Sweet tooth, volume 2

Quelle série ! Après un remarquable premier volume, les éditions Urban Comics proposent le deuxième volet de Sweet tooth, la série d’anticipation du talentueux Jeff Lemire. A lire d’urgence !

DES HYBRIDES INTERNÉS DANS UN CAMP

Gus, l’enfant-cerf se retrouve enfermé dans un camp de rééducation et de projets scientifiques. Comme un bon nombre de ses congénères, il fait l’objet d’étude très poussées. Depuis que la Terre a été touchée par une épidémie meurtrière qui a tué des millions de personnes en quelques semaines, les enfants nés après cette terrible maladie sont des hybrides. Croisement d’animaux et d’êtres humains, ils ont du se caché des Hommes qui les pourchassaient pour les tuer, les tenant pour responsable de tous leurs maux.

Après la mort de son père, Gus avait fait confiance à Jepperd, un homme bourru et violent. Pourtant ce dernier l’avait livré aux autorités qui l’avaient interné dans un camp d’hybrides. Maintenu dans cette prison par une milice armée, il devient le compagnon de cellule d’êtres qui lui ressemblent : Bobby, le garçon-marmotte, Wendy, la fille-cochon et Buddy, le garçon-chien.

S’ÉVADER POUR SURVIVRE

Entonnement c’est Singh, le médecin qui a tenté de nombreuses expériences et tué des hybrides qui va aider les quatre enfants à s’échapper. Gus en est certain, il faut fuir pour survivre et atteindre la cabane en bois de son enfance. Le docteur les fait alors passer par les égouts; l’enfant-cerf tue un hybride crocodile qui avait blessé Wendy. Ils réussissent néanmoins leur entreprise.

De son côté, Jepperd accompagné de Becky et Lucy tentent de retrouver Gus – l’espoir de l’Humanité – et ses camarades. Pris de remords, l’homme veut se racheter. Pour cela, il passe un accord avec Glebhelm, un fou à la tête d’un groupe d’hommes masqués et d’hybrides-chiens qu’il surnomme ces enfants. Avec cette armée surpuissante, Jepperd et ses deux compagnes de route se rendent au camp d’internement…

SWEET TOOTH : INCROYABLE SÉRIE D’ANTICIPATION

Que dire de plus sur Sweet tooth que nous n’ayons dit ? La remarquable série imaginée par Jeff Lemire est d’une rare intelligence, captivante au plus haut point, riche de rebondissements et sublimement mis en image. A l’instar de Southern bastards de Jason Aaron et Jason Latour, les éditions Urban Comics se sont enrichies de l’une des meilleures sagas de science-fiction de ces 5 dernières années. Rarement une histoire d’anticipation a fait un tel effet sur le public et sur la critique !

Pour plonger le lecteur dans ce deuxième volet – sur 3 – l’auteur de Descender avec Dustin Nguyen (Urban Comics) a concocté un chapitre qui résume les principaux faits du précédent volet. Pour une meilleure compréhension de Singh, il y glisse des éléments de son passé, afin de percevoir son retournement de veste.

LA DIFFÉRENCE COMME SEUL ESPOIR

La grande réussite de Sweet tooth réside dans les thématiques fortes mises en lumière par Jeff Lemire. Tout d’abord, la différence – ici les hybrides vis à vis des humains – qui sont persécutés comme le sont souvent les minorités dans différents pays et à différentes époques de l’Histoire. Mais s’ils sont pourchassés, ils sont la clef du nœud du récit. Gus étant l’espoir de tout un peuple, pourtant décimé en très grande partie par la maladie.

La naïveté, la fragilité et le pacifisme de ces êtres mi-hommes mi-animaux tranchent avec la violence des Hommes. Il faut dire que Gus comme Wendy furent élevés par des parents aimants et protecteurs. Le garçon-cerf étant même surprotégé, vivant dans un lieu vierge de violence à l’écart des Hommes. A neuf ans, il s’avère être plus fort que ne laisse présager son physique et aussi protecteur que le fut son père.

SWEET TOOTH : HYMNE A L’ÉCOLOGIE

Avec le thème de la différence, l’auteur de Trillium (Urban Comics) met aussi en lumière l’écologie. Les hybrides seraient-ils aussi le fruit de manipulation génétique via le virus ? De plus, les villes sales, laissées à l’abandon tranchent avec les grands étendues naturelles, telle la forêt où a grandi Gus, mais aussi les rivières et les champs traversés par le groupe. Pour pimenter le tout, l’américain introduit des militants écologistes du groupe Evergreen, qui ont développé une mini-société autarcique dans un barrage. Sont-ils des pacifistes ou de dangereux radicaux verts ?

L’autre thématique forte de cet excellent récit est le pouvoir en place. Depuis l’arrivée du virus, la Terre est entrée dans une période post-apocalyptique. Les gouvernements et les hommes d’état en semblent absents. Le chaos a entrainé la mise en place de milice qui règnent sur des parties de territoires (Glebhelm et Haggarty).

Enfin, Jeff Lemire a pris un grand soin dans l’élaboration de ses personnages. En plus de Gus et de Jepperd, il a imaginé des personnages secondaires qui ne font pas uniquement de la figuration. Buddy cache un secret, Wendy et Bobby apportent de l’humanité au chaos ambiant. Le docteur Singh n’est pas si manichéen que cela et veut se racheter des ses fautes passées. Abbot, Glebhelm et Haggarty sont de vrais fous sanguinaires et Lucy tombe sous le charme de Jepperd. Quant à Walter Fish, l’habitant du barrage, on ne sait pas réellement le jeu qu’il met en place.

Pour terminer, le lecteur notera la grande force de la relation entre Gus et Jepperd. Entre répulsion et attirance, les deux êtres réagissent comme un père et son fils. L’homme bourru semble malgré tout protecteur pour le petit garçon.

UNE PARTIE GRAPHIQUE DE TRÈS HAUTE VOLÉE

Pour mettre en musique cette saga, Jeff Lemire nous fait profiter de son talent d’excellent illustrateur. Accompagné de José Villarrubia, l’auteur américain joue avec les codes du découpage pour proposer des instants d’émotions pures dans les rêves des personnages mais aussi lors d’un audacieux parallèle entre Gus-Jepperd attaqués par un ours et la vie qui s’installe dans le barrage. Lemire s’autorise même un chapitre entier présenté à l’italienne où le texte si naïf occupe un grande place et les illustrations étant parsemées autour.

Article posté le samedi 13 août 2016 par Damien Canteau

Deuxième formidable volume de la remarquable série Sweet tooth de Jeff Lemire chez Urban Comics, décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Sweet tooth, volume 2/3
  • Auteur : Jeff Lemire
  • Éditeur : Urban Comics, collection Vertigo
  • Prix : 28€
  • Parution : 08 juillet 2016

Résumé de l’éditeur : La fin du monde n’était que le début d’un long voyage pour le jeune Gus, désormais conscient que le sang qui coule dans ses veines pourrait bien être la clé d’un futur possible pour l’Humanité. Maintenu en détention par une milice armée et sans pitié, le jeune garçon devra compter sur l’aide d’un Jepperd avide de vengeance. Ce dernier saura-t-il s’associer aux bonnes personnes ? Car une fois libérées, certaines forces peuvent rapidement devenir incontrôlables. Contient : Sweet Tooth vol.3 : Animal Armies + Sweet Tooth vol.4 : Endangered Species (#12-25)

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir