Hommage à Raymond Reding et à son avant-centre Éric Castel

Les quinze tomes des aventures de ce n°7 aux cheveux blancs demeurent une référence en matière de foot et de bandes dessinées. Et constituent un survol de l’histoire du football européen… en plein Euro 2016 !

Les drapeaux claquent ; les commentateurs s’égosillent ; la bière coule ; et les stades vomissent leur trop-plein de fans… Tous n’ont qu’un nom à la bouche. Ronaldo, Hazard, Buffon ???

Vous n’y êtes pas du tout ! Prenez un peu d’élan et hop, un saut en arrière dans le temps bédéphile et vous voilà arrivé au Nou Camp, le stade magnifique du FC Barcelone (que le monde entier appelle le Barça) en plein entraînement. Le rouquin moustachu énergique qui règle le tempo, les joueurs le surnomment « chief » mais lui n’a d’yeux que pour sa star, le célèbrissime Éric Castel.

Vous voulez du foot, du vrai, des matches, des grandes équipes, des maillots, des enceintes remplies à craquer de supporteurs. Il faut relire, alors que le championnat d’Europe UEFA-2016 vous ligote devant la télé, les quinze tomes de l’histoire de ce footballeur imaginaire, crée en 1979 par un dessinateur franco-belge, Raymond Reding (appuyé dans son scénario par sa collaboratrice et coloriste, Françoise Hugues).

Entré dans la réalité sportive

Parce que, comme Michel Vaillant est devenu un VRAI pilote conduisant vraiment au Mans dans une VRAIE Vaillante, Éric Castel, personnage d’encre et de papier, s’est mué en un VRAI footballeur, membre à part entière de l’équipe phare de la Catalogne dont il porte haut les couleurs (blaugrana :  bleu et rouge) et l’état d’esprit offensif.

Jean Graton et Raymond Reding, au fil de leurs albums, ont réalisé avec leurs héros cette mutation improbable et assez extraordinaire entre la vie rêvée et la vie réelle, que seul sur un autre mode, a réussi un Hugo Pratt avec Corto Maltese.

Les rapports entre BD et football ne sont pas très étroits. C’est le moins qu’on puisse écrire. Ce qui, étant entendu le caractère hautement populaire de cet art et de ce sport ne laisse pas de surprendre. Comixtrip a opéré, dès le début de cet Euro 2016, une sélection de quelques titres plus ou moins récents.

Sans faire injure aux autres auteurs, dont aucun, de toute façon, ne peut se prévaloir d’une série s’étalant sur treize ans (mis à part Yoichi Takahashi avec Olive et Tom – voir ci-contre) l’oeuvre de Raymond Reding fait figure de référence : à cause de sa durée donc ( de 1979 à 1992), de ses qualités graphiques, de sa connaissance footballistique et par conséquent du côté désormais mythique de son héros.

Tennis et foot féminin

Raymond Reding donc, Normand de naissance (en 1920) , mais rapidement installé en Belgique, va être l’un des plus grands dessinateurs de sport (si l’on excepte des illustrateurs spécialisés comme Pellos ou Siro, par exemple). Attaché au journal Tintin, il se lance avec Jari, l’histoire d’un petit joueur de tennis puis il va très vite s’intéresser au foot. Dès 1963, il crée les aventures de Vincent Larcher, avant-centre du Milan AC (en album au Lombard en 1971) après une histoire complète parue dans Tintin en 1966 et intitulée « Le dernier match de Rémy Bourdelle », inspirée par la rencontre amicale entre l’équipe de Valenciennes et celle, prestigieuse d’Independiente (équipe de la banlieue de la capitale argentine Buenos Aires) en 1965… Qui se souvient encore de ce match ???

1979-1992  et quinze titres

Puis Raymond Reding va rendre hommage au football féminin (à l’époque totalement marginal, médiatiquement parlant) avec La section R et son héroïne Sophie Ravenne. Nous sommes en 1975. Un an auparavant, en juin 1974, alors que la RFA célèbre le Mondial de foot, dans un magazine allemand appelé « Zack », apparaît un footballeur aux cheveux blancs qui s’appelle Max Falk (inspiré d’ un joueur italien du nom de Begetta). Il lui faudra quatre ans et quelques passements de jambes pour débarquer chez Fleurus en 1979 (après un passage dans le magazine Super As) et Éric Castel va s’installer en France. Trois titres chez Fleurus (1979-1980) , onze chez Novedi-Hachette (1981-1990)  et un ultime chez Dupuis en 1992.

Alors, c’est vrai, ce beau gosse à la tignasse couleur de neige est un héros positif. Un gentil, un poli. Un boy scout peu ringard, dirait-on dans ce XXIe siècle de violence.  Dans son univers à lui, il y a certes, quelques dangers mais qui finissent tous par des happy end auquel il participe comme n’importe quel héros classique.

Et puis il y a la foot ! Son histoire commence par la rencontre avec un groupe de gamins fous du ballon rond de la banlieue de Barcelone, les Pablitos, avec lesquels il va se lier d’amitié. Il vient juste de signer avec le Barça venant de l’Inter de Milan après une opération du ménisque.

Cet avant-centre (mais qui joue n°7 comme Cristiano Ronaldo par exemple), dans l’esprit des dirigeants catalans, possède les mêmes caractéristiques qu’un certain Johann Cruyff qui portait les couleurs azulgrana (azulgrana en castillan, blaugrana en catalan!) jusqu’en 1978. Et ce sont ces minots, les Pablitos, qui vont le réconcilier avec son rival yougoslave auquel il a – malencontreusement, vous pensez bien – cassé la jambe.

Quelques victoires françaises et l’histoire de l’Europe du foot

Voilà donc  Éric Castel parti pour une longue carrière en Catalogne avec une petite « trahison » de deux albums (le 8, La Grande décision et le 9, Les cinq premières minutes) où le marqueur de but rejoint le Paris Saint-Germain au camp des Loges. Après une signature dans le bureau du président Francis Borelli. Il va laisser sa vieille Subaru jaune (elle explosera au tome n°7) pour un véhicule (une Mazda RX7) qui ressemble beaucoup à une Vaillante (hommage au Nantais Jean Graton) et donner la victoire au PSG contre l’Ajax d’Amsterdam.

Raymond Reding connaît son football sur le bout des crampons, dessine admirablement les stades (ah, le Nou Camp), les monuments (la Sagrada Familia, le Tibidabo, le passage Pommeray, les calanques de Catalogne ou l’Opéra de Paris) et joue gentiment avec la fibre tricolore. Qu’elle sont belles, ces deux victoires (parfaitement virtuelles évidemment) du FC Nantes – dans un album (le 3e) intitulé « Droit au but », slogan qui est aujourd’hui celui… de l’Olympique de Marseille –  et du PSG en Coupe européenne des Villes d’art : la CEVA est une coupe tout aussi imaginaire que les buts français  mais qui ressemble à s’y méprendre à la coupe européenne des villes de foire qui deviendra en 1971, la coupe UEFA, dont la première édition sera remportée par… le Barça, eh oui !

Avec ce Castel, le lecteur traverse l’histoire européenne – version soft, c’est vrai – d’un sport qui continue de déchaîner les passions. Tous les grandes équipes de cette période sont là : l’Ajax, l’Inter, Cologne, le Bayern, Monaco, Anderlecht, le Real. Est-ce que ça a vraiment changé… pas sûr ! Car Reding, grand sportif lui-même, aime le foot, et ça se voit.

Comme Françoise Hugues, sa co-scénariste aime les histoires humaines et les petites amourettes du beau footballeur, les tensions avec les stars étrangères qui l’envient (qu’elles soient argentines, hollandaises ou françaises !), les faits divers (accidents, explosions, détournements) et ses relations quasi-paternelles avec les Pablitos, les « alevins », les « infantils », qui vont constituer le fil rouge de cette longue série.

Ce n’est que dans le tout dernier album que Raymond Reding, supporteur des Diables rouges belges, va faire déserter son héros qui va rejoindre le Losc, le vieux club lillois de la capitale du Nord de la France. Oh pardon, des Hauts de France.

L’hommage final du Barça

Après un long intermède, amateurs de foot, et socios du FC Barcelone vont s’apercevoir que ce personnage imaginaire symbolise mieux que quiconque – ou presque – l’histoire exceptionnelle de leur club fétiche. En 2008, l’intégrale des aventures d’Éric Castel, est publiée en catalan. Et les hommages vont se multiplier à l’approche de la rencontre PSG-Barça en Ligue des champions en avril 2015 : Sandro Rosell, le président du club catalan va offrir deux albums de BD à son homologue qatari, Nasser al-Khelaifi ; France-Soir va monter une page Une avec la silhouette du joueur imaginaire contre une vedette espagnole,  enfin le site du Barça va lancer une opération souvenir avec un Tee-shirt floqué avec le personnage du footballeur.

