Maxiplotte

En seulement 12 ans, Julie Doucet a réussi à imprimer sa marque dans le monde du 9e art. En 12 ans, elle est devenue l’une des autrices les plus en vue de la scène indépendante. L’Association édite une anthologie de son oeuvre à partir de ses Dirty Plotte. Un max de Plotte, un max de Maxiplotte !

De Ciboire de Criss à Journal : une formidable anthologie

Pour découvrir le travail phénoménal de Julie Doucet, un seul livre : Maxiplotte ! L’autrice québécoise se dévoile dans ce recueil édité par L’Association. Ainsi, la structure parisienne compulse les récits qu’elle publia par le passé : Ciboire de Criss ! (1996), Monkey and the Living Dead (1999), quelques planches de Changements d’adresses (1998) mais surtout ses Dirty Plotte, des histoires publiées entre 1990 et 1998.

Ce superbe objet de 400 pages (papier de très belle qualité et épais, dos rond toilé, signet et petit prix pour une anthologie : 35 €) propose aussi 200 pages inédites, de quoi ravir les amateurs du travail de Julie Doucet mais aussi les curieux. Même sans connaître son œuvre, cet ouvrage permet de goûter tout le sel du talent de cette grande autrice, une pionnière des récits intimistes.

Une anthologie sur Julie Doucet pour lui rendre un bel hommage

Née en 1965 à Montréal, Julie Doucet devient rapidement l’une des autrices les plus inventives de la scène alternative québécoise puis internationale.

Comme le souligne Jean-Christophe Menu (auteur et cofondateur des éditions L’Association) dans l’introduction de Maxiplotte, lorsque Julie Doucet commence à développer ses récits, les autrices de bande dessinée ne sont pas nombreuses, encore plus dans les mondes de l’underground. L’auteur de Chroquettes semble d’ailleurs très heureux d’avoir été convié pour réaliser cette anthologie. Ses mots sont justes pour montrer toute l’étendue du travail de la Canadienne.

En plus du texte de préface signé Anne Elisabeth Moore (de l’Art Institute of Chicago), Maxiplotte se referme sur une interview passionnante de huit pages de Julie Doucet, réalisée par le journaliste Christian Gasser en 2017 à Lucerne en Suisse.

Maxiplotte : un comics sans filtre

Après des études au Cégep du Vieux Montréal (collège d’enseignement général et professionnel) dans les années 1980, Julie Doucet suit des cours en arts d’impression à l’université du Québec dans la même ville.

C’est pendant ses études qu’elle découvre la bande dessinée et les fanzines. Elle en devient d’ailleurs l’une des pionnières comme le montre la somme importante des ses fanzines conservés précieusement par la Fanzinothèque de Poitiers.

Elle débute alors Dirty Plotte, tirés au départ à une cinquantaine d’exemplaires. Comme elle l’explique dans l’interview, il n’y avait pas d’éditeurs à cette époque-là au Québec. La seule opportunité de montrer son travail, c’était de créer des fanzines. « Je n’avais aucune censure. Et Dirty Plotte, ça sonnait drôle. Je cherchais un titre, c’est arrivé comme ça dans ma tête ». Provocateur, le titre fait référence au vagin et par extension à la femme. Maxiplotte qui reprend les Dirty Plotte, c’est donc un comics sans filtre.

Pour partager son quotidien

Si au départ Julie Doucet n’avait pas spécialement l’intention de raconter des histoires féministes ou autobiographiques, rapidement Dirty Plotte raconte sa « vie quotidienne, [ses] peurs, [ses] frustrations… ».

Et c’est là toute la force des Dirty Plotte, toute la force du travail de Julie Doucet : elle parle avec sincérité et sans filtre de sa vie. Elle brise les tabous du patriarcat et des stéréotypes du genre. Et pour l’époque, c’est culotté, fort et provocateur. Ses envies, son désir sexuel, ses règles et ses frustrations, tout est là, brut de décoffrage. Maxiplotte n’est donc pas à mettre entre les mains des enfants mais peut facilement être compris par les adolescents. Et comme les thèmes sont encore très actuels, nous conseillons cette anthologie à tout le monde, y compris les lecteurs qui ont moins l’habitude de ce style de récits. Fascination, répulsion et interrogations sont au cœur de cet imposant volume. Et rien que pour cela, il mérite toute notre attention.

Quand nous pensons que Julie Doucet a arrêté de créer de la bande dessinée en 1999 – il y a déjà 22 ans – nous pouvons être surpris tant elle aurait encore des choses à dire au monde ! Surtout que sa production ne dépassa pas 12 ans ! Entre 1987 et 1999, elle raconta des centaines et des centaines d’histoires, plus enthousiasmantes les unes que les autres.

Avec El Rotringo, Steve Requin ou Siris, Julie Doucet a fait vivre le fanzinat à Québec. Avec Maxiplotte, L’Association souligne ce rôle essentiel, cet apport majeur à la bande dessinée indépendante.

Article posté le mardi 04 janvier 2022 par Damien Canteau

Maxiplotte de Julie Doucet (L'association)
  • Maxiplotte
  • Autrice : Julie Doucet
  • Éditeur : L’Association
  • Prix : 35 €
  • Parution : 19 novembre 2021
  • ISBN : 9782844147813

Résumé de l’éditeur : Il est rare qu’un auteur de bandes dessinées ayant officiellement arrêté d’en faire vingt ans auparavant continue à avoir une influence considérable. Cela devient exceptionnel lorsqu’il s’agit d’une autrice. C’est pourtant bien le cas de la québécoise Julie Doucet, active entre 1987 et 1999, à une époque où les dessinatrices n’étaient pas légion, surtout à se situer sur un terrain briseur de tabous et féministe à la fois. Julie Doucet fait aujourd’hui figure de mythe. Les éditions Drawn & Quarterly à Montréal la rendront célèbre à partir de 1990 avec le comic-book Dirty Plotte, que Julie avait commencé seule en tant que fanzine.

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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