{ En Bref } avec Anlor, Elvire De Cock et Olivier Bocquet

À l’occasion de la sortie du premier tome de Ladies with guns édité chez Dargaud, Anlor dessinatrice, Elvire De Cock coloriste et Olivier Bocquet scénariste nous ont présenté leur nouvelle série. Un live qui s’est déroulé le mercredi 09 février 2022 sur la page de Yoann @livressedesbulles .

Cet { En Bref  } va vous permettre de retrouver l’essentiel de cet entretien.

L’origine de leur passion pour la bande dessinée

Anlor : J’ai toujours lu de la bande dessinée et j’ai toujours voulu en faire mon métier. Mes influences, c’est le franco-belge depuis toujours. Je prenais des bandes dessinées en espérant bientôt savoir lire. J’ai ce souvenir de bouffer de la bande dessinée tout le temps, en me disant que, quand je saurai lire, ce serait vraiment mieux parce qu’il y avait des choses qui m’échappaient dans le scénario.

Elvire De Cock : La bande dessinée a été une révélation un peu tardive. À l’adolescence, j’aimais bien le franco- belge, puis je suis tombée dans les mangas. J’ai toujours eu un pied dans les musées, dans les peintures. Quand j’ai découvert Akira après sa sortie, je me suis dit qu’on pouvait aussi faire ça en bande dessinée. Et là, ça a fait boule de neige.

Olivier Bocquet : Quand j’avais six ans, je voulais être clown. L’idée était de distraire les gens. Très rapidement je me suis mis à raconter des histoires. Au départ, je me destinais au cinéma, j’ai fait de la télé, un roman. Puis la bande dessinée est arrivée. Je fais ça pour m’adresser à des gens que je ne connais pas.

Le projet Ladies with guns

Olivier Bocquet : J’ai eu l’idée de Ladies with guns et j’ai surtout eu l’idée de demander à Anlor de le faire. Un western où les héros sont des héroïnes. Je ne pouvais, ni ne voulais travailler avec un homme là-dessus. Ce serait ridicule. Je me sentais plus protégé en ayant des femmes aux commandes.

Anlor : C’est l’histoire de cinq femmes qui se rencontrent autour de la cage de l’une d’elles. La jeune Abigail est enfermée et ne peut en sortir. Quatre femmes vont arriver et cette cage fait office d’aimant, les attire. Elles vont tout faire pour la sauver, chacune quittant sa voie qui était toute tracée. Elles se retrouvent en porte à faux avec leur société et vont devoir défendre bec et ongles cette volonté d’indépendance.

Elvire De Cock : L’idée était de jouer sur les clichés. Dans les westerns, les femmes n’ont jamais eu une grande place. Il y a toujours trois, quatre types de femmes qui reviennent. Il fallait donc les reprendre en les switchant un peu pour créer des choses différentes. Et prendre le contrepied du western traditionnel.

Une explosion à tous niveaux

Olivier Bocquet : Au départ, s’il y avait eu un sous-titre à ce tome 1, j’avais pensé à Coups de feu à Notting Hill. Je ne peux pas m’empêcher de faire des jeux de mots. Celui-là, il faut faire exprès pour le repérer. La Londonienne Kathleen Parker, c’est le nom de ma grand-mère et son mari enterré Russell Parker, c’est mon grand-père. Et les descendants de ces gens-là sont au début du tome 8 de Frnck.

Anlor : La situation évolue, ces femmes font face à un déchaînement de violence, il fallait donc le marquer au niveau du traitement graphique. J’ai utilisé tous les outils que j’avais, pour y participer et faire monter l’explosion de ce moment-là. Donc plus de marges, plus de repères orthonormés, les cases ne sont plus droites. La couleur explose aussi avec le son.

Elvire De Cock : Au niveau des couleurs, il y a aussi un budget explosion !

Olivier Bocquet : J’aime bien pousser le bouchon à l’extrême. Quand tu as une situation, tu peux la régler très vite en deux pages. Ou alors tu y vas à fond. Tu as envie que les lecteurs se disent, il n’y a aucun moyen pour qu’elles s’en sortent. Donner de la jubilation.

Olivier Bocquet : Normalement, on fera au moins trois tomes. On est déjà presque à la fin du deuxième, en terme de fabrication. On aimerait bien que ça continue, mais tout va dépendre des ventes. Il faut être réaliste. Si les tomes se vendent moyen, on ne va pas continuer. Si c’est l’inverse, ce serait cool de continuer. Quoi qu’il arrive, la fin de ce western ne fermera pas toutes les portes.

Elvire De Cock : Facebook c’est la machine à café du monde de la bande dessinée. Tout le monde y est, et quand on bosse tout seul, c’est l’endroit où on communique un peu tous. Il s’y passe des choses professionnellement, des échanges. Instagram me permet de poster des dessins, parce que je continue à dessiner à côté. C’est une manière de montrer son travail.

