Naoto

Après la catastrophe de Fukishima, Naoto tente de sauver les animaux restés dans la zone contaminée. Tirée d’une histoire vraie, Fabien Grolleau et Ewen Blain content sa dévotion dans un très bel album, entre radiations, nucléaire et écologie. Touchant d’humanisme !

Tremblements de terre, tremblements de vie

Fukushima au printemps 2011. Koichi est heureux : il va pouvoir passer quelques jours de vacances dans la ferme de ses grands-parents et de son oncle Naoto. Le petit garçon sait qu’il va bien s’amuser entre s’occuper des bêtes et planter des graines.

Mais voilà, le 11 mars à 14h36, un séisme de forte magnitude s’abat sur la région. Alors qu’il est dehors, Koichi tombe sous l’effet du tremblement de terre. Son oncle se précipite pour le protéger.

Après avoir pris des nouvelles de ses parents, Naoto fait fuir les vaches. La maison familiale s’effondre comme un château de cartes. Il leur propose alors de venir chez lui. La solidarité se met en place.

Tsunami dévastateur, vies brisées

Mais le pire était à venir. Le séisme déclenche alors un tsunami, énorme vague qui dévaste la plaine de Fukushima. Pire, la centrale nucléaire de Daichii est immergée. Les réacteurs s’arrêtent et les piscines ne se refroidissent plus. La catastrophe écologique est annoncée.

Naoto rassure Koichi en lui racontant des histoires. L’homme ne montre jamais ses craintes, il protège son entourage avec sang froid.

Le lendemain, les hauts-parleurs hurlent les consignent gouvernementales : il faut évacuer la zone irradiée au plus vite. Mais ni les pluies acides, ni la panne d’électricité et ni la panique des gens ne font renoncer Naoto.

Retour en zone irradiée

Quelques jours plus tard, Naoto décide de revenir sur place malgré les consignes strictes et la police qui patrouille. Or de question de tout le laisser en plan. Il faut sauver ce qui peut l’être.

Il aide alors les animaux abandonnés. Il le sait : sauver les animaux, c’est sauver l’humanité. Il se crée alors une véritable arche de Noé…

Naoto : la bienveillance et l’humanité

Naoto, c’est un rayon de soleil, une lueur d’espoir quand tout va mal ! En choisissant de raconter l’histoire vraie de cet homme, Fabien Grolleau relate de ce que la bonté et la bienveillance peuvent engendrer de mieux dans un moment très sombre de l’Histoire récente du Japon.

Tellement proche de nous mais tellement loin aussi, tant le monde tourne à toute vitesse, la catastrophe nucléaire de Fukushima a déjà 10 ans. Dix années de recherche, dix années pour essayer de comprendre et dix années pour panser les plaies.

Naoto : des animaux et des hommes

Naoto, c’est « l’homme le plus irradié du Japon », celui qui n’hésite pas un seul instant à surmonter ses peurs, à aller de l’avant pour sauver les animaux abandonnés par leurs propriétaires sommés de fuir au plus vite la zone contaminée.

Tel Noé dans son arche, il les rassemble, les nourris comme il peut et les rassure. Oui, les hommes ont besoin des animaux et parfois les animaux ont besoin des hommes. Il résiste aux consignes des autorités pour le bien des êtres vivants. En cela, l’album est une hymne à la nature, à ses bienfaits, à sa résilience et à sa renaissance après des dégâts engendrés par la folie des hommes.

Fabien Grolleau, une scénariste écolo-humaniste

Cette histoire vraie, seul Fabien Grolleau pouvait la mettre en image. L’auteur originaire de Cholet a souvent abordé les thématiques de l’écologie et de l’environnement dans ses albums où ses protagonistes ont une forte personnalité et très enclin à protéger la nature.

Ainsi, Sur le ailes du monde Audubon relatait les voyages de l’ornithologue en Amérique, HSM Beagles racontait ceux de Charles Darwin, L’écolier en bleu abordait les liens entre le peintre Soutine et la nature, Mikaël ou le mythe de l’homme des bois mais également Le chantier où une jeune architecte tentait d’imposer la nature dans une construction de maison.

Contes japonais

Pour étoffer son récit, Fabien Grolleau apporte de la poésie et du rêve à travers les histoires racontées par Naoto. Pour rassurer Koichi, il lui révèle des fables japonaises populaires. Ainsi, Kashima tente de maintenir immobile Namazu, le poisson-chat sur le dos duquel repose le Japon, grâce à son épée.

L’auteur de Traquée fait aussi conter l’histoire d’Urashima, pêcheur qui sauve une tortue et un dragon. En évoquant ces fables, Fabien Grolleau construit un pont entre traditions et modernité, notions fortes au Japon.

Fukushima sous les pinceaux d’Ewen Blain

Pour un premier album, c’est un première vraie réussite pour Ewen Blain ! L’auteur fréquentant souvent les pages de la presse jeunesse ravit les yeux de ses lecteurs par une partie graphique d’une grande délicatesse. Son trait parfois nous fait penser à des séries d’animation japonaises des années 1980. Ses personnages arborent de grands yeux qui lui permettent de faire passer un maximum d’émotions.

Le bestiaire d’Ewen Blain est beau, ses dragons et autres créatures fantastiques sont du même acabit. La poésie se ressent aussi à travers de très jolies couleurs pastel.

La catastrophe de Fukushima et la bande dessinée

Très tôt la bande dessinée s’est intéressée à la catastrophe de Fukushima. Les mangakas se sont rapidement penchés sur les événements et ses conséquences. Ainsi, Master Keaton d’Urasawa, Je reviendrai vous voir de George Morikawa, Au coeur de Fukushima de Kazuto Tatsuta, Colère nucléaire de Takashi Imashiro mais également Dead dead demon’s dededede destruction d’Asano ont pris le temps d’expliquer et de raconter.

