Des dinos dans la ville ! Depuis des lustres, les dinosaures vivent parmi les humains. Un jeune vélociraptor Ziyül emménage dans le même immeuble que Mattéo, un ado en fauteuil roulant. Une amitié naît malgré les temps qui s’assombrissent. Entre intolérance, intégration et absence, Pog, Francesca Carita et Véra Daviet imaginent Pas d’lézard, un très bel album jeunesse politique.
Des dinos partout !
Nueva Lutetia dans le futur. Depuis la nuit des temps, les Humains cohabitent tant bien que mal avec les dinosaures.
Il y a là, les utilitaires qui servent de moyens de transport et à produire de l’énergie électrique très rare dans la ville. Il faut y ajouter les petits compagnons qui sont des animaux de compagnie. Les prédateurs, quant à eux, sont sauvages et sont relégués de l’autre côté de la grande muraille de Nueva Lutetia. Et enfin, les dinosaures évolués qui sont l’égal des humains.
Égal, vraiment ?
Pourtant, si les utilitaires, les compagnons et les évolués sont au cœur de Nueva Lutetia, quelques êtres humains sont contre leur présence dans la ville. Peu importe s’ils sont intégrés, travaillent ou suivent des études, leur rejet est de plus en plus prégnant dans la société.
Une répulsion incarnée par Nocross, un politicien violent, hautain et excluant. Il aimerait le bannissement voire l’éradication des dinosaures. Il tente d’agréger les mécontents, les frustrés et les dinophobes. En cela, il s’oppose au maire de la ville, sympathisant depuis longtemps de la cause dinosaurienne.
Mattéo et Ziyül : amitié naissante
Parmi les habitants de Nueva Lutetia, il y a Mattéo, un adolescent en fauteuil roulant. Il vit avec sa maman chargée de surveiller le mur d’enceinte de la ville et Kiara sa soeur. On sent une famille soudée malgré la disparition du papa.
Alors qu’il sort de son appartement, Mattéo croise Ziyül dans l’ascenseur. Ce jeune adolescent est un vélociraptor.
Rapidement les deux se lient d’amitié. Il faut souligner que l’un et l’autre sont rejetés par les “populaires” de l’école. L’un parce qu’il est handicapé, l’autre parce qu’il est un dinosaure.
Mais leur amitié naissante est bousculée par les soubresauts politiques dans la ville. Nocross met la pression sur le maire pour chasser les dinos…
Pas d’lézard, vraiment ?
Y’a Pas d’lézard comme dirait l’autre ! Enfin si, un peu. Beaucoup même ! Olivier Pog imagine un récit riche en rebondissements et en thématiques. L’auteur de Trappeurs de rien propose une très jolie aventure jeunesse, entre amitié et intolérance.
Pour cet excellent premier volet de sa saga dinosaurienne, Pog développe une amitié asymétrique entre un jeune humain et un vélociraptor. Amitié qui est mise à mal par un climat de tensions dans Nueva Lutetia.
Pas d’lézard : jolie aventure jeunesse
Si cette histoire est bien destinée à un jeune public, Olivier Pog y glisse des thématiques contemporaines fortes. L’aventure est là, au coin de la rue. Mais elle est parsemée de sujets modernes qui infusent la société actuelle. L’auteur de Mulo y aborde l’absence d’un être cher, la précarité, les migrants, l’intégration, le rejet, l’intolérance et la dinophobie (un sous-texte de la xénophobie) incarnée par Nocross (pas de mélange).
Politique, vous avez dit politique ?
Alors, oui, on peut qualifier Pas d’lézard d’album politique. Jusqu’à présent, j’ai utilisé cet adjectif pour des bandes dessinées ado ou adultes mais jamais pour des livres jeune public. Pourtant, ici, tout y concourt. Alors pourquoi ne réserver ce vocable que pour des histoires adultes ? Surtout qu’auparavant j’en ai lu et fait des chroniques d’ouvrages qui auraient pu entrer dans cette catégorie sans jamais les qualifier ainsi.
Bien évidemment que l’on ne va pas donner Pas d’lézard à un enfant en lui disant que c’est un album politique. Mais, l’intention est là.
Tout autour de nous est politique. L’art est politique. Les bandes dessinées sont politiques. Elles peuvent également servir à éveiller la conscience citoyenne, l’esprit critique du futur adulte. Avec intelligence, parcimonie. De ci, de là. Ici, Pog y va franco. S’il utilise les dinosaures, les murs d’enceinte ou Nocross, c’est évidemment pour parler de la montée en puissance des discours racistes de l’extrême-droite.
Rien que pour avoir mis le doigt sur le fait de qualifier des albums jeunesse de politique, je remercie Pog. J’utiliserai désormais cet adjectif quand cela sera avéré pour les BD jeunesse.
Mais cette réussite du premier volume de Pas d’lézard, on la doit aussi à sa partie graphique de Francesca Carita.
Pas d’lézard pour le dessin
Raconter des histoires avec des dinosaures, c’est facile ! Ça plaît à pas mal d’enfants ! Et ce n’est pas l’ami Mazan qui dira le contraire avec son petit Mimo et les fouilles paléo d’Angeac-Charente.
Et l’on peut souligner que ceux dessinés par Francesca Carita sont très réussis. Comme le veut l’histoire et les quatre catégories de dinosaures, l’autrice du Trésor perdu de Nora les distingue vraiment. Les utilitaires semblent apathiques, les compagnons mignons, les prédateurs féroces et les évolués très dynamiques. Son dessin souple et en mouvement est rehaussé par les très jolies couleurs de Véra Daviet (Hot Space).
Enfin, Pas d’lézard est le quatrième album de la nouvelle collection Luciole des éditions Oxymore. Et, c’est celui qui est le plus réussi ! Les trois premiers Gaufrette et Loukoum, Coco et Sido & Crassouille chasseur de trouilles ne m’ont pas emballés. Les parties graphiques sont excellentes mais les histoires ne sont souvent pas assez abouties.
- Pas d’lézard, tome 1 : Nueva Lutetia
- Scénariste : Pog
- Dessinatrice : Francesca Carita
- Coloriste : Véra Daviet
- Editeur : Oxymore
- Collection : Luciole
- Prix : 16,95 €
- Parution : 25 septembre 2024
- Nombre de pages : 72
- ISBN : 9782385610623
Résumé de l’éditeur :
Dans un monde où les dinosaures vivent parmi les Hommes… certains d’entre eux sont intégrés tandis que d’autres sont restés au stade du crétacé. Et quand des dinosaures sauvages et agressifs menacent la tranquillité des habitants de la ville, les passions se déchaînent sur fond de violence. Dans ce climat de terreur, Mattéo, un garçon en fauteuil roulant, se lie d’amitié avec Ziyul, un jeune vélociraptor qui vient d’emménager dans son immeuble. Mattéo et Ziyul sauront-ils préserver la paix et leur amitié ?
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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