Mort cinder

Les éditions Rackham publient l’intégrale de Mort Cinder, un des sommets de la BD argentine. C’est aussi la réunion de deux maîtres du genre, le dessinateur Alberto Breccia et le scénariste Héctor German Oesterheld.

QUI EST VRAIMENT MORT CINDER ?

« Les vieilles choses gardent en elles la trace de la vie qui les a entourées. Et cependant, il y a peu de personnes capables de capter les angoisses, les émotions enfermées, tels d’invisibles fossiles, dans les vieux objets. Je fais partie de ceux-là, et c’est de là que vient ma vocation d’antiquaire, et cette fascination pour les temples de quelques religions qu’ils soient […]

«Mort Cinder sait capter mieux que moi ou que quiconque le souffle de cette vie cristallisée pour l’ éternité. Mort Cinder est peut être même l’incorporation de cette vie-là, incrustée dans la matière inerte (et non morte) des choses. Et je dis «peut-être» car, même moi, qui ait pourtant vécu longtemps avec lui, je ne saurais dire qui est vraiment Mort Cinder » . Ainsi parlait en 1972 Hector Oesterheld, le scénariste de Mort Cinder et complice d’Alberto Breccia qui le fît naître sous ses plumes et crayons. Opportunément rééditées par Rackham et sélectionnés dans la catégorie Patrimoine au prochain festival de la BD d’Angoulême, les aventures de ce personnage hors du commun constituent un des sommets de la BD fantastique des années 60 .

L’ETERNITE COMME HORIZON

C’est en 1962 qu’apparaît pour la première fois le personnage de Mort Cinder dans les pages de la revue Argentine Misterix. Ses créateurs sont déjà populaires. Alberto Breccia  (1919 – 1993) dessine depuis vingt ans. Héctor Oesterheld, militant de la gauche péroniste (victime de la dictature militaire disparu en 1977) a déjà écrit de nombreux scénarios et créé des personnages tels que L’Eternaute, Sgt Kirk ou encore Sherlock Time. Mais Mort Cinder, ce «détective du temps et de l’espace », cet «homme qui était né et mort mille fois » et qui possède des connaissances mystérieuses est assurément l’un de ceux qui aura le plus marqué l’histoire du neuvième art en Amérique latine.

Avec son compagnon, l’antiquaire de Chelsea Ezra Winston, il est une vigie à la fois inquiétante par sa stature et rassurante par sa philosophie. Insubmersible, Mort Cinder a été le témoin de tous les soubresauts d’une humanité en souffrance, de la construction de la tour de Babel au Chemin des Dames en passant par la Bataille des Thermopyles…

DES TECHNIQUES NOUVELLES

Cette série d’histoires fantastiques fonctionne sur le même procédé narratif inépuisable : j’étais là quand… qui permet aux auteurs de replacer et de déplacer le personnage à travers toutes les temporalités ; Sombre, expressionniste, sans doute fortement influencée par le cinéma du même nom, Mort Cinder est considéré comme l’un des sommets de la BD noir et blanc au vingtième siècle.

Car pour dessiner ses paysages et camper ses personnages, Breccia dessine sur de larges surfaces noires et blanches, utilisant une lame de rasoir en guise de spatule pour étaler, étendre l’encre de Chine qu’il mélange parfois à d’autres matières (colles ou solvants).

Son trait fin et précis, ses jeux d’ombres et ses visages torturés taillés à la serpe semblaient ainsi parfaitement adaptés au propos de Mort Cinder. Plus de cinquante ans après la publication de ces étranges aventures, leur effet sur le lecteur est toujours saisissant.

Article posté le mardi 24 janvier 2017 par Jean-Michel Gouin

Mort Cinder de Alberto Breccia et HG. Osterheld (Rackham) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Mort Cinder
  • Dessin: Alberto Breccia
  • Scénario : Hector German Oesterheld
  • Prix: 32 €
  • Parution : Novembre 2016

Résumé de l’éditeur. Plus de seize ans après sa dernière publication en France, les éditions Rackham offrent un nouvel écrin au chef d’œuvre d’Oesterheld et de Breccia, en proposant une version intégrale de cet album que d’aucuns considèrent comme l’un des plus importants de l’histoire de la bande dessinée argentine, et mondiale. Le volume rassemble les dix épisodes que compte l’œuvre, parus en Argentine à partir de 1962, auxquels s’ajoute le scénario inédit d’un onzième épisode jamais réalisé. À l’occasion de cette publication, la traduction a fait l’objet d’une révision complète et de nombreuses pages ont bénéficié d’une restauration fidèle aux planches originales de Breccia qui réctifient des erreurs et des oublis de la précédente édition française.

 

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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