Le petit nazi illustré

La bande dessinée, ce n’est pas sérieux, ce n’est pas important. Les « illustrés », comme on les appelait au milieu du XXe siècle, l’étaient encore moins. Et pourtant, Pascal Ory de l’Académie française démontre dans Le petit nazi illustré, 3e édition maintenant chez Locus Solus, combien les journaux de bande dessinée pour enfants ont pu être le théâtre de la propagande nazie.

Le petit nazi illustré : le journal des petits mickeys au bras levé

Vous l’aurez compris, il s’agit ici d’un livre d’analyse de la bande dessinée et de son Histoire, plus qu’une histoire en bande dessinée. Pour la seconde fois, Pascal Ory met à jour ce travail d’analyse commencé dans les années 70, sur la production du journal Le Téméraire, journal pour enfant collaborationniste créé en janvier 1943. Particularité, ce journal avait le quasi-monopole sur le créneau, pour toute la Zone Nord de la France occupée. Autrement dit, un fort pouvoir d’influence sur les jeunes esprits.

Une œuvre pédagogique

Cette mise à jour permet à Pascal Ory de proposer encore plus d’illustrations et d’iconographies que précédemment, bénéficiant de la poursuite du travail de recherche ou d’archivage du journal. Il propose des planches, des illustrations ainsi que des extraits de textes qui permettent de démontrer immédiatement la rhétorique nazie des auteurs. On note aussi l’insert de schémas explicatifs qui viennent alléger régulièrement le propos.

Le petit nazi illustré : plongez dans la face sombre de l’Histoire de France

Même si la plume de Pascal Ory exprime son statut d’académicien, Le petit nazi illustré reste tout à fait accessible. C’est un texte court, très hiérarchisé, qui permet d’explorer toutes les facettes du sujet sans ressentir de poids particulier. Évidemment, il demande de connaître le contexte historique de la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais avec un peu de lâcher prise, on peut tout à fait passer outre ses lacunes historiques pour embrasser l’ampleur de la démonstration et se réserver des approfondissements futurs pour mieux comprendre la totalité des enjeux.

Dis papa, c’est quoi un nazi ?

Mais donc, en quoi ce journal pour enfant était-il nazi ? Par son fond idéologique, avant tout. Récits en prose, illustrations, bandes dessinées et chroniques valorisaient toutes d’une manière ou d’une autre les  « valeurs » nazies, autant qu’elles dénonçaient les ennemis de la cause, Anglais, Communistes et Juifs, évidemment. Pas besoin de mettre en scène les nazis, il suffisait de placer les bons messages sur les bons modèles idéologiques, chevaliers teutoniques en tête.

Pascal Ory a surtout le mérite de pointer le fond réel desdits messages. Ce n’est pas tant une glorification des valeurs positives qui l’a emporté, qu’une vision angoissée et angoissante du monde. Un monde basé sur la violence et la guerre. Un monde en lente perdition puisque la période de diffusion correspond aussi à la lente défaite de l’Allemagne Nazie.

Une épuration conciliante avec Le Téméraire

Notons aussi le point final consacré au devenir des artistes et écrivains impliqués dans le journal. Ory pointe une dénazification relativement clémente avec même une récupération de certains effectifs et de la structure du Téméraire par Vaillant, le nouveau journal de jeunesse… communiste. On notera tout particulièrement la participation aux deux journaux de Raymond Poïvet, dessinateur de Vers les mondes inconnus pour quelques numéros dans Le Téméraire, et toute la saga des Pionniers de l’Espérance, référence de la littérature jeunesse communiste.

Le petit nazi illustré ou la propagande mise en lumière

Le petit nazi illustré est une œuvre qui mérite d’être rendue disponible régulièrement pour le public français. C’est un travail qui fait œuvre de mémoire et qui rappelle que décidément, non, la bande dessinée n’est pas une matière légère et puérile, quand bien même elle s’adresse aux enfants. 

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