Bitter Root 02

Après un premier tome aussi réussi qu’enthousiasmant, la série Bitter Root revient chez Hi Comics. Qu’on se le dise, la famille Sangerye est de retour !

BITTER ROOT, L’ORIGINE DU MAL.

À la fin de premier tome, nous avions quitté les Sangerye en fâcheuse posture. Les Jinoos, ces démons pétris de haine avaient entrepris une invasion sans précédent. Malheureusement, la famille, séparée, se retrouvait affaiblie.

Après « Affaire familiale », le premier tome, il est temps de nous plonger dans « Rage et Rédemption », le deuxième opus.

Pourtant, avant de découvrir la suite de leurs aventures, le temps d’un épisode, les auteurs de Bitter Root nous plongent dans le passé de cette famille.

Toute histoire a un commencement.  Et celui des Sangerye est difficile à définir, tant elle est émaillée de souffrances et de drames.

Mais une chose est sûre, c’est pendant l’Été rouge que leur destin a été à jamais scellé.

BITTER ROOT : LES RACINES DE LA HAINE.

Le 30 mai 1921, Dick Rowland, pénètre dans l’ascenseur du Drexler Building de Tulsa. Pendant l’ascension du rez-de-chaussée au premier étage, le pied du jeune homme âgé de 19 ans percute celui de Sarah Page, une opératrice de 17 ans.

La jeune femme se met alors à hurler et Dick Rowland prend la fuite.

Le lendemain, dans les colonnes du Tulsa Tribune, on peut lire le titre suivant : « Nab Negro for Attacking Girl In an Elevator ». (Un Nègre attrapé pour avoir attaqué une fille dans un ascenseur).

300 personnes perdront la vie dans la répression raciste qui suivra…

Malheureusement, cette histoire n’a rien d’une fiction.  Et bien qu’elle ait longtemps été tue, elle a désormais un nom dans l’Histoire : on l’appelle le Massacre de Tulsa. Les événements sanglants qui ont précédé et ceux qui ont suivi sont connus sous le nom d’Été rouge.

C’est à cette histoire que Chuck Brown et David F. Walker rendent hommage dans le nouvel arc narratif de Bitter Root.

BITTER ROOT : L’ART DE L’APOLOGUE.

Dans la continuité du premier tome, derrière l’histoire d’une famille de chasseurs de démons, la série développe une réflexion fine et engagée.

Et le duo de scénaristes n’a pas oublié que pour réaliser une bonne fable, il faut mêler l’utile à l’agréable.

Les thèmes abordés sont forts. Et on perçoit bien vite que les responsabilités qui pèsent sur les épaules des Sangerye relèvent tout autant de la malédiction que de la mission.

Naître noir en Amérique n’a jamais été anodin. Depuis bien trop longtemps, la haine de certains a semé la mort et le désespoir.

De 1850 jusqu’en 1924, année à laquelle se situe l’histoire, les Sangerye n’ont jamais eu le loisir de l’oublier.

LE RENOUVELLEMENT PAR LA CONTINUITÉ.

Le premier tome avait permis de découvrir un univers où vivent des Jinoos, des êtres damnés par leur racisme et leur haine. Le deuxième montre que cette haine engendre la violence et entraine des innocents dans une lutte dévorante.

Ainsi, on découvre les Inzondos, des êtres bons que la souffrance a fait prendre l’apparence de démons.

Les enjeux se complexifient.

BITTER ROOT : UNE IMMERSION.

Comme dans le premier tome, Sanford Greene assure la partie graphique de la narration régulière.

Démons et humains se font face dans un tourbillon d’action parfaitement maîtrisé. La composition des cases est un modèle du genre. Gros plans, plans d’ensemble, plongées alternent dans un dynamisme saisissant.

Épaulé de Sofie Dodgson, ce même Sanford Greene réalise une colorisation extrêmement réussie qui contribue à créer une ambiance qui désormais fait la marque de Bitter Root.

Par ailleurs, les divers événements qui se sont déroulés pendant l’Été Rouge mettant en scène plusieurs personnages à des époques différents, des dessinateurs et des coloristes différents sont chargés de chaque histoire. Au-delà des qualités indéniables des artistes choisis, cela permet d’identifier chaque événement et de clarifier ce panorama temporel.

BITTER ROOT : UNE BANDE DESSINÉE ENGAGÉE.

Comme on avait pu l’apprécier dans le premier tome, « Rage et Rédemption » est accompagné de nombreux articles traitant « des heures les plus sombres des États-Unis ». Universitaires, écrivains, conférenciers évoquent tour à tour des faits qui ont marqué la communauté Afro-Américaine. En montrant en quoi Bitter Root trouve ses racines dans une lutte ancestrale, ils réaffirment les grandes qualités de la série. D’ailleurs, la critique ne s’y est pas trompée. En effet, après avoir été primée aux prestigieux Eisner Awards en 2020, la série est de nouveau nommée dans trois catégories en 2021.

Les racines du mal ont des ramifications profondes et il sera difficile pour les Sangerye de les éradiquer sans tout anéantir. Dans « Rage et Rédemption », l’intrigue s’intensifie. Une fois encore, les auteurs touchent au but et implantent un peu plus Bitter Root dans le cercle très fermé des grandes séries de comic book.

Article posté le jeudi 01 juillet 2021 par Victor Benelbaz

Bitter root 2 de Sanford Green, David F. Walker et Chuck Brown (Hi Comics)
  • Bitter root, volume 2 : Rage et Rédemption
  • Scénaristes : David F. Walker et Chuck Brown
  • Dessinateur : Sanford Greene
  • Éditeur : HiComics
  • Prix : 17.90 €
  • Parution : 24 mars 2021
  • ISBN : 9782378872953

Résumé de l’éditeur : Chasser les monstres est une affaire familiale pour les Sangerye. De génération en génération, ils ont combattu les Jinoos, d’horribles créatures nées de la haine. Mais ils doivent désormais faire face à une menace bien différente : les redoutables Inzondos, un nouveau type de monstre engendré par le deuil et les traumatismes. Tandis qu’une légion d’âmes torturées s’abat sur Harlem, les Sangerye vont encore devoir se battre pour sauver le monde… avant que leur propre souffrance ne les transforme eux aussi !

Récompensés par le prestigieux Eisner Award de la meilleure série régulière, David F. WalkerChuck Brown et Sanford Greene poursuivent le combat de la famille Sangerye dans le Harlem des années 1920 à coups de scènes d’action grandioses et de métaphores limpides dont la puissance résonne aujourd’hui tout autant qu’en 1924.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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