Clyde Fans

Clyde Fans est une entreprise de ventilateurs qui dévisse. Abe Matchcard voit sa société péricliter devant ses yeux. Seth raconte son histoire dans Clyde Fans, une saga familiale de grande valeur chez Delcourt.

Vingt ans, il aura fallu vingt ans à Seth pour réaliser Clyde Fans. A travers près de 500 pages, il raconte l’histoire de deux frères, Abe et Simon, à la tête d’une entreprise de ventilateurs.

Sous le titre Commis voyageur, les lecteurs français avaient pu goûter tout le sel de cette excellente histoire à travers deux chapitres édités chez Casterman. Quelques années et cinq chapitres plus tard, ils peuvent enfin découvrir l’ensemble de ce récit intimiste, cette saga familiale étonnante.

Il faut s’accrocher bien fort pour entrer dans Clyde Fans ! Le premier chapitre qui raconte l’histoire d’Abe n’est pas des plus engageant. Alors très âgé, l’homme habite toujours l’immeuble qui a vu naître l’entreprise. D’ailleurs, la boutique est toujours là, au rez-de-chaussée. Le narrateur raconte les désillusions et la faillite de sa société; un long monologue dans toutes les pièces de son appartement.

Son affaire a coulé au début des  années 1980 mais la devanture est toujours intacte, regorgeant de vieux objets encore présents. Ayant pris la suite de son père, Abe prospère quelques temps mais n’anticipe pas l’arrivée des climatiseurs.

Il fait vivre son magasin avec Simon, son frère. Timide, il est poussé par son aîné à la vente, alors qu’il n’a ni l’envie ni le talent pour cela. Lorsque sa mère devient sénile, c’est le cadet qui se retrouve à son chevet.

Cette première partie se situe en 1997, tandis que la deuxième fait un bon dans le passé en 1957, le moment où Simon est poussé par Abe. La troisième partie voit le cadet arrêter son métier de vendeur. La quatrième, en 1975, où Abe doit faire face à la décision de fermer l’entreprise et la cinquième centrée sur Simon qui plonge dans ses rêves.

Avec Clyde Fans, Seth peut parler de la famille, des relations entre les membres d’une même famille, de rapprochements, d’éloignements, d’entreprise, de réussite, d’échecs, de temps qui passe mais aussi de regrets et de déchirements. L’auteur de La vie est belle malgré toutWimbledon Green, Georges Sprott et La confrérie des cartoonists du Grand Nord a eu l’idée de cet imposant album dans les rues de Toronto. Il a pu observer un magasin abandonné du nom de Clyde Fans et ainsi laisser son esprit vagabonder pour en créer l’histoire du lieu.

Proches de Joe Matt ou Chester Brown, Seth fait partie de cette génération d’auteurs indépendants américains de grand talent. Clyde Fans évite tous les artifices grandiloquents et les effusions pour se concentrer sur le récit des protagonistes, d’où ce sentiment parfois que l’histoire n’avance pas. Inclassable et insaisissable, cette bande dessinée est une éloge de la lenteur, notamment le premier chapitre où l’action (ou la non-action) se tient uniquement dans les dialogues. Abe bouge mais l’essentiel est dans ses paroles.

Néanmoins Clyde Fans est précis, hyper construit et magnifiquement raconté. D’ailleurs Chris Ware dit que «Seth est l’un des meilleurs auteurs de bande dessinée […] et Clyde fans est l’un des meilleurs romans graphiques jamais écrits.» C’est sûrement vrai, venant d’un grand maître du 9e art.

Le lecteur est aussi impressionné par la qualité graphique de l’album. Les couleurs en bichromie noir et bleu sont magnifiques.

Article posté le lundi 20 janvier 2020 par Damien Canteau

Clyde Fans de Seth (Delcourt) festival angoulême
  • Clyde Fans
  • Auteur : Seth
  • Editeur : Delcourt
  • Prix : 49.90 €
  • Parution : 13 novembre 2019
  • IBAN : 9782413011248

Résumé de l’éditeur : L’action se déroule dans un immeuble de Toronto, dans les années 1950, et dans les années 1970, au moment où l’entreprise fait faillite. Le récit mélange le parcours familial des frères Matchcard, abandonnés par leur père lorsqu’ils étaient enfants et dont la mère est sur le point de décéder, ainsi que le déclin de leur entreprise de ventilateurs devant l’avènement de l’air conditionné.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir