Koko n’aime pas le capitalisme : Humour en dents de faucille

Avec un mordant bien à lui, l’instagrameur tientiens a sorti en début d’année, Koko n’aime pas le capitalisme, recueil des ses travaux ou se mélange humour, détournements, politique et pop culture. C’est très drôle, bien barré et sur le chemin de la politique, son rouleau compresseur roule très très à gauche.

Instagram ne montre pas uniquement que des gens qui postent des photos de leurs petits déjeuners dans des hôtels hors de prix ou des couchers de soleil foireux. Comme Facebook ou d’autres, les réseaux sociaux sont ce qu’on en fait, ce qu’on décide d’en voir. Perso, je préfère les créations de certains artistes qui mettent en avant leur travaux via les réseaux, que la vidéo des vacances de Martine à la plage, les photos de Jean-Michel qui jardine ou la soirée beuverie de Chloé et ses amis.

UN GORILLE ET DES COCHONS

Depuis plus de deux ans, tienstiens enrichit son compte de ses BD’s bien cintrées. Au programme débats de société actuels, personnalités politiques et culture pop se confrontent dans un habile mélange des genres. Librement inspiré des Situationnistes, Guy Debord et ses compères, qui détournaient des bandes-dessinées pour mieux subvertir la culture de masse, tientiens singe les travers de notre époque pour mieux s’en amuser grâce à de très courts strips.

En parlant singe, le trait d’union de cet ensemble c’est Koko, une femelle gorille douée de parole. «Koko aime humain. Mais humain stupide. Humain ne comprend pas que néolibéralisme consiste en un processus de transformations continues des structures en vue d’un approfondissement indéfini du pouvoir de domination.» Elle se demande ainsi: «Est-ce qu’en France on peut échapper à la convulsion ultime de la guerre civile révolutionnaire ?» puis en se grattant le ventre. «Hélas Koko n’en croit rien. Par ailleurs Koko aime odeur caca 

Cette dichotomie d’un discours très construit qui questionne autant qu’il nourrit, terminé par un humour régressif représente assez bien l’idée des créations de tienstiens. A la fin du livre, quand Koko n’est pas content de l’allocution hypocrite menée par Bernard Arnault, il n’hésite pas à lui jeter un étron à la gueule. Comme Jean-Christophe Menu raconte à quel point la BD peut avoir un aspect cathartique, tienstiens ouvre lui aussi les vannes et balance à ses porcs la merde qu’ils produisent. 

TIENSTIENS ET LE LAC AUX REQUINS

Pour le dessinateur, cibler les puissants permet de caricaturer le pouvoir et ses travers. Soyons honnête avec nous même, tienstiens ne réinvente évidemment rien. Nombreux sont ceux qui ont eu cette idée avant lui et l’ont appliqué de différentes manières. L’intérêt de la chose est qu’il le fait avec sa patte à lui, sa griffe, son mordant. Quand il croque Emmanuel Macron, Alain Finkielkraut ou Dark Vador, il imprime la marque de ses dents dans leur cous, saignant nombre de leurs comportements et annonces. Il en profite au passage pour régler ses comptes avec les réseaux sociaux, la télévision, le machisme, les débats sans fond, les disparités, le communautarisme, les cochons d’Inde qui sont en fait « des ordures Macronistes » ou encore les putaclics.

Il dessine au crayon de couleur, élément qui donne un évident aspect naïf à l’ensemble. Comme Guizmo dans les Gremlins, ses BD ont l’air mignonnes en apparence mais elle camoufle bien pire. « Ces crayons m’ont été donné en cadeau par mes grands-parents et depuis je ne dessine plus qu’avec ça » précise-t-il à l’antenne de France Culture. On pense à Juan Cornella et ses strips tout en couleurs pop qui tirent eux aussi à boulets rouges sur la bien pensance. Si chez Cornella les strips sont dénués de texte, chez tienstiens l’humour se retrouve dans les nombreuses saillies qui émanent des dialogues et des situations. Dans la jungle de Koko, ce n’est peut-être pas toujours très fin mais au moins on s’y amuse bien.

POGNON ET LIBERTE

Le dessinateur à fait appel à Bandes Détournées afin de leur confier la sortie de ce premier livre. Bandes Détournées qui veut éditer de la « BD Situationnistes de bon goût » est une « maison d’auto-édition c’est à dire que nous éditons des auteurs mais en leur laissant un maximum de pognon et de liberté.» Si l’humour absurde qui camoufle en toile de fond une réflexion sur nos contemporains vous botte, n’hésitez pas à serrer la paluche de Koko. Il n’aime pas le capitalisme, mais il est vraiment fun. Pensez juste à regarder s’il ne lui reste pas du caca sur le bout des doigts avant de lui en taper 5.

Bandes Detournées mène en ce moment deux campagnes Ullule avec deux autre joyeux trublions des réseaux, Un Faux Graphiste, ou il est toujours question de détournements à la pelle et de romans-photos et Penseur Etoilé et son dictionnaire alterna’tif ou on parle homonymes, paronymes et marceaumymes calembourdesques. C’est moins engagé que chez tienstiens mais tout aussi lol. 

Article posté le mercredi 19 octobre 2022 par Rat Devil

Koko n'aime pas le capitalisme et autres histoires de tienstiens (Bandes détournées)
  • Koko n’aime pas le capitalisme
  • Auteur : tienstiens
  • Editeur : Bandes Détournées
  • Prix : 23€
  • Parution : 15 avril 2022
  • ISBN : 978-2-9566906-4-1

Résumé de l’éditeur : Tienstiens publie depuis presque deux ans des strips désopilants sur Instagram, avec un succès certain. Son premier album, « Koko n´aime pas le capitalisme », compile des strips déjà publiés et des inédits jamais vus sur internet ni minitel ! Attention : peut contenir des traces de wokisme.

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