La Boîte Lumineuse

Dans la nuit une supérette reste ouverte. Entrez, vous n’êtes plus tout à fait parmi les vivants. Seiko Erisawa nous emmène à la frontière entre le monde des vivants et des morts. L’autrice nous propose une nouvelle lecture du désir de vivre chez Lézard Noir.

La Boîte Lumineuse au coeur des ténèbres

Dans la nuit noir, une supérette reste ouverte. Une fois à l’intérieur, de drôles de phénomènes ont lieu. Cet endroit est situé à la frontière entre la vie et la mort. Les employés ne sont pas tout à fait humains et les clients, pas tout à fait mort.

Alors que va-t-il leur arriver ?

Des employés pas banals

Kokura était un humain vivant auparavant. Au moment de mourir, la gérante est apparue. De sa bouille de gamine et son regard d’ancêtre, elle lui demande : « Souhaites-tu rester en vie ? »

Kokura se retrouve à travailler dans cette supérette étrange. Son collègue se nomme Tahani. Lui, il n’a jamais été humain. Il vient de l’au-delà et fait des études. Son travail dans le commerce lui permet de recueillir des données sur les vivants.

Leur travail consiste à faire tourner la supérette comme un commerce normal et virer les ombres qui essaient de manger les clients de temps en temps.

Se tenir à la frontière

Dans une supérette nocturne, à priori il y a quelques travailleurs tardifs et des noctambules. Mais dans la Boîte Lumineuse, ces mêmes clients ont le cœur lourd.

Un client peut passer trois jours à choisir une compote, feuilleter un magazine pendant une semaine, faire la queue des heures durant sans voir le problème. Dans cette supérette, le temps est propre à chaque personne.

L’extérieur devient noir, la supérette se change en une véritable boîte lumineuse isolé, comme au bord du monde.

Quand les clients entre dans la supérette, c’est qu’ils sont déjà ailleurs dans leur tête. Au bord du burn-out, harcelé par des pensées suicidaires, dans le coma, entrain d’avoir un accident mortel… Les clients entrent, mais Tahani et Kokura ne savent dans quel monde ils iront en sortant.

Ils ont une certitude : Les vivants ne doivent pas se faire manger par les ombres.

Métaphore du mal

Une ombre surgit parfois. Elle s’en prend à un ou une cliente. Tahani s’empare alors d’un balai ou d’un paquet de feuille d’imprimante pour coincer le monstre et le réduire à néant.

Ces ombres s’en prennent aux clients tourmentés, ceux qui n’ont pas encore saisi qu’ils ont dépassé leurs limites physiques et mentales.

Curieux parallèle entre la Boîte Lumineuse et une Boîte Noire. Celle que l’on cherche pour comprendre les drames.

La Boîte Lumineuse coiffe au poteau le culte de la prise de tête et du travail acharné. Thématique récurrente en ce bon vieux 21e siècle made in Japan. Seiko Erisawa met le savoir-vivre au cœur de son manga. Elle critique dans une ambiance douce et bienveillante le mal que l’on peut se faire à soi-même lorsqu’on ne s’écoute pas.

Une entreprise comme les autres

A travers cette supérette, Seiko Erisawa décrit l’au-delà comme une société à part entière. Avec des entreprises qui se font de la concurrence et des évolutions technologiques qui remettent en question la pérennité de l’emploi.

On est à l’abri nulle part.

Mais dans le cas de personnage comme Kokura, maintenu en vie par son emploi, un remaniement d’entreprise signe un arrêt de mort. L’humain est une créature vulnérable.

Mais rien n’est perdu, car les employés n’envisagent pas de se laisser faire.

La boîte lumineuse : lieu de vie

La Boîte Lumineuse est une bonne excuse pour raconter des tranches de vie. Le manga a un côté « recueil de nouvelles » même si on suit les mêmes personnages. Le lecteur est dans une bulle, car l’autrice instaure petit à petit les singularités de sa supérette. Une bulle renforcée notamment par son style très épuré. Presque vide, autant dans la lumière que dans l’ombre, parfois trop figé pour apprécier le mouvement de l’image. La Boîte Lumineuse isole le lecteur de son propre quotidien.

Cette supérette est un carrefour. C’est le lieu où les vivants peuvent choisir – consciemment ou non – s’ils ont envie de vivre, envie de changer ou non. C’est le carrefour des grandes décisions.

La Boîte Lumineuse montre une autrice qui a de la suite dans les idées, un propos à fouiller. La Boîte Lumineuse est en deux tomes, et avec quatre ouvrage encore inédits en France, Seiko Erisawa nous réserve sous doute de bonnes surprises.

Article posté le mercredi 13 juillet 2022 par Marie Lonni

La Boîte Lumineuse - Seiko Erisawa - Lézard Noir
  • La Boîte Lumineuse
  • Auteur : Seiko Erisawa
  • Traducteur : Miyako Slocombe
  • Éditeur : Lézard Noir
  • Prix :  13€
  • Parution : 22 avril 2022
  • ISBN : 9782353482481

Résumé de l’éditeur : Une supérette émet une étrange lueur dans la nuit : elle est située entre le monde des vivants et celui des morts… Quelle surprise du destin attend les clients qui y pénètrent ? La Boîte lumineuse est un recueil d’histoires courtes qui se déroulent dans les replis mystérieux de notre quotidien.

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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