Kobane calling

Mandatés par un journal italien pour une mission humanitaire, Zerocalcare et des des amis doivent se rendre au Nord de la Syrie. Là-bas, l’auteur de bande dessinée décide de prendre des notes afin de raconter son quotidien et celui des habitants dans cette région occupée par les troupes de Bachar el Assad et celles de Daesch dans Kobane calling, un excellent album-reportage aux éditions Cambourakis.

DEPART POUR LA SYRIE

Auteur de bandes dessinées né en 1983, Zerocalcare est un artiste très connu en Italie, son pays natal; notamment après la publication de La prophétie du tatou (éditions Paquet) qui le place comme l’un des plus populaires aux delà des Alpes.

Avec 7 autres personnes, il s’engage dans une mission humanitaire commandité par L’Internationale (Le Courrier international italien) pour le nord de la Syrie et la ville de Kobane. Cette cité, tenue par les Kurdes, résiste tant bien que mal aux assauts de Daesh et n’est pas du tout soutenue par Bachar el Assad, véritable tyran dans son pays. Depuis 2011, les Kurdes ont proclamé l’autonomie de la région de Kobane, le Rojova. Les militants sont peu armés par rapport aux attaques des fous de l’Etat Islamique.

Zerocalcare se rend à l’aéroport, prend l’avion – Rome/Istanbul – puis un autre vol jusqu’à Urfa et enfin un trajet en train jusqu’à Suruç. Avec les autres membres, il prendra en taxi pour la petite ville de Mesher, juste en face de Kobane.

KOBANE CALLING : UN REPORTAGE POIGNANT

A travers 172 pages, Zerocalcare met en scène son quotidien sous le feu des tirs et des bombes. Ainsi, il témoigne de la vie délicate et très dure des habitants kurdes des villes près de Kobane. Vendu à 400 000 exemplaires en Italie (en France, l’ouvrage est rapidement en rupture de stock, d ‘où une nouvelle impression), Kobane calling est un album-reportage de très grande valeur, à l’image des ceux de Joe Sacco racontant le conflit en ex-Yougoslavie (Gorazde ou The Fixer).

Sans vouloir jouer au journaliste, l’auteur italien prend la plume et ses crayons pour raconter son périple au Kurdistan et dévoile de très beaux portraits de résistants. Des hommes et des femmes – il rencontre un bataillon exclusivement féminin avec lequel il reste plusieurs jours et dont les membres racontent les valeurs de leur peuple et les relations garçons/filles – qui rêvent d’une vraie autonomie pour leur futur pays. Un état démocratique – leur constitution est un exemple en la matière – pour les habitants. C’est forcément ce qui déplait au régime dictatorial syrien – qui laisserait trop de liberté aux Kurdes – mais aussi au gouvernement irakien – un pays qui les a toujours martyrisé y compris sous Saddam Hussein – la Turquie d’Erdogan qui ne voit pas d’un bon œil cette autonomie et donc à l’Etat Islamique qui les massacre. N’oublions pas que cette région est très riche en pétrole et s’avère donc très stratégique.

Kobane calling soulève donc de nombreuses questions – restées encore en suspens aujourd’hui – la place des Kurdes, la double stratégie Poutine-El Assad, la responsabilité de l’Occident et ses interventions et bien sûr l’après-conflit.

KOBANE CALLING : DE L’HUMOUR COMME ARME

Pour ne pas tomber dans un égocentrisme et ne parler que de lui, il use et abuse de l’auto-dérision et d’un humour à toute épreuve. Sorte de grand adolescent au milieu des bombes, se demandant tout le temps ce qu’il peut bien faire, il ne s’épargne à aucun moment. D’ailleurs cela peut sembler à côté du propos, notamment lorsque cela est potache; mais non cela renforce encore un peu plus l’absurdité du conflit.

Véritable travail journalistique, travail pédagogique et instructif, Kobane calling bénéficie d’une partie graphique excellente. Il ressort son vieil ami le tatou – sa conscience comme Jiminy Cricket – qui peut lui mettre le doute ou alors renforcer son envie. Pour représenter ses parents, là aussi il utilise des animaux anthropomorphes (une grosse poule et une oie toute fine, à l’image du père de Po dans Kung fu Panda).

Son trait en noir et blanc agrémenté par des teintes de gris est d’une redoutable efficacité. Les planches ne jouent pas sur le sensationnalisme ni le pathos – certaines scènes ne sont que suggérées – elles sont d’une grande justesse.

Article posté le lundi 31 octobre 2016 par Damien Canteau

Formidable BD-reportage Kobane calling de Zerocalcare (Cambourakis) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Kobane calling
  • Auteur : Zerocalcare
  • Editeur : Cambourakis
  • Prix : 23€
  • Parution : 07 septembre 2016

Résumé de l’éditeur : Envoyé par le journal italien l’«Internationale», le bédéiste part aux confins de la Syrie, à Kobané, à la rencontre de l’armée des femmes kurdes, en lutte contre l’avancée de l’Etat islamique. A partir de ce voyage il livre un reportage qui s’efforce de retranscrire la complexité et les contradictions de cette guerre tout un gardant un ton drôle et touchant.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir