Siris : entretien avec le dessinateur d’Un Paris pour Dallaire

Après son bouleversant Vogue la valise, Siris a eu l’idée de réaliser un album sur Jean Dallaire, un peintre important au Québec. Pour l’aider dans son projet, il demanda à son ami Marc Tessier d’écrire l’histoire. Le dessinateur a bien voulu répondre à quelques questions par téléphone, de chez lui au Canada, sur cette très belle biographie dessinée. 

Pourquoi Marc Tessier et toi avez-vous choisi de raconter la vie de Dallaire ?

Pour ne pas trop m’étendre parce que ça peut être long, en gros, quand j’étais en train de réaliser les couleurs du premier tome de Vogue la valise en 2009, Marc, enseignait la scénarisation en bande dessinée à l’université de l’Outaouais et je lui ai demandé de faire un album sur Dallaire.

Lorsque je l’ai rencontré pour ça, on a parlé peinture. Il m’a parlé du peintre Alfred Pellan et moi, je lui ai parlé de Dallaire. Il voulait alors faire un livre avec des illustratrices et des illustrateurs qui se seraient inspirés de Dallaire. Mais moi, j’étais convaincu qu’il fallait faire une bande dessinée sur lui.

Ensuite, j’ai terminé Vogue la valise mais j’avais toujours, dans un coin de ma tête, l’envie de faire cet album sur Dallaire.

J’ai rencontré les fils du peintre et je leur ai demandé l’autorisation de faire un album sur leur père. J’ai laissé passer du temps et j’ai alors redemandé à Marc d’écrire l’histoire. Il est parti comme une fusée. Pour préparer l’album, on a fait des entrevues avec les enfants de Dallaire mais aussi ses élèves.

« Je me suis reconnu en lui pour ses poses et ses couleurs »

Comment as-tu découvert l’univers de Dallaire ?

Je l’ai découvert lorsque je suis allé voir une exposition sur le peintre Marc-Aurèle Fortin en 1986. Il y avait des peintres invités à la fin, et notamment des toiles de Dallaire. J’ai vu La folle, son tableau, et j’ai tout de suite aimé. Je me suis reconnu en lui pour ses poses et ses couleurs. Je suis tombé en amour pour Dallaire.

C’est un super peintre, un illustrateur et il est très drôle dans ses tableaux. Il est vrai qu’il était assez indépendant et n’était pas dans le mouvement des peintres qui voulaient changer l’art au Québec.

Il était anti-religion pourtant il est entré dans un monastère pour créer. Les moines lui ont sauvé la vie par leur hébergement. C’est assez drôle tout ça !

Siris, combien de temps as-tu mis pour réaliser cet album ?

Il a fallu six ans pour accoucher d’Un Paris pour Dallaire. C’était très long entre le moment où on a eu l’idée et l’impression de l’album. Rien que pour la couleur des 120 pages, il m’a fallu huit mois !

Il faut dire que j’ai un autre travail à côté. J’anime des ateliers artistiques dans la Communauté de la santé mentale, pas très loin de chez moi.

« Il a laissé une trace indélébile dans la peinture au Québec. C’est un maître. »

Pourquoi Dallaire est-il si important dans le monde de la peinture au Québec ?

Il est moins connu que les peintres Pellan ou Borduas, mais il a laissé une trace indélébile dans la peinture au Québec. C’est un maître.

En fait, notre album, c’est un complément de toutes les monographies parues sur Dallaire. Même si on a pas voulu tout raconter sur lui.

En quoi faire la biographie d’un peintre en bande dessinée était difficile ?

Avec Marc, on raconte des bouts de sa vie, de ses 15 ans à sa mort. Si les gens veulent en connaître plus, ils peuvent lire les biographies.

Le plus difficile, je crois que ce sont les recherches de documentation. Elles m’ont pris beaucoup de temps, notamment sur les habits ou même les uniformes des Allemands de l’époque.

Mais, le plus important pour nous, c’était l’ambiance à retranscrire et le monde de la peinture.

En plus, nous on a eu la chance d’avoir des entretiens avec les enfants de Dallaire pour nous aider. Michel, son fils, nous a dit de ne surtout pas dire n’importe quoi sur son père. Il voulait avant tout la vérité.

« J’ai beaucoup aimé réaliser les grandes illustrations de 30 cm, mais également les couleurs. »

Siris, qu’est-ce que tu as le plus apprécié à dessiner dans l’album ?

J’ai beaucoup aimé réaliser les grandes illustrations de 30 cm, mais également les couleurs. D’ailleurs, mon éditeur m’a dit que mes couleurs étaient formidables !

Dallaire, il a vécu une vrai vie d’artiste qui pourrait très bien être un film. C’est tumultueux. C’est surtout un peintre qui était mal compris des autres.

Un Paris pour Dallaire, c’est la première biographie d’un peintre au Québec. On est fiers car c’est un homme extrêmement important chez nous.

Un autre exemple qui montre que Dallaire est important chez nous : il a illustré la chanson Cadet Roussel qui fut chantée par Félix Leclerc, le compositeur québécois, pour l’ONF (Office national du film au Canada). C’est sublime ! Ce n’est pas un dessin animé mais une sorte de diaporama de dessins.

Entretien réalisé au téléphone avec Siris, le 09 janvier 2022
Article posté le lundi 10 janvier 2022 par Damien Canteau

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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