Battue

Alors qu’elle vient de perdre son père, Camille décide de renouer avec les Blanchistes, un groupe de chasseurs violents pour étayer l’article d’un ami journaliste. Marine Levéel et Lilian Coquillaud dévoilent Battue, un album hors-norme glaçant et questionnant sur notre monde actuel.

Quel album ! Quelle claque ! Les éditions 6 pieds sous terre ont eu une riche idée que d’accepter de publier ce récit glaçant de Marine Levéel et Lilian Coquillaud.

Camille est groggy. Elle doit revenir dans son village d’enfance après tant d’années. Son père est mort. Elle le sait, en regagnant le foyer familial, son passé va lui éclater au visage comme un boomerang. Il faut souligner qu’elle avait quitté sa région parce qu’elle n’était plus du tout en phase avec les idées réactionnaires de son père. L’homme était à la tête des Blanchistes, un groupuscule de chasseurs violents et suprémacistes.

Son ami journaliste lui conseille alors de renouer avec ses anciens amis. Infiltrée parmi eux, elle doit lui fournir des informations pour un article à paraître. Et si ses instincts refaisaient surface ? Et si elle ne pouvait pas avoir assez de recul et retomber dans les travers des Blanchistes ?

Battue : Un album glaçant de réalisme

Tout est oppressant et glaçant dans Battue. Marine Levéel  a vraiment mis en place une atmosphère de fin du monde, proche du survivalisme pour conter son récit. Elle a d’ailleurs utilisé des bribes de sa propre histoire pour conter cette bande dessinée. Cette grande battue à laquelle participe Camille pour réintégrer le groupe est angoissante. Les hommes – elle est la seule femme – sont animés de plus bas instincts grégaires.

Tuer et chasser pour montrer sa virilité, faire peur à des étrangers pour montrer sa suprématie de Blancs, tels sont les enjeux de l’album, les racines du mal, des racines profondes qui refont parler d’elles depuis quelques années. En ce sens, Battue est un album très moderne.

Camille est la fille du chef défunt. En cela, elle a le droit de porter une arme et retrouver sa place parmi les siens, ses frères de sang.

Battue, c’est aussi la façon dont un enfant tente de s’éloigner de ses parents toxiques, essayer de ne pas retomber vers l’Enfer.

Et il y a l’ami journaliste qui met Camille en danger, qui lui même est pourchassé. Dire la vérité au monde, faire comprendre aux autres que ces groupes sont composés d’innommables personnes, tel est le rôle si essentiel du journaliste de terrain.

Battue bénéficie de tout le talent graphique de Lilian Coquillaud. Ses aquarelles sont magnifiques. Il donne de la chaire par des textures de matière d’une grande force. La beauté de ses dessins tranchent avec le propos si noir et angoissant du récit. La chevelure rousse de Camille est flamboyante sous ses pinceaux. Elle est comme un tache solaire dans les teintes bleutés et vertes des planches.

Ce somptueux album est nommé dans la Sélection officielle du festival d’Angoulême 2021. Une place de choix pour une histoire aux accents contemporains.

Article posté le samedi 23 janvier 2021 par Damien Canteau

Battue de de Lilian Coquillaud et Marine Levéel (6 pieds sous terre)
  • Battue
  • Scénariste : Marion Levéel
  • Dessinateur : Lilian Coquillaud
  • Éditeur : 6 pieds sous terre
  • Prix : 24 €
  • Parution : 15 octobre 2020
  • ISBN : 9782352121589

Résumé de l’éditeur : Alors qu’elle mène une nouvelle vie, loin de sa contrée natale et de ses racines, Camille reçoit la visite d’Hassan, un ami d’enfance devenu journaliste. Des retrouvailles amères qui font ressurgir un passé qu’elle avait chassé depuis longtemps. Hassan cherche à infiltrer la « Grande Battue », chasse exclusive menée une fois l’an dans les montagnes de leur région par les Blanchistes, un groupuscule d’influence néo-païenne et réputé proche de l’extrême-droite. il voudrait mettre au jour ce mouvement et son idéologie, persuadé depuis toujours que cette chasse cache les complots ou les exactions qui permettraient de les dissoudre. Camille, fille repentie d’un Blanchiste, pourrait l’aider dans sa mission. très froide, la jeune femme prend rapidement congé de son vieil ami : elle ne veut plus se pencher sur cette part de son histoire. Les hasards de la vie, avec la mort de son père, figure tutélaire de ce mouvement, se chargeront de brouiller ses plans et la feront replonger dans ce passé haï qu’elle avait fui enfant, grâce à sa mère.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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