Magnéto Le Testament

Personnage incontournable de l’univers Marvel, Magnéto est un super-vilain aussi puissant que redouté. Maître du magnétisme, il est l’ennemi attitré des légendaires X-men. Dans Magnéto  Le testament, Greg Pak et Carmine Di Giandomenico racontent son enfance, lui qui, juif allemand, a dû affronter le mal absolu qu’est le nazisme.

LE POIDS DE L’HISTOIRE.

En 1935, le jeune Max Eisenhardt n’a que 9 ans.

Il vit heureux entouré de son père, un bijoutier, vétéran de guerre, de sa mère, de sa grande sœur et d’Erich son oncle aimant.

À l’école, c’est un élève brillant, sans doute trop. Et en 1935, en Allemagne, il n’est pas bon de faire de l’ombre à des élèves blonds aux yeux bleus. Il est trop jeune pour en avoir pleinement conscience, mais il est déjà confronté aux premières discriminations que les Juifs devront affronter.

« Observez Max Eisenhardt. C’est un exemple parfait, n’est-ce pas ? Petit, Faible, mais vicieux. »

Petit à petit, les insultes, les brimades et les humiliations vont pleuvoir… Et bien vite elles vont finir par se muer en une violence physique aussi démesurée qu’abjecte.

Pour continuer à vivre, Jakob, le patriarche dit qu’il faut accepter l’humiliation tout en essayant de ne jamais attirer l’attention.

« Nous reviendrons dans un mois ou deux… Ne t’en fais pas, Max. Tout va bien se lasser… »

Mais rien ne peut arrêter la course de l’Histoire. Et les 9 et 10 Novembre 1938, a lieu la terrible Nuit de Cristal. Des dizaines de Juifs sont tués, des dizaines de milliers sont arrêtés ; leurs biens sont spoliés.

Alors, il faut quitter l’Allemagne et partir en Pologne où la famille espère pouvoir survivre. Petit à petit, leur fuite les mène au ghetto de Varsovie. Pour Max, elle se terminera près de quatre années plus tard face à une porte au-dessus de laquelle on peut lire les mots à jamais damnés : ARBHEIT MACHT FREI.

LA LÉGENDE DE MAGNÉTO.

Lorsqu’en 1963, Stan Lee (Amazing Spider-Man) et Jack Kirby (Jack Kirby anthologie) inventent le personnage de Magnéto, ils entendent créer un défenseur des droits des mutant opprimés, une sorte de Malcom X, de l’aveu même du scénariste.

Et ce n’est qu’en 1981, lorsque le titre est repris par Chris Claremont (Wolverine) et John Byrne (Next-Men), que l’emblématique personnage trouve un passé qui transformera à jamais son histoire : Magnéto est un survivant de la Shoah.

Par cet ajout, il acquiert une profondeur psychologique rarement égalée dans l’univers des comics. Ses choix, sa colère, sa violence, deviennent alors sujets à réflexion.

Pourtant, il faudra encore attendre 2008 pour que Greg Pak (Ronin Island) et Carmine Di Giandomenico (Flash Rebirth) révèlent la jeunesse de Max Eisenhardt. Les lecteurs découvrent alors le jeune Juif qui fut Sonderkommando à Auschwitz sans avoir conscience du fait qu’un jour, il deviendrait Magnéto, le maître du magnétisme.

Bien plus qu’une œuvre de fiction, Magnéto Le Testament est un témoignage, une contribution au devoir de mémoire.

QUAND L’HISTOIRE DÉPASSE LA FICTION.

De ce point de vue, le parti pris des auteurs est aussi judicieux qu’intéressant.

En effet, à la lecture de Magnéto Le Testament, on se rend bien vite compte qu’il s’agit davantage d’une œuvre traitant de la Shoah que d’un comic book sur les super-héros.

Le fait est qu’à aucun moment, on ne peut repérer d’élément surnaturel à proprement parler. Tout juste peut-on avoir un doute sur deux événements ; rien de plus que des doutes. Et en tout état de cause, parmi les personnages, on ne repère aucun mutant doté de super-pouvoirs.

Au contraire, la narration est profondément ancrée dans l’âpre réalité. Les éléments historiques structurent le récit et permettent de suivre la montée du nazisme en Allemagne tout d’abord, et en Europe ensuite, par les yeux d’un jeune Juif.

