Avec Galápagos, une histoire inspirée de faits réels, le dessinateur belge Michaël Olbrechts propose un huis clos palpitant sous le soleil de l’Equateur.
Des paysages de cartes postales
A des milliers de kilomètres de la vieille Europe, au large de l’Equateur, voici l’archipel des Galápagos. Aujourd’hui, de nombreux touristes s’y rendent pour admirer tortues géantes, iguanes, fous à pieds bleus et autres otaries à fourrures. Ajoutez à cela des eaux claires et une végétation luxuriante et vous obtenez ce qu’il est convenu d’appeler un véritable paysage de carte postale.
C’est sur l’une des nombreuses îles qui composent ce décor idyllique, Floreana, que s’est déroulée dans les années 1930 « l’affaire des Galápagos ». Une affaire assez peu connue qui défraya les chroniques de l’époque. Et c’est cette histoire que le dessinateur belge Michaël Olbrechts raconte et dessine dans Galapágos, traduite du Flamand et publiée à l’automne 2024 par la Boîte à Bulles.
Un dentiste aux idées curieuses
Nous sommes en 1929. Adepte de la philosophie nietzschéenne, le docteur Friedrich Ritter décide avec sa patiente et amante, Dore Strauch, de fuir la civilisation occidentale et de retrouver une vie saine au contact de la nature. En août de la même année, le couple débarque sur l’île Floreana. Friedrich est persuadé d’avoir trouvé le lieu idéal pour vivre selon ses préceptes et devenir un Übermensch, un surhomme (en allemand).
L’arrivée des intrus
Mais l’expérience singulière du couple ne passe pas totalement inaperçue. La presse occidentale s’en fait l’écho. Alors, bientôt, une famille de Cologne, les Wittmer, Heinz et Margaret vont à leur tour tenter l’aventure. Sur la même île ! Les Ritter, un temps surnommés les Adam et Eve de Floreana, ne sont plus seuls. Si Dore se réjouit de voir arriver de la compagnie sur l’île, le docteur Ritter l’accueille avec méfiance. Il lui faudra tout de même mettre ses compétences à l’épreuve pour accoucher Margaret. Ainsi naît Rolf, le premier habitant natif des Galapagos, en 1932.
Une pseudo-baronne peu sympathique
En octobre de la même année débarque sur l’île un drôle d’équipage, haut en couleurs. Une autrichienne excentrique qui se dit baronne, Eloise von Wagner-Bosquet, flanquée de deux jeunes allemands, Robert Philippson et Rudolf Lorenz, qui sont aussi ses amants. Elle n’a pas du tout les mêmes rêves que les Ritter. Celle qui se proclame rapidement « Impératrice de Floreana », armée en permanence, a une « grande » idée en tête : prendre le contrôle de l’île, y construire un hôtel de luxe pour accueillir les riches touristes américains de passage… Si le projet semble promis à l’échec dès le départ, il suffit à créer entre les habitants jalousie et violence. Jusqu’à une issue fatale…
Un dessin puissant
S’appuyant sur des photos, un film, des podcasts relatant l’affaire et le destin tragique des premiers habitants de Floreana, Michaël Olbrechts déroule un huis clos implacable, à la manière d’un auteur de polar inspiré. Il utilise des couleurs vives pour rendre éclatante la beauté de la végétation, use d’un trait puissant pour donner chair à tous ces personnages.
Ce beau roman graphique de 176 pages se lit d’une traite, tant l’on s’attache vite à cette histoire. Aujourd’hui encore, presque un siècle plus tard, elle n’a pas livré tous ses mystères. L’auteur adopte ici la position de l’historien, multipliant les points de vue sans jamais se faire juge. Avant de débarquer dans les rayonnages français, son « Galapágos » a été la première bande dessinée à être nominée au prix Boon qui récompense la meilleure œuvre littéraire flamande ou néerlandophone. On lui souhaite le même destin ici.
- Galápagos
- Scénario et dessin : Michaël Olbrechts
- Editeur : La Boîte à Bulles
- Prix : 27,00 €
- Parution : 9 octobre 2024
- ISBN : 9782849535202
Résumé de l’éditeur. Quand ils débarquent sur Floreana en 1929, Friedrich Ritter et Dore Strauch pensent avoir trouvé l’endroit idéal pour passer leur vie. Inhabitée et dotée d’une faune et une flore extraordinaire, l’île a des allures d’Eden pour ce médecin fanatique de Nietzche et son ancienne patiente qui ont choisi de vivre isolés de la société des Hommes. Pourtant, l’idylle sera de courte durée. Ayant eu vent de leur entreprise, et attirée par ce mode de vie si singulier, la famille Wittmer rejoint l’île en 1932. Malgré un accueil glacial, chacun poursuit sa vie paisiblement et de son côté. Mais c’est à l’arrivée d’une autoproclamée Baronne et de ses deux amants que les choses se gâtent vraiment… Lutte pour le contrôle de l’île, jalousie entre « voisins », disparitions mystérieuses, l’île de Floreana, si paisible jusque-là, devient le théâtre d’une comédie aussi étrange que macabre.
Prix de la bande dessinée Fnac 2024 en Flandre.
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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