Zaï Zaï Zaï Zaï

Fabcaro, alias Fabrice Caro propose avec Zaï Zaï Zaï Zaï une charge féroce contre les clichés et les préjugés de la société sur le mode de l’humour. Il a reçu avec ce road movie très décalé le grand prix de la critique 2016 de l’association ACBD.

UN AUTEUR DÉCALÉ

Fabcaro aime surprendre. Il pratique depuis quelques années dans ses différentes productions un humour de précision qui lui assure aujourd’hui un public de lecteurs fidèles. Si l’on doit chercher des influences humoristiques du côté de l’esprit Fluide Glacial ou Psikopat, on lui reconnaît aujourd’hui un ton plus grave qui le ferait presque passer pour un moraliste des temps modernes. C’est le cas avec son dernier album, Zaï zaï zai zaï, consacré Grand Prix 2015 de l’association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD). Il a été distingué parmi les 3.923 nouveau titres publiés dans l’espace francophone européen entre novembre 2014 et octobre 2015.

POUR UNE CARTE OUBLIÉE

Dans ce road movie qui n’en est pas vraiment un, Fabcaro nous campe un auteur de bande dessinée qui se présente à la caisse d’un supermarché.  Quand l’hôtesse lui demande la carte du magasin, tout se dérègle. Quand il réalise qu’il l’a oubliée dans la poche d’un autre pantalon, « mis au sale », c’est la panique. Le vigile ne le croit pas. Notre héros le menace alors avec un poireau…Avant de prendre ses jambes à son cou et de devenir le fugitif plus recherché de France.

UNE SOCIÉTÉ EN ACCUSATION

A partir de ce postulat absurde, Fabcaro réussit à construire une histoire haletante. L’auteur, qui a toutes les polices et les médias à ses trousses, est devenu le principal sujet de conversation dans le pays. L’occasion pour Fabcaro de moquer les travers d’une société qui a tout basé sur les apparences, le qu’en dira-t-on et le repli sur soi. Planche après planche, les journalistes, les députés, l’homme de la rue ou du bistrot est brocardé. On rit souvent mais jaune à l’évocation sans pitié de tous nos travers. Dérives sécuritaires, théâtralisation de l’information, errements d’un système qui broie les individus sont ici traités sur le mode de l’humour. Dans ce petit livre de 73 pages, Fabcaro nous livre une vision décalée de notre société. Ici, les cadrages et les postures des personnages comptent plus que leurs visages abstraits, parfois à peine esquissés. Jusqu’au final qui ne laissera pas de vous surprendre. Ce Zaï zaï zaï zaï là cisaille nos certitudes à la racine et nous invite au final à plus de tolérance. C’est là l’un de ses mérites…

Article posté le jeudi 17 décembre 2015 par Jean-Michel Gouin

  • Zaï Zaï Zaï Zaï
  • Auteur: Fabcaro
  • Editeur: 6 Pieds sous Terre
  • Prix: 13 euros
  • Parution: 21 mai 2015

Résumé de l’éditeur: un auteur de bande dessinée, alors qu’il fait ses courses, réalise qu’il n’a pas sa carte de fidélité sur lui. La caissière appelle le vigile, mais quand celui-ci arrive, l’auteur le menace et parvient à s’enfuir. La police est alertée, s’engage alors une traque sans merci, le fugitif traversant la région, en stop, battant la campagne, partagé entre remord et questions existentielles. Assez vite les médias s’emparent de l’affaire et le pays est en émoi. L’histoire du fugitif est sur toutes les lèvres et divise la société, entre psychose et volonté d’engagement, entre compassion et idées fascisantes. Car finalement on connaît mal l’auteur de BD, il pourrait très bien constituer une menace pour l’ensemble de la société.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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