Un scénario évolutif

Anlor : Il faut préciser qu’Olivier ne termine pas ses scénarios, il travaille par petites tranches.
Olivier Bocquet : J’envoie quelques pages à Anlor et elle me les renvoie storyboardées. Et on discute. Je connais mon histoire, mais en découvrant ses personnages, la façon dont elle les interprète alimente le feu de mon histoire. Ça la fait légèrement dévier, ou beaucoup. Les personnages et les situations changent en fonction de ce qu’elle dessine. Je travaille comme ça avec tous les dessinateur.rices.

Elvire De Cock : Comme je suis sur d’autres albums en même temps, j’aime bien avoir quelques pages, pour la vision d’ensemble. Je demande des instructions par planche, s’il y a des envies particulières. Mais aussi l’heure de la journée, les conditions météorologiques. Et avec mes propres envies, je propose quelque chose. Des fois, je suis raccord avec les propositions, mais parfois je me permets de faire des surprises et d’oser des trucs. Si ça ne plait pas, je recommence.

Un Ladies with guns haut en couleur

Elvire De Cock : J’aime bien avoir des contraintes. Je fais partie de ces gens qui trouvent des idées dans la contrainte. Pour rester dans ce que mes collègues veulent, mais en même temps, surprendre le lecteur avec un décalage grâce à la couleur.

Anlor : On était partis tous les trois sur l’utilisation de couleurs très pop, très lumineuses. Parfois inattendues pour dépoussiérer le genre western. C’est notre ligne de conduite. On ne voulait pas faire ce qui avait déjà été fait. On a essayé de renouveler au niveau du scénario, de la couleur et du dessin.

Anlor : Il y a plein de moments où j’ai été surprise par la couleur et le scénario. Comme cette belle ambiance daube, toute rose, pendant l’attaque du fourgon. On a pris à contrepied ce qu’on aurait pu imaginer, a priori, en évoquant une séquence de massacre.

Une collaboration de spécialistes

Olivier Bocquet : Moi je veux être surpris, ne pas travailler qu’avec des gens qui ne seraient que des exécutants, ce n’est pas intéressant. Je ne joue pas aux Playmobil. Anlor arrive à extraire cette bouillie informe qu’est mon scénario et par le dessin, à le mettre en évidence. Elle arrive à faire monter en surface, les émotions que j’avais enterrées avec mon texte.

Elvire De Cock : J’ai été déstabilisée par tout l’album. Je n’avais travaillé que sur du réalisme. Le dessin et l’histoire m’ont poussée à faire des trucs que je n’avais pas l’habitude de faire. Pour trouver des solutions, on a vachement travaillé main dans la main. Ce qui donne l’impression que la couleur et le dessin fusionnent. Il y a eu beaucoup de nouveautés pour moi. Le deuxième tome devrait être plus reposant.

Elvire De Cock : Anlor lit entre les lignes du scénario d’Olivier et moi je lis entre les traits du dessin d’Anlor pour arriver à faire quelque chose. C’est une espèce d’effet dominos.

Anlor : J’ai adoré collaborer avec Elvire parce que depuis que je fais de la bande dessinée, je fais la couleur. Depuis longtemps, je me posais la question de faire appel à un.e coloriste pour ce relais là. Ce n’est pas évident de lâcher la couleur, mais j’ai adoré cette expérience. Pour le résultat sur Ladies with guns, c’est une super valeur ajoutée.

Anlor : Il faut accepter le fait d’être spécialisé.e dans quelque chose. Accepter de faire la partie où on est le meilleur, permet de se l’approprier et de créer quelque chose de vraiment chouette.

Olivier Bocquet : Je suis le genre de scénariste à faire le découpage et à entrer case par case, tout en disant aux personnes avec qui je travaille, d’en faire ce qu’elles veulent. Et Anlor ne se gêne pas. Ce que j’écris, sert de point de départ, de planche d’appel. Je ne pourrais pas faire autrement.

Des onomatopées à part entière

Olivier Bocquet : Sur cette bande dessinée, c’est la première chose dont on a parlé. Il fallait des onomatopées, il fallait du bruit, qu’on ait les tympans qui claquent, comme dans une fusillade. Ça a été un gros boulot d’appropriation par Anlor.

Anlor : Je n’étais pas spécialiste des onomatopées. J’en mettais quand c’était nécessaire, une fois de temps en temps. Souvent, j’essaie par le dessin qu’on n’ait pas besoin de ce soutien sonore. J’ai donc pris ça comme un leitmotiv pour me coller à ça. Dans toute bonne bédoche, il y a de grosses onomatopées ! J’avais vraiment envie qu’on entende tous les bruits, et il n’y a pas d’autres moyens. Il faut chercher des graphismes, des façons de les positionner. Il faut les placer au-dessus des personnages quand on veut les écraser par le bruit.

