La Grande Guerre par Joe Sacco

2014, année de commémoration des 100 ans de l’entrée en conflit de la Première Guerre Mondiale, les auteurs et maisons d’éditions rivalisent de publications pour nous conter une part de leur vérité ou de fiction au travers des nombreux albums. Parmi les bandes dessinées à absolument lire, il y a : La Grande Guerre, le premier jour de la Bataille de la Somme reconstitué heure par heure, le sublime livre-objet créé par Joe Sacco.

Ce livre s’attache en particulier au Général Douglas Haig, «Le boucher de la Somme», commandant des forces britanniques sur le front de l’Ouest et surtout son excès de confiance. Pourtant la stratégie des haut-militaires anglo-saxons est plus que légère et très datée en ce qui concerne un guerre nouvelle et moderne dans sa forme comme dans l’artillerie utilisée. Il commence par aller prier à l’église, puis part charger avec ses hommes à cheval armés uniquement de lances, comme pendant les grandes heures des Indes britanniques. Une attaque vouée à l’échec face aux armes lourdes allemandes. Le lecteur suit, de gauche à droite, les préparatifs, le déplacement des troupes vers le front jusqu’aux morts que l’on enterre directement sur place mais aussi jusqu’aux blessés nombreux que les valides emmènent dans les infirmeries de campagne, vite débordées.

Un livre-objet qui s’étend sur 7 mètres

Cette bande dessinée d’un genre particulier est une immense fresque muette de 7 mètres, qui se présente sous la forme d’un livre accordéon à l’italienne. Pour la comprendre, un livret de 32 pages l’accompagne, préfacé par Adam Hochschild et annoté par l’auteur de Goradze et qui explique heure par heure, le déroulement de ce jour si tragique, le 1er juillet 1916.

Joe Sacco a toujours été attiré par le premier conflit mondial et ce depuis l’enfance. Né à Malte, il a grandi en Australie, où les commémorations sur La drôle de guerre sont ancrés dans les esprits des habitants. Tous les 25 avril, ils célèbrent l’anniversaire du débarquement de l’ANZAC (Australian and New Zealand Army Corps, le corps d’armée australien et néo-zélandais qui combattit sur le territoire français). C’est à cette période qu’il prend conscience des pires horreurs perpétrées sur le front et qu’il accumule des ouvrages sur le sujet.

Alors qu’il pense que Jacques Tardi avec le somptueux C’était la guerre des tranchées a tout raconté et a tout traité sur le sujet, il reçoit un appel de Matt Weiland, rédacteur chez W.W. Norton & Compagnie, en 2011, qui lui reparle d’un projet de bande dessinée. Après une réflexion, il décide de créer La grande guerre sur le modèle de Manhattan Unfurled de Matteo Pericoli, un ouvrage représentant New York sous la forme de dépliant en accordéon. L’auteur de The fixer fait le choix de s’inspirer de la Tapisserie de Bayeux, joyaux de l’art médiéval qui raconte l’invasion de l’Angleterre par les Normands, qui s’étant sur 70 mètres. Délibérément, il ignore les perspectives et les proportions réalistes, comme la fresque médiévale, pour rendre son dessin compact.

Alors qu’il ne s’intéresse à aucun soldat en particulier, faisant hommage aux soldats inconnus ayant combattu anonymement, il met néanmoins en scène le Général Douglas Haig. Il se contente ainsi de montrer ce qu’il s’est passé ce jour sinistre où 30 000 britanniques meurent lors de la première heure de l’offensive. De la prière du Général aux tombes des soldats, en passant par les cantines, les infirmeries, les tranchées, les tirs d’obus ou les pièces d’artillerie. Pas un mot n’accompagne le dessin, alors que sur le front, les bruits sont nombreux et incessants ; tel un silence assourdissant pour marquer fortement le lecteur de ce conflit sanglant et meurtrier.

La grande guerre : trait magistral, œuvre monumentale

Le trait en noir et blanc magistral de Joe Sacco permet une belle lisibilité parce qu’il est plutôt léger malgré les nombreux détails saisissants de cette grande case hors-norme. On y détecterait presque l’odeur de la chaire déchiquetée.

La Grande guerre : une œuvre monumentale, surprenante et très bien documentée, tant par sa forme originale que le fond et le graphisme de Joe Sacco. Si le lecteur ne doit lire qu’un album sur la premier conflit mondial, ce serait celui-ci. Magistral, sublime et somptueux. Comixtrip vous en recommande vivement la lecture !

Très documenté et fidèle aux détails (ambulances tirées par des chevaux, cuisines de campagnes, vêtements…), il a travaillé à partir d’archives photographiques de l’Imperial War Museum de Londres et a bénéficié des conseils de l’historien anglais Julian Putkowski. Son point de vue n’est donc que britannique, parce que ces histoires de guerre lui sont plus familières.

Article posté le jeudi 10 avril 2014 par Damien Canteau

La Grande guerre, le premier jour de la bataille de la Somme fait partie des meilleures BD sur la première guerre mondiale (La Grande Guerre) pour Comixtrip, le site spécialisé en bande dessinée
  • La Grande Guerre, le premier jour de la Bataille de la Somme, reconstitué heure par heure
  • Auteur : Joe Sacco
  • Editeur: Futuropolis, en co-édition avec Arte Edition
  • Prix: 25€
  • Sortie:  10 avril 2014

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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