réédition)
  • Auteur : Nicolas Moog
  • Editeur : 6 pieds sous terre, collection Blanche
  • Parution : 13 septembre 2018
  • Prix : 20€
  • ISBN : 9782352120797

Résumé de l’éditeur : Que se passe t-il quand les adultes perdent le contrôle de la situation ? Quand un verre de vin peut faire basculer le quotidien d’une famille ordinaire vers un cauchemar sans nom ? Nous sommes en France, aujourd’hui, dans une ville austère de l’est. June est une petite fille comme les autres. Quand son père Otis ne tient plus ses promesses, quand il laisse son addiction le submerger au détour d’une gorgée d’alcool de trop, les choses ne peuvent pas se passer au mieux. June regarde son père tomber. June voit la catastrophe et la prend de plein fouet. Mais June encaisse… Et qui sommes-nous pour juger qui que ce soit ? J’ai fini par remarquer, au fil de mes lectures et de mes pérégri-nations, à quel point la mythologie du loser magnifique enhardissait encore les foules. Le type se sert de grandes rasades de Scotch, se fout de tout, et tire sur sa clope en restant irrémédiablement cool. On nous présente toujours les excès d’alcool sous la forme de la satire légère, on nous montre des bitures potaches, des gueules de bois bon-enfant, des ivrognes clownesques, de ce genre qui, saouls comme des cochons, iront au devant des pires ennuis mais s’en sortiront toujours comme des chefs, le litron encore vaillant à la main… Les revers de la médaille les plus triviaux sont rarement observés : les mensonges, les secrets honteux, les vies brisées, les odeurs de pisse et de vomi. Quand ces problématiques vous touchent de près, l’acuité avec laquelle on regarde alors la chose prend une tout autre tournure. et prend l’allure d’une plaie. C’est cette plaie que j’ai eu à coeur d’éclairer avec June… Nicolas Moog

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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