Paco les mains rouges, tome 2 : Les îles

Les îles est le second album du diptyque Paco les mains rouges, scénarisé par Fabien Vehlmann et dessiné par Eric Sagot. Quatre ans après le précédent, ce magnifique récit plonge le lecteur dans l’enfer du bagne de Cayenne, dans les années 30. Un témoignage dur et parfois cruel du sort réservé aux condamnés que la France envoyait à l’autre bout du Monde, dans la torpeur de la Guyane.

D’INSTITUTEUR A PACO LES MAINS ROUGES

Dans le premier volume du diptyque, le lecteur faisait la connaissance de Patrick Comasson gentil instituteur. Pourtant ce notable se retrouvait prêt à embarquer pour le bagne de Cayenne. Propre sur lui, avec une gueule d’ange, comment ce gentil professeur allait devenir un vrai taulard pur et dur ? Comment Patrick Comasson allait-il se muer en Paco les mains rouges, un être sanguinaire ? Comment en était-il arrivé là ?

Condamné à perpétuité pour un crime passionnel, il échappait de justesse à la guillotine. Sur le navire, qui va passer plusieurs mois en mer, un système pyramidal se mettait en place. Tout en haut, se trouvaient les caïds que tout le monde respectaient y compris les gardiens. En bas, tous les autres, dont les crimes étaient moins flamboyants et qui  devaient faire leurs preuves pour ne pas être les souffre-douleurs de premiers.

Patrick établit alors une stratégie. Il se fit tatouer le corps pour se faire respecter lui-aussi des autres prisonniers. Il se rapprocha alors d’un gros dur, Armand dit La Bouzille, maître du tatouage qui lui dessina La mort qui fauche sur son dos, en souvenir d’avoir échapper au souffle de la guillotine.

Arrivé à Saint-Laurent-du-Maroni, le paysage paradisiaque se transforma en véritable enfer pour Patrick. Violé par des prisonniers, il se vengea en tuant d’un coup de couteau l’un de ses bourreaux. Il devint alors Paco les mains rouges et par la même occasion, obtint le respect des autres prisonniers.

RETROUVER ARMAND

Dans le second volet, nous retrouvons Paco les mains rouges à Saint-Laurent-du-Moroni seul. Alors que la passion et l’amour avaient illuminé les premiers mois dans la ville, Armand avait été envoyé sur l’Ile Saint-Joseph « le bagne du bagne ».

Le but de Patrick, c’était de tout faire pour retrouver La Bouzille. Il avait en effet, appris que son amoureux n’allait pas fort et maigrissait à vue d’œil. Avec la complicité d’un infirmier, il avait réussi à lui envoyer de l’encre et des aiguilles pour qu’il reprenne son activité de tatoueur. Seulement, Paco avait au travers de sa route Bichier, un sacristain de la Pénitentiaire et Chaux-Vive, son bras droit sadique. Environ un mois après son arrivée, il avait tenté de lui régler son compte et par un heureux hasard, l’on avait retrouvé le corps émasculé de ce gardien un peu fou. Une aubaine pour Patrick

PACO LES MAINS ROUGES : LA VIOLENCE A L’OMBRE DU SOLEIL DE GUYANE

Alors que le premier tome de Paco les mains rouges est paru en 2013 et que l’on attendait la suite en 2015, il aura fallu quatre ans pour découvrir la fin de l’histoire. Le lecteur n’est pas déçu d’avoir attendu si longtemps tant le second album est aussi fort que le premier.

Librement inspiré de Papillon d’Henri Charrière, le récit bouleversant de Fabien Vehlmann n’est pas tendre. Il décrit parfaitement un univers où la violence est à son zénith et où les hommes n’ont pas d’autres choix que de l’utiliser abondamment pour survivre. Un monde de débrouille régit par des règles et des codes que les bagnards doivent apprendre rapidement s’il veulent vivre longtemps.

Le scénariste fait le choix de la simplicité pour son histoire ; il s’appuie sur les faits bruts très cruels et non sur de longues descriptions. Patrick Comasson est le narrateur de l’histoire; le lecteur peut ainsi comprendre les doutes qui l’assaillent et ses émotions, ce qui renforce encore plus la tension narrative. En effet, Paco et La Bouzille sont sur le qui-vive tout le temps, leur vie est en danger et ils doivent tout faire pour s’enfuir.

Très documenté, Paco les mains rouges ne sombre jamais dans le pathos ni le drame à tout prix. Tout en pudeur, le récit est poignant et ne laissera pas insensible le lecteur. Loin de l’exaltation et du romantisme de Sanseverino est papillon (livre-CD de Sanseverino, Cécile Richard et Sylvain Dorange aux éditions La boîte à bulles), mais plus proche de Forçats (de Pat Perna et Fabien Bedouel, éditions Les Arènes) qui mettait en scène l’amitié de Dieudonné et Albert Londres, l’album happe le lecteur par l’âpreté et la dureté du récit.

UN TRÈS BEAU DESSIN POUR SOULIGNER UNE SUBLIME HISTOIRE D’AMOUR

Paco les mains rouges est avant tout une sublime histoire d’amour entre deux hommes. Loin de leurs femmes en métropole, ils se maquaient entre eux pour adoucir leurs délicates conditions de vie pendant leur incarcération. Les plus faibles trouvaient du réconfort auprès des plus forts. Jalousie et meurtres étaient alors le quotidien de ces bagnards.

Pour être au plus près de la réalité, Eric Sagot est allé plusieurs fois sur place pour y effectuer des recherches graphiques. Les décors et les costumes de l’époque sont d’une grande précision. Son trait élégant, tout en rondeur, faussement simpliste et naïf, contraste avec l’univers cruel de Cayenne. Cette ambiance est renforcée par des couleurs teintées de marron, de beige et de sépia, magnifiques. Le lecteur ressent toute la tension et toute la moiteur de la Guyane par cette partie graphique enlevée.

Paco les mains rouges : une longue attente pour une fin de récit étonnant, passionnant et accrocheur. La belle surprise de la rentrée.

Article posté le mercredi 01 novembre 2017 par Damien Canteau

Paco les mains rouges de Fabien Vehlmann et Eric Sagot (Dargaud) décrypté par Comixtrip
  • Paco les mains rouges, tome 2/2 : Les îles
  • Scénariste : Fabien Vehlmann
  • Dessinateur : Eric Sagot
  • Éditeur : Dargaud
  • Prix : 15.99€
  • Parution : 06 octobre 2017
  • IBAN : 9782205072648

Résumé de l’éditeur : Ancien instituteur, Paco les Mains rouges, surnommé ainsi parce qu’il a commis un crime de sang, a été envoyé au bagne en Guyane. Sur place, il doit affronter la réalité d’un monde carcéral où règne la loi du plus fort, où il est question de survie à chaque instant, et tout cela sans avoir le moindre espoir de sortir libre… La conclusion de ce magnifique roman graphique est à la hauteur de l’attente !

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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