Les cœurs de ferraille

Alors que son robot-nounou est renvoyée par sa mère, Iséa tente de le retrouver. Les BeKa et José-Luis Munuera dévoilent cette superbe quête dans Les cœurs de ferraille, un très joli conte familial rétrofuturiste.

Iséa, Tal, Tilio et Cyrano

Iséa est une jeune fille solitaire qui aime regarder des scènes de Cyrano de Bergerac sur sa tablette lors des récréations. C’est son amie Tal, qu’elle n’a jamais vu, qui lui a inoculé le virus de la pièce d’Edmond Rostand.

En attendant, elle est encore en retard pour son entrée en classe. L’enseignante rigide décide de l’interroger mais Tilio demande de l’être à sa place. Mais pourquoi ?

Debry, robot-nounou bienveillant

Après l’école, Iséa se dépêche de rentrer chez elle. Affairée dans la cuisine, Debry son robot-nounou l’attend.

« Ma journée commence maintenant ! Quand j’arrive à la maison ! »

Ce robot domestique est toute sa vie ! Il prend soin d’elle, la fait manger, l’aide à se laver, la peigne et la cajole comme personne. Il faut dire que la mère de la jeune fille ne s’occupe pas beaucoup d’elle. Pire, elle est d’une grande dureté avec elle. La femme n’est finalement que de passage chez elle.

« J’ai renvoyé Debry ! »

Le lendemain après l’école, Iséa est paniquée. Debry a disparu. Sa mère l’a renvoyée. « Tu entres dans l’adolescence. Il est temps que tu apprennes à te débrouiller seule ! », lance alors la femme à sa fille, dans une violence verbale immense.

Furieuse, elle explique alors à Tal qu’elle part à la recherche de son robot-nounou. En pleine nuit, elle quitte sa maison…

Les cœurs de ferraille : fable robotique

Quel bel album que proposent BeKa et José-Luis Munuera ! Pour le premier volume de cette nouvelle série Dupuis, les auteurs plongent leurs jeunes lecteurs dans une uchronie intelligente et belle.

Les BeKa (Les rugbymen, L’atelier détectives, Le jour où…) imaginent une fable robotique dans un XIXe siècle rétrofuturiste. Dans ce pays ressemblant aux États-Unis, les robots travaillent dans des champs de coton. Entre esclavagisme (ici les robots remplacent les noirs américains) et progrès technologiques (tablettes…), ils installent un décor à l’ancienne dans les pas de Autant en emporte le vent, Twelve Years a Slave ou La couleur pourpre.

Il y a donc cette dichotomie entre les relations archaïques dominés-dominants, l’agriculture manuelle, les carrioles pour se déplacer, les magasins et maisons en bois et cette ultra-connexion (robots, tablettes…). Et c’est ce qui plait grandement dans ce premier volume très prometteur.

Mère et fille, relations multiples

Dans Les cœurs de ferraille, les scénaristes ont composé cette intrigue autour d’Iséa, une jeune fille très solitaire, qui ne vit son amitié que virtuellement. Plutôt à la marge à l’école, à la maison ce n’est pas mieux. Elle semble rejetée par sa mère, très dure avec elle. Cette relation entre les deux est d’une grande toxicité. Contrairement à celle qu’elle partage avec Debry.

La tendresse et la bienveillance qualifie cette relation entre le robot-nounou et la jeune fille. Elle trouve en Debry, cette maman qu’elle n’a pas. Comme si les liens du coeur étaient plus puissants que ceux du sang.

De plus, la philosophie des robots inspire le respect. Ils sont dans la bienveillance, la protection et l’acceptation de l’autre dans ses différences.

Les cœurs de ferraille : de la beauté des planches de Munuera

Pour accompagner au dessin le duo des BeKa, José-Luis Munuera fait des merveilles. Le trio a déjà travaillé ensemble sur les séries Champignac et Les tuniques bleues. Encore une fois, les scénaristes ont proposé une histoire sur mesure au dessinateur de Bartleby le scribe.

Les planches colorisées par Sedyas sont sublimes. Le trait de l’Espagnol est d’une grande élégance et très vif. Son dessin est forcément plus réaliste que dans les titres avec les BeKa. On est agréablement surpris par la palette d’émotions des robots alors qu’aucun d’entre eux ne possèdent de nez ni de bouche. Quelle force graphique !

Les cœurs de ferraille : une conte jeunesse intelligent, entre poésie, rejet, acceptation des différences et aventure. J’attends la suite avec impatience !

Article posté le lundi 01 août 2022 par Damien Canteau

Les cœurs de ferraille tome 1 de BeKa et José Luis Munuera (Dupuis)
  • Les coeurs de ferraille, tome 1 : Debry, Cyrano et moi
  • Scénaristes : BeKa
  • Dessinateur : José-Luis Munuera
  • Coloriste : Sedyas
  • Editeur : Dupuis
  • Prix : 13,50 €
  • Parution : 03 juin 2022
  • ISBN : 9791034765843

Résumé de l’éditeur : Dans un monde rétrofuturiste où les humains vivent entourés de serviteurs robots, la jeune Iséa préfère se réfugier dans Cyrano de Bergerac, film conseillé par Tal, sa seule amie, qu’elle ne rencontre que par écran interposé. Mais le jour où Debry, sa robot-nounou adorée, est renvoyée par sa mère, le fragile équilibre de l’adolescente s’effondre. Coûte que coûte, Iséa décide de retrouver la seule personne qui lui ait jamais donné de l’amour, fût-elle un robot… Accompagnée par un camarade d’école, Tilio, elle va partir vers l’étrange ville de Tulpa… Conte à la toile de fond étonnante et au propos qui l’est tout autant, ce premier tome des Coeurs de Ferraille explore avec intelligence et délicatesse le rapport mère-fille dans ce qu’il a d’inné ou de construit, mais aussi parfois de toxique… Les BeKa et Munuera, après leur collaboration sur Les Tuniques Bleues, offrent une nouvelle preuve de leur complémentarité. Le propos est toujours plus sensible, intelligent et surprenant. Le dessin de Munuera encore plus esthétique grâce à l’ajout d’une pointe réaliste.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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