L’atelier des sorcières : la plume enchantée de Kamome Shirahama

Plus de 120 planches, des grands thèmes qui rythment votre visite et les marches étroites mais peuplées de créatures de l’Hôtel Saint-Simon à Angoulême. Passez la première porte et pénétrez dans le monde merveilleux de Kamome Shirahama, autrice de l’emblématique Atelier des Sorciers (aux éditions Pika).

Émerveillement et découverte

exposition Kamome Shirahama atelier des sorciers FIBD 2025
Parmi les expositions de la 52e édition du FIBD (Festival International de la Bande Dessinée), il en est une qui intrigue autant qu’elle attire les fans : celle dédiée à l’œuvre de Kamome Shirahama, L’Atelier des sorciers. Que vous soyez amateur du manga ou que vous n’ayez encore jamais plongé dans ces tomes, l’exposition est accessible à tous. Elle est d’ailleurs conçue, par Pauline Croquet, commissaire d’exposition et journaliste spécialisée au Monde, comme une découverte, suivant à votre tour le parcours de Coco, l’héroïne.

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

L’Atelier des sorciers nous narre la découverte de la magie par Coco, l’expérience qui dérape, qui la plonge dans ce monde de magie et d’émerveillement. Comme elle, visiteurs et visiteuses sont d’abord invités à s’émerveiller, à découvrir le côté lumineux, joyeux de cette magie.

« La magie se loge dans les détails » explique Pauline Croquet, la commissaire de l’exposition. Et toute la scénographie de l’exposition est là pour nous montrer ces infinités de détails, dans les planches et les cases. La présence de loupes, accrochées sous les originaux exposés, nous invite à les observer plus attentivement, à entrer littéralement dans ces scènes d’où se dégagent à la fois un sentiment de proximité et de découvertes.

Métissage culturel et grammaire graphique

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

L’univers de L’Atelier des sorciers est à la fois proche et lointain. Kamome Shirahama puise ses influences dans la fantasy occidentale, notamment à travers les grandes sagas cinématographiques. Cela donne lieu à un métissage qui s’en ressent dans ses dessins et les planches exposées : les lieux et créatures nous paraissent familiers tout en dégageant quelque chose de nouveau, de différent.

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

L’exposition nous entraîne d’ailleurs à en explorer les détails, que ce soit à travers la présence d’un carnet de croquis, d’explications détaillées sur les symboles magiques, sur les outils du sorciers ou sur les différentes significations des chapeaux. Sur deux étages, elle présente aussi bien des planches qu’une reproduction de l’atelier, amas cosy de coussins et de livres, de carnets de notes, de plumes et d’encriers. Tout est ici fait pour explorer à la fois les différents aspects du travail de l’autrice et la finesse de son exécution, tout en n’oubliant pas qu’il s’agit d’un univers où, malgré les déconvenues, les scènes d’action et certaines plus inquiétantes, on est ici proche du lectorat, avec la volonté de transmettre.

Finesse du détail et « beau geste »

Passé l’émerveillement des premières planches, l’exposition nous entraine plus profondément dans le travail de l’autrice. Les arcanes de la magie, c’est le geste. C’est à travers la précision de la main tenant le pinceau que se crée la magie. Un parallèle captivant se crée alors, entre la mangaka dessinant son œuvre avec précision, utilisant la grammaire graphique avec une précision et une finesse rare ; et Coco, découvrant la magie à travers le dessin, l’apprentissage du geste et de sa précision.

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

Kamome Shirahama explique d’ailleurs concevoir le manga comme un travail d’athlète, inaccessible de prime abord. Elle le représente dès les premières planches de L’Atelier des sorciers : à travers une planche montrant à quel point Coco voit la magie comme inatteignable. Et comme l’art du manga tel que le conçoit l’autrice, la magie de son œuvre est à la portée de qui le veut pour peu d’avoir accès à la connaissance et à la technique.

Un accès qui va questionner les personnages de L’Atelier des sorciers, plongeant le manga et l’exposition dans un axe plus sombre. Derrière la lumière joyeuse des premiers temps se cache une noirceur, celle des conflits moraux, d’une société pas aussi merveilleuse qu’elle veut bien le montrer. Les sorciers asservissent la magie et ses connaissances, engendrant des questionnements de la part de l’héroïne qui se transmettent graphiquement aux lecteurs.

De l’ombre à la lumière

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

Là encore, la mise en valeur des planches de l’exposition est particulièrement intéressante. Les à-plats de couleurs sur les murs font échos à cet espace plus exigus mais qui se révèle aussi plus intimiste. On y découvre alors une autre facette de l’œuvre de Kamome Shirahama, plus sombre, empruntant aux codes de l’horrifique par moment.

Les questionnements éthiques sont ici graphiquement représentés : les jeux de miroir, de morcellement, la dualité dans la répétition des silhouettes des personnages… La magie des expositions, c’est aussi d’avoir la possibilité de contempler des planches originales. Et celles de l’autrice nous en révèle beaucoup sur ces moments de noirceur : les traces de pinceau y sont visibles, donnant une texture particulière à l’obscurité qui n’est pas forcément visible dans les impressions des manga. On décèle dans ces ombres le mouvement, le beau geste poussé jusqu’à nous faire ressentir l’oppression de certaines scènes, l’atmosphère soudain inquiétante.

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

« Nous avions envie de montrer que Kamome Shirahama propose ici une série très belle, très élégante, avec beaucoup d’espoir et une envie de transmettre, tout en abordant des thèmes plus douloureux, plus introspectifs », explique Pauline Croquet.

Symboles et motifs

Conçue en plusieurs axes, allant de l’émerveillement à l’obscurité, mais abordant aussi la mise en pages, l’exposition nous permet d’entrer véritablement à l’intérieur de l’Atelier des sorciers. Ainsi, toute une section se concentre sur le cadre, la mise en pages et les choix d’utiliser, par exemple, les bords de case comme des objets de composition à part entière. Notamment en jouant avec les bords de case et bords de fenêtre. En regard de cette partie presque contemplative, les scènes d’action offrent un dynamisme rare, à travers une composition favorisant les lignes de vitesse, les fragmentations des planches pour ajouter du dynamisme.

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

Les deux axes se répondent, tout comme le reste de l’exposition construit une histoire, un récit dans le récit où l’œuvre de Kamome Shirahama sort des pages pour venir à notre rencontre. Une rencontre rare, précieuse, faite d’instants d’émerveillement et de frissons, de questionnements et de réponses, à travers des planches, des cases et des illustrations en noir et blanc comme en couleurs.

Bienvenue dans le monde de Coco et de la magie

FIBD 2025 exposition Shirahama atelier des sorciers

Véritablement magique, l’exposition invite aussi bien les lecteurs que ceux qui n’ont pas encore ouvert un des volumes de L’Atelier des sorciers à découvrir cet univers à la fois familier et différent, captivant par le foisonnement des détails, par la beauté des planches présentées. Une parenthèse enchantée, en quelque sorte, que nous vous invitons à partager, à explorer, à détailler à la loupe (littéralement) pendant ces quatre jours de festival !

Article posté le jeudi 30 janvier 2025 par Bénédicte Coudière

À propos de l'auteur de cet article

Bénédicte Coudière

Journaliste spécialisée en bande dessinée mais aussi en jeux vidéo depuis près de 15 ans, conférencière, autrice et plein d'autre chose encore ! Membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée), elle est passionnée d'art et de narration, d'exploration de papier et de pleins d'autres choses encore.

En savoir