Lumière noire

Entre une chorégraphe et un jeune danseur, des échanges, la danse, la création et l’amour sont le tourbillon de leurs relations, denses et fortes. Claire Fauvel et Thomas Gilbert nous plongent dans Lumière noire, une passion créatrice amoureuse, sociale et écologique. Entre beauté et autodestruction.

Qu’est-ce que la lumière noire ?

La lumière noire, c’est une lumière composée d’UV qui permet de voire des évènements invisibles à l’œil nu. Par exemple, les effets lumineux en soirée qui met en exergue la poussière sur les vêtements, ou rend le blanc fluorescent. Elle est également utilisée en médecine pour voir des lésions.

L’histoire de Lumière Noire coécrite et dessinée par l’autrice Claire Fauvel et l’auteur Thomas Gilbert est celle d’Ava, une chorégraphe renommée et de Ian, un jeune danseur belge. Il va naître une histoire d’amour et de création entre eux, un amour où les deux êtres ne trouvent pas leur vraie place chez l’autre.

Il s’agit d’un album poétique qui a travers différents narrations nous amènent à découvrir les personnages : comment ils se voient eux-mêmes, comment ils sont perçus par les autres et comment eux perçoivent ce monde violent. Finalement, nous les regardons évoluer dans cette histoire comme si on les soumettait aux effets de la lumière noire.

Ava et Ian entrent dans la danse

Le personnage d’Ava est celui d’une chorégraphe et danseuse renommée et reconnue par ses paires. Mais, après plusieurs succès, elle se sent « vidée », « perdue », « sans désir », sans envie, « sans passion », « sans renouvellement ». Elle évolue dans une atmosphère rugueuse, dure et dérangeante. Elle est perçue comme rebelle, une ode à la liberté mais elle-même se perçoit comme vide. Son statut d’artiste reconnue et la position d’attente qu’ont les autres par rapport à elle la dérange et, face au monde chaotique qui l’entoure, Ava se protège, elle se mure dans la sidération, refusant d’être touchée par une quelconque émotion.

Puis elle rencontre Ian, jeune danseur un peu naïf tout droit sorti d’une école. Face à elle qui est comme pétrifiée, Ian, chacun de ses gestes est incarné, il est mû pas la passion et l’émotion. Cette force presque primitive que Ian représente attire Ava et dans l’idée de l’élaboration d’une création artistique et elle va le faire venir avec elle, sur Paris.

Des corps qui s’épuisent, qui s’aiment et se haïssent

Dans cet album qui aborde la création, nous voyons des corps qui s’épuisent, qui s’aiment, qui se haïssent, qui créent, qui s’unissent, qui se déchirent. Ce sont des corps animés par le dessin et la danse : deux arts qui s’imbriquent où les corps prennent place. La représentation-même du corps dansant dans le dessin.

Et au travers de la danse, l’album, qui révèle tout un tourbillon d’êtres dans monde qui les entoure, montre à quel point la création peut être à la fois belle et terrible. Et que les humains le sont tout autant.

Lumière noire : créer dans un contexte de la fin du monde

On est face à un contexte social très dure humainement et écologiquement, la sécheresse est telle que les oiseaux meurent, les températures grimpent trop forts, les émigrés sont expulsés violemment, les manifestations tournent à l’émeute …

Ces deux jeunes gens vivent dans un contexte social violent, rétrograde, catastrophique humainement et écologiquement. On est en présence d’un monde bouleversé, tels qu’il est aujourd’hui mais les faits évoqués dans l’album sont dans une continuité radicalement plus chaotique. Et les deux personnages qui entrent dans un processus de création artistiques, en sont impactés mais face à cela, ils vont emprunter des voies différentes.

De l’ambivalence et des contradictions des femmes et des hommes

Enfin, dans cet album, Claire Fauvel (La guerre de Catherine, La nuit est mon royaume) et Thomas Gilbert (Bjorn le morphir, Vénéneuses, Oklahoma Boy, Sauvage ou la sagesse des pierres) abordent un thème très actuel, celui de la Bien-Pensance. la moralité, la pureté, l’innocence sont notions très radicales face à l’honnêteté de l’humain, son ambivalence, ses contradictions.

Finalement, n’est-ce pas se mentir que penser qu’on pense mieux que tout le monde ? Il s’agissait déjà d’un thème abordé par Thomas Gibert dans Les filles de Salem, ces filles sacrifiées au nom du bien-être publique en quelque sorte, comme des boucs-émissaires, alors qu’elles ont juste été tuées coupable d’une sorcellerie fantasmée.

Article posté le samedi 18 décembre 2021 par Marthe Gallic

Lumière noire de Claire Fauvel et Thomas Gilbert (Rue de Sèvres)
  • Lumière noire
  • Auteurs : Claire Fauvel et Thomas Gilbert
  • Éditeur : Rue de Sèvres
  • Prix : 20 €
  • Parution : 27 octobre 2021
  • ISBN : 9782810200436

Résumé de l’éditeur : Ava, chorégraphe reconnue, ironise sur le fait qu’elle vient d’obtenir une bourse pour la création d’un spectacle alors qu’elle a décidé d’arrêter la chorégraphie. Après une ascension fulgurante, Ava est vide de toute inspiration, désabusée, jugeant son art inutile face aux enjeux sociétaux du moment. Son amie Suzanne, lui conseille tout de même de monter ce spectacle et pour lui changer les idées, l’entraîne au gala de fin d’études de l’école de danse contemporaine dans laquelle Ava a été formée. Dès les premiers instants, l’oeil d’Ava est aimanté par Ian, l’un des danseurs, dont la fougue et la passion sur scène, lui rappelle sa propre jeunesse. À la fin du spectacle, Ava le retrouve et sans prendre totalement la mesure de ce qu’elle est en train de faire, lui explique qu’elle travaille sur un nouveau spectacle pour lequel elle aimerait lui proposer le rôle principal. Ava n’ a aucune idée en tête mais juste l’envie de créer une nouvelle façon de danser, basée sur l’improvisation. Les deux commencent à travailler ensemble, à échanger et découvrent qu’ils partagent une certaine vision du monde, des questions sociales et écologiques et bien plus encore …la passion de leur art et une attraction l’un pour l’autre de plus en plus forte. Petit à petit, l’inspiration revient à travers un conte dont le personnage principal n’est pas sans rappeler Ian. Les deux amants s’enferment dans leur bulle créatrice, tout entiers à leur passion. Tandis qu’au dehors, le contexte social s’endurcit, le chaos que vit la société va-t-il finir par transparaître dans leur relation ? La sensibilité de ces deux passionnés les entrainera-t-elle dans les affres de l’autodestruction ?

À propos de l'auteur de cet article

Marthe Gallic

Passionnée de théâtre et de littérature, Marthe aime les livres et les adaptations de romans en bande dessinée. Elle vous partage ses petites pépites.

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