Et sur le net, le fils de Raymond Reding (monté au paradis des dessinateurs en 1999), Yvon, continue d’entretenir la flamme et de dialoguer avec les fans… de foot et de BD.

Avec cet Euro 2016 en France, le moment est plus que bien choisi pour rendre hommage à Éric Castel, le buteur aux cheveux blancs, le plus efficace de la bande dessinée et à son créateur. Gooooal !!!

Francis Land
(pcc. Erwann Tancé)

Article posté le samedi 02 juillet 2016 par Erwann Tancé

Olive et Tom : à la poursuite d'un ballon pas très rond

« Je vous parle d’un temps que les moins de…. » euh, oui, de combien : vingt ans, trente ans, davantage. D’un temps juste après le Gloubi-boulga; d’un temps où une jeune animatrice blonde au nez pointu ramenait dans ses bagages des séries télévisées qui allaient scotcher une génération (voire plus) devant les « étranges lucarnes ».

Avec Dorothée, Corbier, Ariane, Jacky et consorts, les productions made in Japan envahissaient les écrans et les cervelles à grand renfort de Dragon Ball Z ou de Chevaliers du Zodiaque. Le sport n’était pas en reste avec deux « feuilletons » : le volley de Jeanne et Serge et le football de Olive et Tom.

Imaginé par le mangaka Yoichi Takahashi, l’histoire de cet ado (Olive en l’occurrence) qui rêve de devenir champion du monde de foot avec l’équipe du Soleil Levant, va conquérir d’abord le public nippon. Et faire un triomphe sous sa forme manga. Au point, dans les années 1980, d’être, sur l’archipel, une véritable source d’engouement pour le ballon rond. Enfin, quand on regarde cette série télé (encore diffusée aujourd’hui par la chaîne Gong), le ballon, il a toutes les formes possibles mais il n’est jamais vraiment rond car pour donner l’impression de vitesse nécessaire, le dessinateur a du sacrément le torturer.

Passant du tube cathodique au papier, édités en BD par J’ai Lu en France, Olive et Tom ont résisté au temps qui abat les grands sportifs et sous le nom de Captain Tsubasa, les voici publiés, quarante ans après leurs exploits télévisuels, chez Glénat à partir de 2010.

Footmaniacs, bon anniversaire !

Bien entendu, autour de Christophe Cazenove, l’un des scénaristes les plus prolixes du 9e art, capable de passer par tous les styles, la maison d’édition Bamboo a depuis dix ans déjà, trouvé le truc pour associer, de manière humoristique et parfois déjantée, la bande dessinée et le football.

C’est la série Les footmaniacs lancée en juin 1997 (bon anniversaire !) avec les signatures de Olivier Saive, Olivier Sulpice, et Henri Jenfèvre qui fait un tabac chez les fans et les supporters, dont elle se moque d’ailleurs avec une certaine allégresse, voire de temps à autre, avec un poil de réalisme cruel.

Quatorze tomes sont déjà parus, le dernier consacré aux arbitres et un autre aux préparatifs pour l’équipe initiale, le FC Palajoy (« C’est pas la joie », traduction libre de droit) avant de se rendre aux JO du Brésil.

– A signaler, du côté obscur de la force, les quatre tomes de IRS Team (de Desberg et Bourgne au Lombard) où l’inspecteur Larry B. Max enquête sur la corruption dans les milieux des dirigeants du foot mondial… toute ressemblance avec des faits ou des personnes ayant existés, etc, etc, etc…

À propos de l'auteur de cet article

Erwann Tancé

C’est à Angoulême qu’Erwann Tancé a bu un peu trop de potion magique. Co-créateur de l’Association des critiques de Bandes dessinées (ACBD), il a écrit notamment Le Grand Vingtième (avec Gilles Ratier et Christian Tua, édité par la Charente Libre) et Toonder, l’enchanteur au quotidien (avec Alain Beyrand, éditions La Nouvelle République – épuisé). Il raconte sur Case Départ l'histoire de la bande dessinée dans les pages du quotidien régional La Nouvelle République du Centre-Ouest: http://www.nrblog.fr/casedepart/category/les-belles-histoires-donc-erwann/

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