L’écolier en bleu

Avec L’écolier en bleu, Fabien Grolleau et Joël Legars proposent chez Steinkis une évocation des dernières années du peintre Soutine et de son œuvre. A travers l’histoire de ce tableau célèbre se noue une belle rencontre entre un homme traqué et un gamin de la campagne.

Fuir Paris

Années 40 en France. Avec sa compagne Marie-Berthe Aurenche, il a trouvé refuge en Touraine, dans le petit village de Champigny-sur-Veude, fuyant Paris, l’occupant et les rafles… Lui, c’est Chaïm Soutine, un peintre juif russe pourchassé par le régime nazi qui le considère alors, à l’image de nombre de ses semblables à l’époque, comme un artiste « dégénéré « .

Entre 1941 et 1943, l’année de sa mort, celui qui est devenu un clandestin est aussi un homme malade, le corps ravagé par un ulcère à l’estomac  qui le torture de plus en plus souvent. Ce sont ces deux dernières années que relatent Fabien Grolleau  (Prix 2016 de la BD géographique avec Sur les ailes du monde, Audubon) et Joël Legars (Les aventures d’Arsène Lupin, Le trésor de la mer Rouge…) retracent dans L’écolier en bleu.

Dans la campagne tourangelle, L’écolier en bleu

Dans ce petit coin de province à proximité de la ligne de démarcation mais loin des camps militaires allemands et de la Gestapo, Soutine va peindre quelques-unes de ses toiles les plus emblématiques. En faisant par exemple la rencontre du petit Marcel qui servira de modèle à L’écolier Bleu (1942) ou encore Christiane, inspiratrice de La jeune femme à le barrière (1942). Au départ, les enfants ont peur de cet homme rustre et peu aimable qui pose son chevalet dans les champs, qui dit-on était laid, et qu’ils appellent l’ogre. Puis peu à peu ils s’apprivoisent…

Entouré de mystères

Encore mal connu du grand public, personnage aux multiples vies, Chaïm Soutine, le petit russe né en 1893 dans une famille juive orthodoxe près de Minsk intrigue encore aujourd’hui. Sans livrer une biographie détaillée, les auteurs s’attachent ici à lever un coin du voile . On sent, tant dans le récit proposé par Grolleau que dans le crayonné à la fois bouillant et subtil  de Legars toute l’affection des auteurs pour leur sujet.

Il ne s’agit pas pour autant d’une bande dessinée historique, comme le rappelle Fabien Grolleau en postface mais plutôt « d’un récit de fiction autour des derniers jours de Soutine: sa relation à la nature, son amitié avec le jeune écolier Marcel Varvou et la tragique issue de sa maladie ».

Le lecteur de ce one shot trouvera dans ces planches bien léchées toute une palette de couleurs chères au peintre russe : le rouge sang des chairs décomposées qu’il aimait peindre, comme les verts-bleu et les orangés. Comme dans les toiles du peintre, les auteurs donnent aux visages de leur personnages des contour flous aux traits lourds et torturés, comme des fantômes penchés au bord d’un gouffre.

Article posté le lundi 16 décembre 2019 par Jean-Michel Gouin

L'écolier en bleu de Fabien Grolleau et Joel Legars (Steinkis)
  •  L’écolier en bleu
  •  Scénario : Fabien Grolleau
  •  Dessin : Joël Legars
  •  Couleur : Anna Conzatti
  •  Prix : 18 €
  •  Parution : octobre 2019
  •  ISBN : 9782368461846

Résumé de l’éditeur : Printemps 1942. Pour Chaïm Soutine, peintre juif russe, Paris est devenue trop risquée. Si l’exil à la campagne s’impose aussi pour sa santé, c’est finalement sa créativité qui en tirera le plus grand bénéfice ! La Gestapo semble loin, Soutine trouve en Marcel, le fils du garde champêtre, un modèle particulièrement inspirant. Le gamin qui restera « l’écolier bleu » endure l’humeur de l’artiste et parvient à lui faire tomber peu à peu le masque de l’ogre…

 

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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