Avant d’apparaître à la télé, d’écrire des livres ou d’être chroniqueur à la radio, Albert Algoud fut professeur de français en Haute-Savoie. Il raconte cette période assez courte où il fut un enseignant à part dans Le prof qui a sauvé sa vie. Florence Cestac l’accompagne au dessin dans cette tranche de vie libre et drôle.
La vallée de la Vologne, le petit Grégory et le collège
C’est en 1978 qu’Albert Algoud obtient son premier poste de professeur de français. Ce sera un collège de la vallée de la Vologne en Haute-Savoie. Une ville qui connaîtra une réputation morbide avec l’affaire du Petit Grégory quelques années plus tard.
Tout juste papa, il débarque donc dans cet établissement savoyard. Il est accueilli par le proviseur et ses collègues ayant tous une personnalité haute en couleur.
Premiers jours de classe
Foulard noué autour du cou et imperméable sur le dos, Albert accueille ses premiers élèves. Des garçons et des filles des plus étranges, drôles ou intelligents.
L’enseignant décide alors de créer une bibliothèque de prêt au fond de sa classe. Il y met des livres qu’il apporte de chez lui ou qu’il met sous son manteau lorsqu’il arpente les allées d’une librairie. Et tout de suite, il y installe des bandes dessinées. Une passion qui le suivra toute sa vie…
Le prof qui a sauvé sa vie, en rupture avec l’éducation nationale
Les années 1970-1980 sont vraiment à part dans le système éducatif français. Les colos et les centres aérés sont de plus en plus nombreux, souvent dirigés par des enseignants. La vie est douce et dans l’éducation nationale, les enjeux sont différents de ceux d’aujourd’hui.
Les profs et les surveillants fument dans les couloirs voire dans les salles de classe (j’ai connu ça avec mon prof d’histoire). Beaucoup sont d’ailleurs considérés comme d’affreux gauchistes. C’est le cas d’Albert Algoud. Pourtant, lui aussi est en vrai décalage avec ses collègues et les préceptes de l’enseignement. Il est en rupture avec tout cela, lui l’iconoclaste que l’on retrouvera à la télévision des années plus tard.
UN prof proche des pédagogies alternatives
Albert Algoud n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais dans le moule, dans la norme. Dès ses premières heures de cours, il tente d’imprimer une vision de l’éducation, proche des pédagogies alternatives. Il connaît Freinet, Piaget et Montessori. Il essaie de mettre en œuvre leurs préceptes dans sa classe.
Albert donne envie, il incarne, il joue et cela fonctionne sur ses élèves. La classe est déjà UNE scène avec un public qui est de plus en plus en phase avec lui.
Lire et faire lire
Dans ce collège de Haute-Savoie, il n’était pas simple de donner envie aux élèves. Surtout que nombres d’entre eux ne lisent pas. Alors avec sa bibliothèque de fond de classe, Albert Algoud commence attirer les yeux de ses élèves. Fantômas, Apollinaire ou Tintin, ils sont là pour bousculer les idées, attirer comme des aimants, intriguer et donc faire lire.
Le prof qui a sauvé sa vie, du Pennac dans les pages
Si l’on décèle les premières bribes d’humour qui feront le succès d’Albert Algoud, Le prof qui a sauvé sa vie a de vraies connexions avec les romans de Daniel Pennac. On y reconnaît des philosophies communes avec celle que l’on a pu lire dans Chagrin d’école.
Et si le lien entre Algoud et Pennac est l’école et l’enseignement, il y en a aussi un autre : Florence Cestac. C’est l’autrice de Harry Mickson qui a mis en image cet album mais aussi ceux du romancier comme Un amour exemplaire ou Les mots ont des oreilles.
Le trait gros nez de Florence Cestac est idéal pour raconter les aventures de l’acolyte de Karl Zéro sur Canal +. La vie et le dynamisme du dessin apporte également son lot d’humour.
Les mille vie d’Albert Algoud
Né en 1950 en région parisienne, Albert Algoud est connu du public du 9e art par ses nombreux ouvrages autour de l’univers de Tintin (Tintinôlatrie, Le Haddock illustré, Le dictionnaire amoureux de Tintin…). C’est d’ailleurs dans le collège savoyard que l’écrivain découvre les aventures du reporter à la houppe. Il n’en lisait pas mais ce sont les élèves qui éveillent sa curiosité pour le personnage créé par Hergé.
Comme le montre Le prof qui a sauvé sa vie, Albert Algoud découvre les radios libres où il peut exercer son humour de destruction massive. C’est d’ailleurs sur RFM qu’il se lie d’amitié avec Karl Zéro et Antoine de Caunes. Le trio fera les grandes heures de Nulle part ailleurs sur Canal+. Le général Ganache, le Père Albert, le légionnaire Pintembert, François François ou John Jack Lang sont alors des personnages que le public plébiscite.
Par la suite, il tient des chroniques sur RTL mais surtout sur France Inter où l’on retrouve toute la galerie de personnages créés avec Karl Zéro. Parallèlement, il écrit de nombreux romans et ouvrages humoristiques.
Albert Algoud en quittant l’éducation nationale a vraiment sauvé sa vie pour notre plus grand bonheur !
- Le prof qui a sauvé sa vie
- Scénariste : Albert Algoud
- Dessinatrice :
- Editeur : Dargaud
- Prix : 15 €
- Parution : 24 mars 2023
- ISBN : 9782205206197
Résumé de l’éditeur : Albert Algoud (ex-plume de la grande époque Canal +) raconte à Florence Cestac ses années folles où jeune prof fraîchement diplômé, au début des années 1980, il atterrit dans le trou du cul du monde : un bled de Haute-Savoie. Anticonformiste, faisant fi des vieilles lunes éducatives, Algoud est le pendant foutraque de l’enseignant Daniel Pennac (Chagrin d’école). Comme quoi, un bon enseignant, ça peut vraiment changer des vies, à commencer par la sienne !
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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