Elvire De Cock  : Je n’avais jamais autant mis d’onomatopées en couleur. On travaille beaucoup sur les clairs et les foncés, sur le contraste. Dans certaines bandes dessinées, elles sont juste en blanc. Là, il fallait des jeux de couleur. On essaie jusqu’au moment où ça fonctionne.

Anlor : La police des bulles est la même partout, sauf pour ce qui est des cris, où j’écris à la main pour véhiculer plus d’émotion. J’utilise sinon du lettrage informatique. Pour le reste, je dessine des lettres au pinceau.

Ladies with guns, la suite

Olivier Bocquet : Pour le tome 2 de Ladies with guns, sur 62 pages, 52 sont écrites et storyboardées.
Anlor : 45 sont dessinées, en noir et blanc.
Elvire De Cock  : Je commence la couleur en mars et je ferai tout d’un coup. Donc j’en ai fait 5.
Anlor : On est en réflexion sur la couverture du tome 2.

Elvire De Cock : Pour la couverture du tome 1, Anlor a tout fait de A à Z, même la couleur. Là c’est vraiment une illustration.

Anlor : La date de sortie du tome 2 est déjà prévue, ce sera pour septembre 2022.

Olivier Bocquet : Depuis trois ans ans, je n’avais pas fait autre chose que du Frnck. Mais depuis d’autres projets sont arrivés, à des degrés différents d’avancée, ils sortiront dans un an ou plus. Il faut que je finisse d’écrire mon troisième roman. Je vais m’y remettre. Et je travaille en sous-terrain sur des projets audiovisuels qui se feront, ou pas. On est également en fin de montage pour une série sur Netflix.

Des coups de cœur graphiques ou pas

Olivier Bocquet : Dans les bandes dessinées récentes que j’ai beaucoup aimées, il y a Le grand vide de Léa Murawiec. Saison des roses de Chloé Wary est vachement bien aussi. Préférence système, sorti il y a deux ans, une excellente bande dessinée d’Ugo Bienvenu.

https://www.actuabd.com/IMG/arton28413.jpg?1632859904   

Couverture Préférence système

Il y en a plein que tu as envie de conseiller parce que tu les aimes. Théa Rojzman a bien assuré l’année dernière avec deux bandes dessinées. Scum, la biographie de Valérie Solanas, qui est super intéressante et Grand Silence, sur un sujet super compliqué, qu’elle a mené de la manière la plus délicate et efficace possible. Elle parle de la pédocriminalité et de ses victimes.

Couverture Grand silence    Couverture Scum - La tragédie solanas

Anlor : J’ai beaucoup aimé un comic sorti récemment Jonna de Chris Samnee, pour sa liberté graphique et son ton super désinvolte. Et puis Ludwig et Beethoven de Mikaël Ross, je ne pensais pas l’adorer. Je l’ai dévoré et recommandé à d’autres.

Couverture Jonna tome 1      Couverture Ludwig et Beethoven

Elvire De Cock : Moi c’est lamentable, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas lu de bandes dessinées. Je suis dans une période où j’ai l’impression de continuer à travailler. Mais comme je mets énormément d’albums en couleur dans l’année, je les lis. Par contre j’ai découvert une romancière qui s’appelle Nina Allan et j’ai pris un gros choc. Une écrivaine de science fiction qui est géniale.

The Race de Nina Allan    The Rift (English Edition) eBook : Allan, Nina: Amazon.fr: Boutique Kindle

 

Merci à tous les trois pour ce moment passé en votre compagnie.
Nous espérons que cet { En Bref } vous aura donné envie d’en savoir un peu plus sur ce détonnant Ladies with guns.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de ce live en replay sur la page Instagram @livressedesbulles .
Article posté le dimanche 13 mars 2022 par Claire & Yoann

Live

Ladies with guns d'anlor, Elvire De Cock et Olivier Bocquet chez Dargaud
  • Ladies with guns
  • Scénariste : Olivier Bocquet
  • Dessinatrice : Anlor
  • Coloriste : Elvire De Cock
  • Editeur : Dargaud
  • Prix : 16,00 €
  • Parution : 14 Janvier 2022
  • ISBN : 9782205087338

Résumé de l’éditeur : L’Ouest sauvage n’est pas tendre avec les femmes… Une esclave en fuite, une indienne isolée de sa tribu massacrée, une veuve bourgeoise, une fille de joie et une irlandaise d’une soixantaine d’années réunies par la force des choses. Des hommes qui veulent les maintenir en cage. Des femmes qui décident d’en découdre, et ça va faire mal. Ladies with guns est l’histoire de la rencontre improbable entre des femmes hors du commun refusant d’être des victimes. Un western iconoclaste et jubilatoire où rien ne vous sera épargné.

À propos de l'auteur de cet article

Claire & Yoann

Claire Karius @fillefan2bd & Yoann Debiais @livressedesbulles , instagrameurs passionnés par le travail des auteurs et autrices de bandes dessinées, ont associé leurs forces et leurs compétences, pour vous livrer des entretiens où bonne humeur et sérieux seront les maîtres-mots.

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