Raptor

Un écrivain en plein deuil de son épouse décide de raconter l’histoire de Sokol, un personnage dans un univers fantastique. Leurs deux mondes vont alors interagir dans Raptor, un album déstabilisant et beau à la fois de Dave McKean.

Un deuil insurmontable

Pays de Galles au XIXe siècle. Arthur est un écrivain inconsolable depuis de le décès de son épouse. Il tente d’écrire à nouveau mais ce n’est pas simple. Si cela lui occupe l’esprit, il pense sans cesse à sa femme. Des images de la jeune femme lui reviennent encore et encore.

« Mon petit oiseau… C’était la personne la meilleure et la plus gentille que j’aie jamais connue. La personne la plus humaine. »

Alors qu’il est attablé, une plume à la main, Ed, son ami débarque chez lui. Ensemble, ils parlent du nouveau roman qu’Arthur commence à peine. Le romancier aborde alors le concept de son ouvrage : Apophonia, « la perception soudaine et spontanée des relations et du sens des phénomènes sans rapports entre eux. »

Énigmatique Sokol

Ed est assez déstabilisé par ce concept. Il ne saisit pas toute sa richesse. Pourtant, Arthur en est certain, c’est le bon chemin, celui de Sokol, un être mystérieux. Emmitouflé derrière une écharpe, une capuche sur la tête et un long manteau, ce personnage énigmatique ne passe pas inaperçu.

Avec son corbeau, il erre dans un monde médiéval dévasté. Son volatile lui sert d’ailleurs d’éclaireur dans son trajet sans réel but.

L’existence de cet être fictif va interagir avec la vie du romancier, entre le réel et l’imaginaire, entre la vie et la mort. La barrière entre ces deux mondes se brise…

Raptor, à la vie, à la mort

Lorsque l’on prend entre ses mains un nouvel album de Dave McKean, on sait que l’on va être surpris, décontenancé et émerveillé. C’est encore le cas avec Raptor, une bande dessinée déconcertante, exigeante mais tellement fascinante.

Il faut souligner que l’auteur britannique né à Maidenhaid en 1963 est un véritable artiste, un dessinateur de génie, un talent pur. Ses albums sont toujours d’une grande beauté et d’une immense force graphique. Sans cesse, McKean crée, invente, se remet en cause pour avancer dans des contrées jusque là inconnues. Tout est subjuguant chez lui. Connu pour avoir mis en image Arkham Asylum pour le scénariste Grant Morrison ou pour les merveilleuses couvertures de la série Sandman de Neil Gaiman, il impressionne tout le monde.

Dans Raptor, son talent est de nouveau présent. Son découpage est époustouflant et son trait captivant. Singulier, son dessin est à la fois poétique et envoutant. D’ailleurs, il utilise deux techniques pour sa mise en page : des planches classiques et des planches plus abstraites, celles à l’intérieur de la tête d’Arthur et ses démons.

Hallucinations

Délicat dans sa compréhension et sa lecture, Raptor interroge les lecteurs sur le réel et l’imaginaire. Il questionne également sur les relations entre les artistes et leurs productions, entre l’écrivain et ses personnages. La matière écrite est, elle aussi, complexe. Les mots sont admirablement choisis dans un style soutenu et littéraire. Cette lecture pourra ainsi paraître hermétique à certains.

Mais Arthur a-t-il des hallucinations comme son personnage ? Est-il sain d’esprit ou toujours autant tourmenté par la mort de sa femme ? Leurs deux univers se répondent, s’entrecroisent et interagissent. L’un ne va pas sans l’autre, l’un ne peut pas vivre sans l’autre. Comme un fil entre les deux, comme un labyrinthe complexe où Dave McKean aime à perdre son lecteur. Parfois, il peut même éprouver du malaise en lisant Raptor. Diablement surprenant !

Article posté le samedi 27 août 2022 par Damien Canteau

Raptor de Dave McKean (Futuropolis)
  • Raptor, Un roman graphique Sokol
  • Auteur : Dave McKean
  • Editeur : Futuropolis
  • Prix : 22 €
  • Parution : 04 mai 2022
  • ISBN : 9782754832939

Résumé de l’éditeur : Raptor nous donne à voir tour à tour deux mondes et deux âmes en proie au conflit. Sokól erre dans un paysage féodal et fantastique, chassant les monstres pour le compte de ceux qui peuvent s’offrir ses services, tandis qu’Arthur, un auteur de contes fantastiques, qui pleure la mort de sa jeune épouse dans le Pays de Galles du XIXe siècle, s’en remet au surnaturel dans le vain espoir de la revoir. Tous deux vivent dans le crépuscule entre la vérité et le mensonge, la vie et la mort, la réalité et l’imaginaire. Véritable prouesse visuelle, Raptor entraîne le lecteur dans deux mondes à priori distincts, mais qui se font écho dans une même trame narrative.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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