Le port des marins perdus

« Ce n’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme » chante Renaud. Les bulles de Le Port des Marins Perdus, elles m’ont pris au dépourvu et mon cœur ému de lectrice s’est échouée sur ce splendide chant marin graphique en quatre vagues.

LA PREMIERE VAGUE : SAUVETAGE DE L’ÂME D’UN MARIN PERDU

En 1807, William Roberts, capitaine à la tête de la frégate britannique de Sa Majesté « L’Explorer » découvre un rescapé amnésique qui ne se souvient que de son prénom : Abel.

Engagé alors comme mousse jusqu’au retour sur les terres d’Angleterre, il révèle un pied marin insoupçonné et une habileté en mer déconcertante qui étonnent tant le jeune homme que le capitaine qui se prend d’affection pour lui.

Bercé par le vent du large, Abel n’a que des souvenirs instinctifs qui reviennent de son passé endormi ; il cherche son âme dans le creux de la vague mais en vain car rien ne revient à la surface de sa mémoire.

LA LAME DE FOND : CHERCHER LE SENS D’UNE VIE AVEC LE VENT DANS LES VOILES

Arrivés au quai de Plymouth Dock, Roberts le présente aux trois filles Stevenson qui tiennent une auberge l’Albatross, un lieu abandonné depuis la nouvelle de la trahison de leur père, l’ancien commandant de bord de l’Explorer qui se serait enfui avec le butin du dernier navire capturé.

De cette rencontre plurielle et de leurs vies partagées au quotidien, des images et des sensations remontent; l’intrigue dénoue progressivement les nœuds marins pour glisser dans le suspense.

Quelles vont être ces révélations troublantes qui vont offrir à Abel un nouveau sens à l’orientation de sa rose des vents ? Pourquoi Abel éprouve-t-il une sensation de déjà vu ?

LE COURANT PORTEUR : REFUGE DU MARIN SUR L’ÎLE D’UN SEIN

Parfois la mer est un gouffre sans fond et il y a un besoin de trouver un corps pour panser les plaies et soigner les peines, s’accrocher à l’odeur de la fragrance d’une peau pour survivre à la noyade.

Abel va croiser la route de Rebecca, une tenancière de maison close qui va l’initier à la lecture de sa vie, à la poésie des mots pour reconnaitre ses propres maux.

Par un lien invisible qui les unis, celui d’apercevoir le port des marins perdus, elle va l’aider progressivement à s’infiltrer dans les eaux troubles de la quête de son identité.

L’amant de Rebecca, le colosse capitaine Nathan Mc Leod va aussi prendre Abel sous son aile à l’occasion de la traversée d’un périple. Par ce nouveau voyage en mer, des amers vont alors identifier des vérités qui vont miner des certitudes et explorer des souvenirs.

LES ABYSSES DE LA MÉMOIRE : S’ENVOLER DU MÊME QUAI

Dans ce récit bercé entre terre et mer, emporté dans les embruns d’un surnaturel onirique, il est donc question de retrouver le port de son âme perdue, de partir d’un quai connu pour s’amarrer sur le rivage d’une nouvelle vérité sur soi.

Chavirer dans la brume où on chante tout bas la chanson de l’océan, celle des esprits qui dansent sous un clair de lune, pour trouver la trace de ses pas dans la mémoire d’un phare perdu.

Les traits fins et délicats des dessins en monochrome de Stefano Turconi accompagnent MER-veilleusement la puissance littéraire poétique de Teresa Radice et magnifient le ressac des émotions. Ensemble, ils avaient déjà imaginé Violette autour du monde et Tosca des bois.

Cet album a reçu le prix du meilleur roman graphique au festival de Lucca 2015 et le prix de l’Académie de Marine 2017.

Et désormais, une chose est certaine : « dès que le vent soufflera, je repartira ». Cela tombe à point nommé car la conjugaison maritime de ces deux talents revient avec un spin off Les Filles des Marins Perdus toujours aux éditions Glénat.

Le port des marins perdus : Encore une lecture où il va faire bon de plonger l’ancre de nos yeux. À l’abordage de ce soleil levant et tout en couleur cette fois-ci !

Article posté le jeudi 08 octobre 2020 par Gwénaëlle Le Mercier

Le port des marins perdus de Stefano Turconi et Teresa Radice (Glénat)
  • Le port des marins perdus
  • Scénariste : Teresa Radice
  • Dessinateur : Stefano Turconi
  • Editeur : Glénat
  • Parution : 08 juin 2016
  • Prix : 22 €
  • ISBN : 9782344014752

Résumé de l’éditeur : Automne 1807. Un navire de Sa Majesté récupère au large du Siam un jeune naufragé qui ne se rappelle que de son prénom : Abel. Le garçon se lie rapidement d’amitié avec le premier officier, capitaine du navire depuis que le commandant s’est enfui avec le trésor du bord. Abel retourne ensuite en Angleterre où il loge dans l’auberge tenue par les trois filles déchues du fuyard. Alors que la mémoire lui revient peu à peu, il découvre quelque chose de profondément troublant sur lui-même, et la véritable nature des personnes qui l’ont aidé… Avec Le Port des marins perdus, Teresa Radice et Stefano Turconi signent un récit intense dans l’esprit des grands romans d’aventure de Stevenson. Un roman graphique au dessin délicat et à la puissance littéraire, qui creuse dans l’âme des protagonistes et des lecteurs. Pour toutes ces qualités, cet album a reçu le prix du meilleur roman graphique au festival de Lucca 2015.

À propos de l'auteur de cet article

Gwénaëlle Le Mercier

Passionnée de lecture et de course à pied, Gwénaëlle aime dénicher des trésors de bande dessinée. Instagrameuse influente en BD, elle aime les récits intimistes et humains. Son Insta : https://www.instagram.com/runforbook/

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