Les ignorants

Quand un grand dessinateur et un grand vigneron décident d’en apprendre plus l’un sur l’autre, cela donne un album exceptionnel, qui fait plonger le lecteur à la fois dans le monde des arts graphiques et dans le monde des caves à vins. Un grand album.

L’ouvrage est du meilleur goût. Quoi de plus normal puisqu’il associe deux valeurs sûres, le dessinateur Etienne Davodeau et son ami vigneron Richard Leroy ? A première vue, il n’y a pourtant pas beaucoup de similitudes entre leurs deux univers. Mais tous deux sont des passionnés. Et surtout des amis.

Installés en Anjou, pas très loin l’un de l’autre, ils ne connaissent pourtant pas leurs métiers réciproques. Propriétaire d’un domaine viticole à Rablay-sur-Layon (Maine-et-Loire), Richard Leroy n’a quasiment jamais lu de bande dessinée. De son côté Etienne Davodeau sait peu de chose sur le monde du vin. Alors durant un an, ils vont s’initier réciproquement.

Plus que les deux hommes, c’est surtout le lecteur qui s’enrichit

Le dessinateur découvrira la taille, le décavaillonage, la tonnellerie, partira avec son ami à la découverte d’autres vignerons amoureux de leurs terroirs, et surtout, effectuera un grand nombre de dégustations. La seule manière de vraiment apprécier le vin, même si «Au delà d’une quarantaine de vins, ma capacité de dégustation s’étiole un peu », concède Richard Leroy. On suit avec plaisir sa découverte de la bande dessinée, effectuée à travers de nombreuses lectures, des rencontres avec un éditeur et des auteurs comme Jean-Pierre Gibrat (Le Sursis, le Vol du Corbeau) ou Emmanuel Guibert (Le Photographe), des visites de festivals, d’expositions et même d’un imprimeur.

En fait, bien plus que les deux hommes, c’est surtout le lecteur qui s’enrichit à la lecture d’un tel ouvrage de 272 pages. Les Ignorants constitue une sacrée bouffée d’air dans la production actuelle. Un grand cru. On en ressort étrangement heureux. Normal finalement, car avec Etienne Davodeau, on n’est jamais déçu. L’auteur récompensé par de nombreux prix (Rural, Les mauvaises gens, Un homme est mort) livre un nouvel album sensible et passionnant.

Un ouvrage à déguster comme du bon vin

Car c’est bien de passion qu’il s’agit dans cet ouvrage. De celle de Davodeau pour la bande dessinée et de celle de Richard Leroy pour le vin, qu’il cultive avec le plus grand respect, alliant à la fois culture biologique et biodynamique. Tout en refusant de mettre le logo « B » sur ses bouteilles car il ne veut pas que le bio soit un argument commercial. C’est un sacré personnage. Un vrai, entier. Terriblement attachant. Parlant avec son cœur, quitte à donner un avis tranché allant à l’encontre des canons, comme par exemple au sujet de l’immense Moebius : « C’est pas bon », lâche Richard. « Ses planètes, ses bestioles, ses élucubrations, tout ça, pfff… C’est fatigant… » C’est sincère. Comme cet ouvrage à déguster comme du bon vin. Avec une bonne bouteille de Richard Leroy de préférence (Les Noels de Montbenault, Le Clos des Rouliers). C’est incontournable.

Article posté le lundi 10 octobre 2011 par Nicolas Albert

Les Ignorants fait partie des meilleures BD sur le vin, la vigne et l'oenologie pour Comixtrip, le site spécialisé en bande dessinée
  • Les Ignorants
  • Auteur : Etienne Davodeau.
  • Editeur : Futuropolis
  • Prix : 24,50 euros.
  • Sortie: le 6 octobre 2011.

Résumé de l’éditeur : Par un beau temps d’hiver, deux individus, bonnets sur la tête, sécateur en main, taillent une vigne. L’un a le geste et la parole assurés. L’autre, plus emprunté, regarde le premier, cherche à comprendre « ce qui relie ce type à sa vigne », et s’étonne de « la singulière fusion entre un individu et un morceau de rocher battu par les vents ». Le premier est vigneron, le second auteur de bandes dessinées. Pendant un an, Étienne Davodeau a goûté aux joies de la taille, du décavaillonnage, de la tonnellerie ou encore s’est interrogé sur la biodynamie. Richard Leroy, de son côté, a lu des bandes dessinées choisies par Étienne, a rencontré des auteurs, s’est rendu dans des festivals, est allé chez un imprimeur, s’est penché sur la planche à dessin d’Étienne… Étienne et Richard échangent leurs savoirs et savoir-faire, mettent en évidence les points que ces pratiques (artistiques et vigneronnes) peuvent avoir en commun ; et ils sont plus nombreux qu’on ne pourrait l’envisager de prime abord…

À propos de l'auteur de cet article

Nicolas Albert

Nicolas Albert est journaliste à la Nouvelle République - Centre Presse à Poitiers. Auteur de plusieurs livres sur la bande dessinée (Atelier Sanzot, XIII 20 ans sans mémoire…) ou de documentaires video, il assure également différentes missions pour le festival international de la bande dessinée d'Angoulême : commissaire d’expositions (Atelier Sanzot, Capsule Cosmique, Boule et Bill, le Théâtre des merveilles, Les Légendaires…), metteur en scène des concerts de dessins, rédacteur en chef de la WebTV et membre du comité de sélection.

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