Un Paris pour Dallaire

Peintre québécois cubiste méconnu en France, Jean Dallaire fit pourtant plusieurs séjours dans notre pays. Marc Tessier et Siris, eux aussi auteurs québécois, relatent sa vie dans Un Paris pour Dallaire, un très joli portrait d’un artiste bouleversé et bouleversant mais aussi de l’évolution de l’Art au Canada.

De l’atelier de peinture à la rue

Né en 1916, Jean-Philippe Dallaire, connu aussi comme Jean Dallaire, est un peintre ayant grandi à Hull dans la région de Gatineau au Canada.

Doué pour le dessin et à peine 18 ans, il intègre un atelier d’artiste à Ottawa. Mais ses toiles se vendent peu. Il est même obligé d’aller chercher à manger à l’Armée du Salut. En 1936, il recroise le père Georges-Henri Lévesque qui lui avait proposé de venir dans son monastère pour peindre.

De la peinture religieuse à la folie parisienne

Dans le lieu de culte tenu par des frères dominicains, Dallaire trouve du réconfort, de la nourriture et de la chaleur. En contrepartie de réaliser quelques toiles religieuses, le peintre peut s’adonner à son travail personnel.

S’il n’aime et ne connait pas vraiment l’Art religieux, il peut créer sans se préoccuper de l’endroit où dormir et comment faire pour manger.

Il croise la route de Marie-Thérèse Ayotte avec lequel il se marie. Puis avec elle, il part pour Paris grâce à une bourse du gouvernement québécois. Il doit suivre des cours d’art sacré. Rapidement, il abandonne et s’inscrit dans l’atelier d’André Lhotte. C’est le début d’une production d’œuvres majeurs dans sa carrière professionnelle…

Un Paris pour Dallaire : tourbillon artistique

Décédé à Vence en France en 1965, Jean-Philippe Dallaire est un peintre majeur au Canada. S’il est moins connu dans notre pays, ses œuvres (Le propriétaire, Le messager ou encore Odile) sont mondialement connues. Figure du cubisme comme Braque, Picasso, Derain ou Van Dongen, il réalise une trentaine de tableaux (référencés) entre 1934 et sa disparition.

Un Paris pour Dallaire est un tourbillon artistique. Cette belle biographie imaginée par Marc Tessier est solidement documentée comme le montre la bibliographie en fin d’album. L’auteur de Abinagouesh et René Lévesque — Quelque chose comme un grand homme donne un tempo rythmé pour relater la vie tumultueuse du peintre. Mari et père pas très fiable, parfois porté sur le bouteille, Dallaire était un vrai artiste dans sa vie personnelle comme dans sa vie professionnelle.

Entre la bienveillance du père Lévesque et la folle vie parisienne, Dallaire brûla sa vie avec force. Il faut souligner que l’époque de l’entre-deux guerres puis celle des années 1950-1960 sont des moments bouillonnants pour les arts en France. Tout s’ouvre, tout est possible et les artistes se croisent, s’épaulent et l’émulation est énorme.

Dallaire par Siris

Un Paris pour Dallaire est formidable aussi par le graphisme de Siris. L’auteur du bouleversant Vogue la valise réalise de très belles planches où parfois il s’essaie au cubisme. A souligner que ses couleurs sont sublimes.

Comme il nous l’a confié dans son interview, Siris aime beaucoup Dallaire depuis longtemps : « Je l’ai découvert lorsque je suis allé voir une exposition sur le peintre Marc-Aurèle Fortin en 1986. Il y avait des invités à la fin, et notamment des toiles de Dallaire. J’ai vu La folle, son tableau, et j’ai tout de suite aimé. Je me suis reconnu en lui pour ses poses et ses couleurs. Je suis tombé en amour pour Dallaire. » Ci-contre, une recherche sur un tableau de Dallaire par Siris datant de 1990.

C’est d’ailleurs le dessinateur qui a soufflé l’idée de cette biographie dessinée à son ami Marc Tessier. Après avoir insisté, le scénariste emballé, « parti comme une fusée » pour écrire l’histoire.

Un Paris pour Dallaire : une très jolie occasion de découvrir un peintre méconnu en France mais qui aimait notre pays. Entre sa vie tumultueuse, son séjour au monastère, le cubisme et ses toiles, cette biographie passionnera tous les amateurs d’art.

Article posté le lundi 10 janvier 2022 par Damien Canteau

Un Paris pour Dallaire de Siris et Marc Tessier (La Pastèque)
  • Un Paris pour Dallaire
  • Scénariste : Marc Tessier
  • Dessinateur : Siris
  • Editeur : La Pastèque
  • Parution : 14 janvier 2022
  • Prix : 24 €
  • ISBN : 9782897771171

Résumé de l’éditeur : Jeune peintre prodige chez les Dominicains à Ottawa, boursier du Québec à Paris comme Alfred Pellan et Paul-Émile Borduas, Jean Dallaire débarque à en France juste avant la Deuxième Guerre mondiale. Arrêté par la Gestapo, il se retrouve prisonnier, enfermé dans un camp pendant quatre ans. De retour au Canada, il est engagé comme professeur d’art à Québec puis comme animateur à l’ONF. En 1959, Dallaire retourne en France et passe les dernières années de sa vie à Vence.

Un Paris pour Dallaire raconte la vie de Jean Dallaire, mais c’est aussi une chronique sur l’évolution de l’art au Québec à l’époque de Duplessis, du Refus global et de la Révolution tranquille.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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