Les catastrophes nucléaires – dont celle de Tchernobyl – ont aussi inspiré les autrices et les auteurs de bandes dessinées comme le montre notre Top 10.

Les images sont souvent plus percutantes qu’un bon discours. Les auteurs européens ont eux aussi parlé du drame écologique et humain de Fukushima. Dans l’encadré ci-dessous, nous vous dévoilons une critique de Fukushima, chronique d’un accident sans fin de Bertrand Gallic et Roger Vidal.

Noato et Yoshida, héros de deux bandes dessinées, deviennent ensuite pourfendeurs du nucléaire et tentent d’alerter sur les dangers de ce production électrique.

Article posté le samedi 27 février 2021 par Damien Canteau

Fukushima, chronique d'un accident sans fin

Alors que Fabien Grolleau et Ewen Blain utilisaient l’angle d’un anonyme sauveur d’animaux pour raconter la catastrophe de Fukushima, Bertrand Gallic et Roger Vidal se penchent sur la centrale et son directeur Masao Yoshida.

Bravant les consignes de TEPCO – gérant de la centrale de Daichii – et des autorités gouvernementales par la personnalité de Naoto Kan premier ministre – le responsable tente de sauver ce qui peut l’être.

Cet homme meurtri active ses employés dans les premières heures et premiers jours pour refroidir les combustibles dans les piscines de la centrale.

Les lecteurs découvrent ainsi des femmes et des hommes se sacrifiant pour le reste du Japon. On y comprend les enjeux du gouvernement, de la minimisation de la catastrophe par TEPCO et le courage de Yoshida pour protéger ses ouvriers et le Japon.

Homme d’un grand sang-froid, il devra répondre aux enquêteurs comme le montre l’album. Un dossier est accolé au récit, écrit par Pierre Fetet. On y découvre le nombre de victimes, les zones d’ombres, les conséquences et un point sur les 10 ans de la catastrophe.

Très bien documenté, Fukushima chronique d’un accident sans fin est admirablement mis en image par Roger Vidal. Le style précis et vif de l’auteur espagnol est agréable à l’œil.

Naoto et Fukushima chronique d’un accident sans fin sont deux albums qui se complètent bien. Deux angles différents pour comprendre un peu mieux la catastrophe nucléaire de 2011.

Naoto de Fabien Grolleau et Ewen Blain (Steinkis)
  • Naoto, le gardien de Fukushima
  • Scénariste : Fabien Grolleau
  • Dessinateur : Ewen Blain
  • Editeur : Steinkis
  • Prix : 19 €
  • Parution : 18 février 2021
  • ISBN : 9782368463581

Résumé de l’éditeur : Japon, 11 mars 2011. Un tremblement de terre déclenche un tsunami, qui cause, par des réactions en chaîne, la fusion du coeur de trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima. Une catastrophe de l’ampleur de celle de Tchernobyl. Comme tous les habitants de la région, Naoto Matsumura est évacué. Mais ce fermier ne peut se résoudre à abandonner la ferme où sa famille vit depuis cinq générations… et ses bêtes. Prêt à tout pour sauver une vie, fut-elle animale, il retourne chez lui, en pleine zone interdite. Depuis, l’ « homme le plus irradié du Japon » fait régulièrement entendre sa colère contre le nucléaire et manifeste sa résistance en retournant toujours sur sa terre, auprès des animaux qu’il a sauvés. Naoto est une promenade contemplative et onirique sur ces terres dévastées et abandonnées par l’homme. Parcouru de référence aux légendes japonaises qui sont autant d’odes à la nature, le récit rend hommage au combat d’un homme et à la beauté de la vie, qui reprend toujours ses droits.

 

Fukushima chronique d'un accident sans fin de Bertand Gallic et Roger Vidal (Glénat)
  • Fukushima, chronique d’un accident sans fin
  • Scénariste : Bertand Gallic
  • Dessinateur : Roger Vidal
  • Editeur : Glénat
  • Prix : 18,50 €
  • Parution : 03 mars 2021
  • ISBN : 9782344034378

Résumé de l’éditeur : Dans les entrailles du monstre. Japon, 11 mars 2011. Un séisme effroyable accouche d’une vague immense, qui vient frapper de plein fouet le nord-est du pays. C’est là que se trouve, entre autres, la centrale de Fukushima-Daiichi… D’une violence inouïe, le cataclysme provoque alors le pire accident nucléaire du XXIe siècle. Comment réagir face au chaos engendré ? Que faire quand l’inconcevable vient d’arriver ? Masao Yoshida doit répondre dans l’urgence. La réputation de son pays est en jeu, la vie de ses employés et de ses concitoyens en dépend. Dans un univers complètement dévasté, où les bâtiments sont plongés dans l’obscurité, tandis que les explosions se multiplient et que les radiations sont toujours plus toxiques, le directeur de la centrale fait preuve d’une ingéniosité et d’un sang-froid hors du commun. Il prend seul des décisions vitales, transgresse les procédures et les directives de sa hiérarchie pour éviter l’apocalypse… Mais, malgré tous ses efforts, après cinq jours durant lesquels les secondes passent comme des heures, un énième incendie se déclare et oblige à l’évacuation de la majorité des employés. Ne reste alors sur place qu’une poignée de volontaires qui travaillera d’arrache-pied pour stabiliser tant bien que mal la situation. Dix ans après, Bertrand Galic et Roger Vidal retracent avec force et détails les premières journées d’une tragédie sans fin. Le récit d’un compte à rebours angoissant, pendant lequel un chef et ses équipes doivent faire face à une catastrophe technologique sans précédent et à des supérieurs complètement dépassés par les événements.

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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