L’été à Kingdom Fields

Une mère et ses deux enfants filent sur la route de vacances. Personne ne semble satisfait de ces moments où l’on ne fait rien. Jon McNaught imagine L’été à Kingdom Fields, une ode à la lenteur, un morceau de vie simple. Surprenant et beau !

Partir pour Kingdom Fields

Avec ses deux enfants – Suzie et Andrewune mère prend l’autoroute, direction Kingdom Fields, un lieu de vacances qu’elle a connu par le passé. Si la plus jeune semble apprécier le trajet, ce n’est pas le cas de l’adolescent qui le trouve trop long.

Le temps de faire une halte dans une restaurant d’une aire d’autoroute (jeux extérieurs, jeu d’arcade et pique-nique), ils repartant vers leur destination finale. Les enfants dorment et la mère conduit.

Camping et mobil-homes

Kindgom Fields, c’est un camping rempli de mobil-homes; un lieu perdu où il n’y a pas de réseau de téléphone. La télévision, les balades sur la plage et les jeux sur ordinateur semblent être leurs seuls distractions pour passer le temps.

Tandis que Suzie et sa mère observent les crabes et autres coquillages le long de la mer, Andrew explore les environs et découvre un bunker abandonné. Sur l’édifice militaire, il fait la connaissance d’un adolescent…

L’été à Kingdom Fields, éloge de la lenteur

Il y a les auteurs de bande dessinée et il y a Jon McNaught. Inclassables, ses albums sont d’une force et d’une beauté hors-norme.

Né en 1985 dans le sud de l’Angleterre, l’artiste passe son enfance sur les Îles Malouines. De cette expérience, il en tira Pebble Island, un recueil de trois histoires sans texte. Aujourd’hui enseignant en lithographie offset et impression dans une université de l’ouest de la Grande Bretagne, il a débuté sa carrière d’auteur de bande dessinée chez Nobrow avec les merveilleux Automne (Prix révélation à Angoulême) et Dimanche en 2012. Les trois publications ont été éditées en français par Dargaud.

Pour L’été à Kingdom Fields, Jon McNaught imagine un récit d’une simplicité débordante. Sans grande effusion ni grande aventure, il raconte une histoire humaine où les relations entre les trois personnages sont le cœur de l’album. Comme de belles vacances où l’on prend le temps de ne rien faire, l’intrigue est avant tout un éloge à la lenteur. Néanmoins si l’on pense qu’il ne se passe rien, c’est faux. Il y a les doutes, les envies, les tensions et le bonheur entre eux.

Des Petits riens qui forment un grand tout

Se balader sur une plage, manger dans un mobil-home, visiter un musée quelconque, rouler en voiture, observer les étoiles ou boire une bière, tout ces moments d’une grande simplicité sont contés avec une force incroyable. Maîtrisant l’art de la narration comme personne, Jon McNaught magnifie les petits riens de la vie quotidien qui forment un grand tout dans une vie.

Tous les lecteurs ne seront pas attirés par L’été à Kingdom Fields. Certains seront décontenancés par cette narration et ce minimalisme dans les connexions entre les protagonistes. D’autres crieront au génie tant cet album est parfait.

UN dessin exquis et original

Là où L’été à Kingdom Fields est d’une dimension hors du commun, c’est aussi dans les planches de l’auteur britannique. Avec peu de texte, sans récitatif et avec quelques dialogues, il arrive à capter l’attention de son lectorat.

Jon McNaught utilise avec habileté le gaufrier (jusqu’à 24 cases) et notamment des vignettes carrées. Cela lui permet d’ajouter du détail à son histoire. Parfois, il les intercale avec des cases panoramiques ou des pleine-pages qui donnent une respiration et une grandeur à son histoire. Ses bâtiments, ses rocher ou ses véhicules sont géométriques. Leurs lignes droites sont uniquement cassées par les courbes des personnages ou des végétaux. Le tout est rehaussé de couleurs en aplats très douces. Les bleus, les rouges et les roses sont les seules gammes chromatiques de l’album.  Le trait noir épais est lui aussi magnifique. C’est d’une beauté ébouriffante et incomparable.

L’été à Kingdom Fields : une histoire banale, sublimée par une narration exquise et un dessin merveilleux. Une ode à la lenteur, pour prendre le temps de vivre. Sublime !

Article posté le dimanche 23 février 2020 par Damien Canteau

L'été à Kingdom Fields de Jon McNaught (Dargaud)
  • L’été à Kingdom Fields
  • Auteur : Jon McNaught
  • Éditeur : Dargaud
  • Prix : 18 €
  • Parution : 31 janvier 2020
  • ISBN : 9782205082081

Résumé de l’éditeur : Une famille part pour un séjour dans un camp de bungalows sur la côte britannique. Les décors familiers à tout à chacun défilent : autoroute, stations-services, falaises sur la mer, musées décrépits, boutiques pour touristes, absence de réseau, visite à la lointaine famille, amitiés estivales. Jon McNaught met des mots et des images sublimes sur le rythme de la nature, le temps qui passe, l’adolescence, l’ennui et la beauté des vacances d’été avec un talent unique : transformer l’ordinaire en extraordinaire.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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