La déconfiture

Le talentueux Pascal Rabaté ravive notre mémoire avec le premier volet d’un diptyque consacré à l’exode de juin 1940. La déconfiture nous emmène sur les pas d’un simple soldat pris dans la tourmente de cet été si particulier.

SOUS LES BALLES ENNEMIES

Des hommes couchés dans un talus, les mains sur la tête, cherchant sous cet abri dérisoire à se protéger des avions chasseurs, les fameux Stukas. Ainsi débute La déconfiture, la nouvelle production de Pascal Rabaté qui nous plonge dans une période noire de notre histoire.

Nous sommes en juin 1940. Amédée Vildegrain, soldat du 11 e régiment, instituteur dans le civil, est à moto sur les routes de France. Comme des milliers d’autres soldats, il tente de retrouver son régiment pris dans la débâcle. Dans la campagne française, les Allemands avancent le long des routes jonchées de cadavres. Vildegrain est chargé de veiller sur les corps de ses camarades abattus par les avions ennemis. Bientôt une balle transperce le réservoir de la moto…

 » ON FAIT DES LITS A LA PIOCHE « 

Commence alors pour le personnage principal de cette déconfiture un étrange périple le long des routes où s’offrent à lui des scènes absurdes. Il croise des bonnes sœurs en godillots , un cheval avec chauffeur qui tire une voiture en panne, il pique-nique avec d’autres soldats perdus dans cette France qui  » se débine, fait ses ballots, fout le camp « . Pour Vildegrain et les autres, dans la chaleur de cet été 40, pas question de moissons. Au lieu de faucher les blés,les voilà mués en fossoyeurs, condamnés à creuser des trous où seront enterrés ceux qui sont tombés sous les balles.  » On est emballeur chez Borniol, on fait des lits à la pioche et on borde la pelle «  dit l’un d’eux.

SANS FIORITURES

C’est l’une des spécificités de l’espèce humaine. Savoir sourire de tout, mettre l’horreur à distance. Au fil de ses rencontres, Vildegrain ne rencontrera ni héros, ni grands patriotes. Rien que des hommes soucieux de sauver leur peau et de s’en tirer du mieux possible, rien que des gradés autoritaires qui « ont une guerre à faire », ou d’autres qui préfèrent demander à leurs soldats de se rendre à l’ennemi avant de se tirer une balle dans la tête .

Dans cet album magistral, Rabaté a su éviter plusieurs écueils. Celui du pathos et des clichés. S’il ne renouvèle pas a priori le thème de la débâcle, évidemment maintes fois traités par les historiens, les cinéastes et les écrivains (il propose sa propre bibliographie en fin d’album), l’auteur de Vive la marée ! (avec David Prudhomme) et de la quadrilogie Ibicus (Vents d’Ouest) livre une vision décalée, parfois burlesque de cette tragédie.

Un trait noir et blanc souple et élégant et des dialogues bien sentis sont les autres ingrédients de cette déconfiture. On attendra avec intérêt le second et dernier volet de cette histoire.

Article posté le samedi 03 septembre 2016 par Jean-Michel Gouin

Remarquable premier volume de La déconfiture signé Pascal Rabaté (Futuropolis), décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • La déconfiture, tome 1/2
  • Récit et dessin : Pascal Rabaté
  • Editeur : Futuropolis
  • Prix : 19  €
  • Parution : 25 août 2016

Résumé de l’éditeur : Juin 1940. La débâcle de l’armée française et l’exode pour des millions de civils. Les repères quotidiens ont éclaté. C’est le grand chaos. À travers le destin d’un simple bidasse, Pascal Rabaté raconte cet été de désordres et de bouleversements extraordinaires.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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