L’esprit rouge

Le récit d’un voyage initiatique vers le Mexique d’un grand écrivain, Antonin Artaud, magnifiquement servi par le dessin de Zéphir. C’est  L’esprit rouge, sorti en mars chez Futuropolis.

L’HOMME ET SES DÉMONS

Artiste total, fou, engagé, torturé, en proie aux pires cauchemars… Les qualificatifs à l’endroit de cet homme-là n’ont pas manqué. Ecrivain, poète, dessinateur, homme de théâtre, acteur et metteur en scène, il fut tout cela aussi. En à peine plus d’un demi-siècle d’existence, Antonin Artaud ( 1896-1948) multiplia les masques et les doubles. Jusqu’à sombrer dans une « folie »à laquelle la société de son époque n’était sans doute pas étrangère. Ses séjours et ses internements à répétition dans les asiles d’aliénés ne l’empêchèrent pas pour autant totalement d’être pendant l’entre-deux guerres l’une des figures culturelles les plus en vue. Curieux de tout et surtout lassé de l’hypocrisie de se semblables, il entreprit un jour de 1936 un voyage pour le Mexique qui modifia sensiblement le cours de son existence…

SUR LA TRACE DES TARAHUMARAS

Toujours en quête d’absolu, de liberté  et d’une vérité qu’il croit désormais introuvable sur le vieux continent, Antonin Artaud arrive à Veracruz puis à Mexico.  » Je suis pourtant venu ici pour apprendre, lance-t-il à l’un de ses hôtes, Et pour ramener des enseignements à l’Europe. Ce n’est pas la culture européenne que je suis venu chercher ici, mais la civilisation originelle mexicaine « . 

Vaste programme qui en septembre 1936 va conduire le poète jusque dans la sierra mexicaine à la rencontre des indiens Tarahumaras. Dans ces lieux reculés où les terres rouge et ocre balisent les paysages, le poète à la recherche « de l’ancienne culture solaire » espère une révélation. Pour y parvenir, il bascule d’une drogue dont il s’est sevré à grand’peine, l’opium, pour basculer dans une autre, le peyotl. Une drogue suffisamment puissante « pour voir Dieu deux ou trois fois » lui annonce un indien.

LA PLACE DE L’ARTISTE

De retour à Paris, affaibli, il sera interné à Sainte-Anne, tentant ensuite pendant des années de coucher sur le papier les visions et les états transformés de la conscience entrevus au Mexique… Il en tirera un livre Les Tarahumaras (Folio Essais) teinté de mysticisme et de questions sur le sens de l’existence. Artaud, auteur réputé difficile ou à tout le moins parfois d’un abord malaisé, trouve dans cet album illustrant une tranche de son existence une vigueur nouvelle. Transcendé par les rouges et les ocres gras et âpres de Zéphir, le parcours de cet homme hors cadre ne laisse personne indifférent. Antonin Artaud, un voyage mexicain, est au bout du compte est un très bel album aux multiples entrées, construit autour de multiples flashbacks proposés par Maximilien Le Roy.

La force du trait colle ici tout à fait à la violence des propos et des expériences vécues par l’artiste. Un artiste qui meurt après des années d’internement et de nombreuses séances d’électrochocs, persuadé d’avoir ouvert une voie ou a minima d’avoir posé des questions essentielles, comme celle-ci dans une de ses dernières lettres : « Le devoir de l’écrivain, du poète, n’est pas d’aller s’enfermer dans un texte, un livre, une revue dont il ne sortira plus jamais/mais au contraire de sortir/dehors/pour secouer,/pour attaquer/ l’esprit public,/sinon/à quoi sert-il?/ Et pourquoi est-il né? »

Article posté le jeudi 24 mars 2016 par Jean-Michel Gouin

Le formidable voyage au Mexique d'Antonin Artaud raconté dans L'esprit rouge de Maximilien Le Roy et Zéphir chez Futuropolis décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • L’esprit rouge
  • Récit : Maximilien Le Roy
  • Dessin : Zéphir
  • Editeur : Futuropolis
  • Parution : mars 2016
  • Prix : 21, 90 €

Résumé de l’album. C’est le récit d’un voyage. Celui d’Antonin Artaud, en 1937, au cœur de la sierra mexicaine à la rencontre des indiens Tarahumaras. Un voyage à la recherche des racines ancestrales du Mexique qu’Artaud veut découvrir pour « en ramener des enseignements à l’Europe ».

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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