L’empathie qu’on ressent pour le jeune héros est immédiate. Et l’horreur du sort réservé aux Juifs prend littéralement à la gorge.

Ainsi, le récit est dur, poignant, oppressant.

REPRÉSENTER L’HORREUR.

A ce titre, le travail graphique réalisé par Carmine Di Giandomenico est absolument remarquable. Son trait, qui mêle rudesse et force, associé à son talent pour la construction des planches permet réellement de s’immerger dans l’enfer vécu par les protagonistes.

Ainsi, on ressent réellement l’angoisse liée au sort du jeune Max et de sa famille. Les situations et le tourbillon dans lesquels les personnages sont jetés est vertigineux ; et ce d’autant plus que l’œuvre est régulièrement ponctuée de cartouches sur fond gris qui apportent des précisions historiques. Par ce procédé, les auteurs mettent en perspective l’histoire de Max avec un des pans les plus sombres de l’Histoire.

POURQUOI MAGNÉTO ?

Le fait est que la question peut se poser.

D’autant plus que sur ce sujet, l’exploitation de la franchise Marvel à des fins purement mercantiles aurait clairement eu un côté obscène.

En réalité, et fort heureusement, il n’en est rien.

Par respect pour le thème abordé et avec beaucoup d’intelligence, le scénariste et le dessinateur ne se permettront jamais de glisser une quelconque allusion à l’univers des super-héros.

Pourtant, Max Eisenhardt sera bel et bien Magnéto.

L’attention portée au métal tout au long du récit en est une preuve subtile et discrète. Que ce soit celui des bijoux ciselés par Jakob, celui du javelot que Max envoie plus loin que quiconque, celui des balles meurtrières tirées par les Einsatzgruppen ou celui des barbelés du camp d’Auschwitz. Il fascine et attire l’œil. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Greg Pak et Carmine Di Giandomenico n’auront de cesse de montrer que malheureusement, parfois, la réalité est plus forte que la fiction. Et même si on l’aurait souhaité, dans Le Testament, Max Eisenhardt n’a pas encore les pouvoirs de Magnéto…

UNE ÉDITION EXCEPTIONNELLE POUR UNE ŒUVRE D’EXCEPTION.

Pour finir, saluons le très beau travail d’édition de Panini Comics. Nous pouvons en effet profiter de cette magnifique œuvre dans un format augmenté, plus grand même que celui des bandes dessinées franco-belges. Les planches n’en sont que plus belles, plus saisissantes et certaines doubles pages laissent ainsi un souvenir encore plus bouleversant.

Pour clore l’ouvrage, on appréciera l’ajout d’un court récit, scénarisée par Rafael Medoff, le directeur du David S. Wyman Institute for Holocaust Studies, dessinée par Neal Adams et encrée par ce même Neal Adams et Joe Kubert. On y découvre l’histoire vraie de Dina Babbitt qui osa défier l’autorité nazie en plein cœur d’Auschwitz en peignant une fresque de Blanche-Neige sur la baraque pour enfants.

Magnéto Le testament, scénarisé par Greg Pak et dessiné par Carmine Di Giandomenico est une grande œuvre, subtile, intelligente, et respectueuse d’une Histoire qui doit être transmise.

A ce titre, il s’agit d’une histoire qu’il faut posséder, lire et transmettre.

Article posté le jeudi 18 février 2021 par Victor Benelbaz

Magnéto Le testament de Greg Pak et Carmine Di Giandomenico (Marvel)
  • Magnéto – Le testament
  • Scénariste : Greg Pak
  • Dessinateur :  Carmine Di Giandomenico
  • Traduction : Thomas Davier
  • Editeur : Panini
  • Parution : 27 Janvier 2021
  • Prix : 28€
  • ISBN : 9782809493788
  • Résumé de l’éditeur : Le monde entier connaît Magnéto, le maître du magnétisme, militant radical pour les droits des mutants et souvent ennemi de l’humanité. Mais en 1935, Max Eisenhardt est un écolier juif dans l’Allemagne nazie qui va devoir lutter pour survivre face à la machine de la « solution finale » d’Hitler. Le récit glaçant de Greg Pak évoque les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale au travers d’un des personnages les plus marquants de l’univers Marvel.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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