La route de Tibilissi

Deux adolescents fuient une horde de miliciens qui vient de tuer leurs parents. Sur les conseils de leur père, ils prennent le chemin vers Tibilissi, accompagnés de Trois-Trois le robot et Doubi la créature à fourrure. Cet étonnant périple plein de rebondissements est conté par David Chauvel et Alex Kosakowski dans La route de Tibilissi, édité par Delcourt. Un petit bijou.

Vers Tibilissi

Dans une région enneigée, quatre personnes fuient une milice avide de sang. Jake, Oto, leur mère et leur père sont alors rattrapés. Ce dernier fait corps pour couvrir ses deux enfants. Il leur ordonne de prendre la route de Tibilissi. Sans se retourner, les deux adolescents courent, laissant leurs parents pour morts.

Réfugiés dans le creux d’une cavité pour la nuit, les deux orphelins se réveillent déboussolés. Jake propose de retourner dans leur village afin de récupérer des équipements et des provisions parce que le trajet jusqu’à Tibilissi risque d’être long et éprouvant.

Ils constatent alors les dégâts dans les rues; il n’y a plus âme qui vive. Leurs sacs remplis, ils se remettent en route. Avant de repartir, Oto saute de joie, il a retrouvé Trois-Trois et Doubi ses amis. Le premier est un robot rafistolé de partout et le second est une gentille créature à poils mi-ours mi-chien. Le jeune garçon est d’ailleurs le seul à pouvoir communiquer avec eux.

Jake et Oto poursuivent leur chemin vers Tibilissi à travers la forêt afin d’être à couvert. Quelques jours plus tard, ils sont recueillis par une vieille femme ressemblant à une sorcière. Pourtant, elle s’avère être une femme tendre et bienveillante…

La route de Tibilissi : formidable aventure

Entre fantastique, fantasy, onirisme et aventure, La route de Tibilissi est une merveilleuse quête initiatique imaginée par David Chauvel. Pourtant, il aura fallu dix années à l’auteur de la formidable série Le poisson-clown (avec Fred Simon, Delcourt) pour enfin accoucher de cette superbe histoire. Pour mettre en image ce récit, il a fait appel à Alex Kosakowski dont c’est la première bande dessinée, et sûrement pas la dernière.

Poussés par une horde de guerriers sanguinaires à prendre la fuite, ses deux jeunes héros ont des contours psychologiques bien définis et très complémentaires. Cette belle relation fraternelle n’est pourtant pas manichéenne, le plus âgé Jake qui semble protecteur peut lui aussi parfois avoir des doutes et être assailli de peurs. Si le plus petit, Oto est un peu tête brûlée, il se laisse lui aussi aller à des moments de pleurs. La route de Tibilissi est aussi un récit sur le manque, celui des parents, de réconfort et de protection mais aussi sur la mort, parsemée tout le long du périple.

Le tout est contrebalancé par un humour présent quasiment du début à la fin du récit par la personnalité de Oto, par les dialogues entre les deux frères mais aussi par la présence de Trois-Trois et Doubi. Qui sont ces deux personnages ? Pourquoi suivent-ils les deux héros ? Sont-ils là pour pallier les manques (père, mère, protection) ? La bonhommie de la créature poilue ajoutée à la témérité du robot apportent de la chaleur à ce récit en pleine région enneigée.

Le lecteur ne sait pas vraiment où se déroule cette histoire. Tibilissi et non Tbilissi – la capitale de la Géorgie – serait-elle un indice ? La période n’est pas non plus définie : l’époque médiévale ?

Un final surprenant

Si le lecteur ne voit pas le temps passer grâce à une histoire riche et haletante, la fin surprenante l’enchantera. Les tensions montent progressivement au fil des pages pour aboutir à une conclusion que l’on ne voyait pas venir. Un point fort et positif de plus pour La route de Tibilissi.

Ce beau road-movie teinté de course-poursuite est magnifiquement mis en image par Alex Kosakowski. Cet auteur californien a notamment travaillé dans le domaine du jeu-vidéo en tant que concepteur et chara designer. Pour La route de Tibilissi, il réalise de belles planches au style semi-réaliste très maîtrisées. Le lecteur sent la matière, les formes sous ses pinceaux. Ses personnages sont d’une grande expressivité, du petit Oto à la vieille dame en passant par Doubi. Ces deux derniers semblent d’ailleurs sortis tout droit d’un film de Miyazaki. Les décors enneigés sont soignés et très détaillés.

La route de Tibilissi : un excellent conte road-movie de deux orphelins et leurs deux compères dans une région où la guerre fait rage. Une histoire fantasy sombre, à l’humour très présent portée par un dessin de haute volée. Un one-shot formidable !

Article posté le vendredi 20 avril 2018 par Damien Canteau

La route de Tibilissi de David Chauvel et Alex Kosakowski (Delcourt) décrypté par Comixtrip
  • La route de Tibilissi
  • Scénariste : David Chauvel
  • Dessinateur : Alex Kosakowski
  • Coloriste : Lou
  • Editeur : Delcourt, collection Terres de légendes
  • Parution : 11 avril 2018
  • Prix : 19.99€
  • ISBN : 9782756062310

Résumé de l’éditeur : Jake et Oto viennent de voir leurs parents se faire assassiner sous leurs yeux par des miliciens masqués. Les derniers mots de leur père : « Allez à Tibilissi ! ». Pour se préparer, ils repassent par leur village dévasté pour y récupérer des vivres. Là, le cadet retrouve ses deux amis Doubie et Trois-Trois, une drôle de bestiole à fourrure et un robot rafistolé qui vont les accompagner tout au long de leur dangereux voyage…

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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