Babouchka et Dedouchka

Une couverture rouge, des mots russes Babouchka et Dedouchka signifiant grand-mère et grand-père, un sous-titre qui annonce « survivre et s’amuser au pays des Soviets ». Voilà le ton est donné dès la couverture de ce nouvel et premier album édité chez Sarbacane . Il est signé Emma Siniavski.

Babouchka et Dedouchka - Emma Siniavski - Sarbacane

Rendre hommage

En effet, c’est en bande dessinée qu’Emma Siniavski a décidé de rendre hommage à ses grand-parents. Et plus particulièrement à son grand-père paternel à travers ce premier album.

Celui qui s’appelait Andreï Siniavski, et qu’elle appelait donc Dedouchka, a disparu quelques mois avant sa naissance (1925-1997)

C’est donc en déambulant dans la maison de la région parisienne, dans laquelle il a résidé jusqu’à la fin de sa vie avec Maria sa femme et grand-mère d’Emma, que l’autrice a décidé de découvrir qui était vraiment son grand-père. Un inconnu, même si sa présence était restée intacte chez lui. Mais surtout un homme connu, dont les ouvrages ont été publiés.

Babouchka et Dedouchka - Emma Siniavski - Sarbacane

Découvrir un grand-père à la fois connu et inconnu

Son père ne lui avait pas caché le passé de ce grand-père, écrivain bien connu pour son militantisme. Mais la documentariste a voulu mettre en lumière cet incroyable destin qui le conduisit à un exil en France. Avec le témoignage de sa grand-mère et des incursions dans le bureau resté à l’identique depuis sa mort et qu’il occupait dans leur maison de Fontenay-aux-Roses, Emma Siniavski nous raconte le parcours de cet homme, de cet écrivain et de ce grand-père.

Comme de nombreux auteurs et intellectuels soviétiques, Andreï Siniavski connut la répression et le goulag pour avoir osé dépeindre dans ses écrits le véritable visage du régime politique soviétique qui opprimait son pays et ses habitants. Cet album est l’occasion de raconter sa vie dans un camp, dans lequel il fut emprisonné jusqu’en 1971.

Babouchka et Dedouchka - Emma Siniavski - Sarbacane

Du noir et blanc pour marquer

C’est en noir et blanc, avec un trait extrêmement fin et simple, pas toujours très assuré, et parsemé de quelques touches de couleurs que l’autrice revient sur la vie d’Andreï Siniavski. Pourtant, au début de sa vie, il était acquis à la cause communiste. Mais la répression du régime à son encontre, alors qu’elle n’avait pas lieu d’être, va le mener à se servir de sa plume. Et ainsi faire connaître à l’étranger les revers du régime soviétique, en utilisant la clandestinité pour écrire et faire passer ses écrits à l’ouest.

Babouchka et Dedouchka - Emma Siniavski - Sarbacane

De la clandestinité à l’exil

C’est sous le pseudonyme d’Abram Tertz, qu’Andréï Siniavski va ainsi en 1956 faire publier ses romans en France. Arrêté, puis jugé en 1966, l’écrivain est condamné à sept ans de camp, une peine qu’il effectuera à Doubrovlag en Mordavie. Il ne pourra recevoir la visite surveillée de sa femme que deux fois par an. Son courrier sera lu et censuré si besoin.

Grâce au soutien et à la détermination de sa femme Maria, Siniavski obtiendra finalement sa libération anticipée en juin 1971. Pourquoi le régime soviétique devrait-il continuer à détenir dans de telles conditions un homme que le Rideau de Fer n’avait pu isoler ? Les époux Siniavski finiront par choisir l’exil en France deux ans plus tard.

Babouchka et Dedouchka - Emma Siniavski - Sarbacane

Un très bel hommage à Babouchka et Dedouchka

C’est avec beaucoup de réalisme et d’affection qu’Emma Siniavski réussit, avec cet album, à mettre en lumière un couple étonnant. Celui de ses grands-parents paternels, qui affrontèrent avec courage et détermination le régime soviétique. Tout simplement pour obtenir la liberté de lire et d’écrire. Un récit qui nous permet de faire un bond dans ce que fut l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques avant sa dissolution en décembre 1991.

Article posté le jeudi 16 janvier 2025 par Claire Karius

Babouchka et Dedouchka - Emma Siniavski - Sarbacane
  • Babouchka et Dedouchka, Survivre et s’amuser au pays des Soviets
  • Autrice : Emma Siniavski
  • Éditeur : Sarbacane
  • Prix : 22,20 €
  • Parution : 02 janvier 2025
  • Nombre de pages : 128
  • ISBN : 9791040806622

Résumé de l’éditeur : Emma a un drôle de grand-père. Une longue barbe toujours taillée de travers et des yeux un peu fous. Enfin ça, elle le sait grâce à la terrifiante statue à son effigie qui trône en haut des escaliers de la maison familiale de Fontenay-aux-Roses. Andreï Siniavski, écrivain soviétique et survivant du goulag, est décédé quelques mois avant la naissance de sa petite fille. En fouillant dans cette caverne d’Ali Baba des Hauts-de-Seine où ses grands-parents s’étaient exilés en 1973 pour fuir leur URSS natale, Emma a retracé une vie de littérature, de répression, de résistance et d’amour. Elle l’a pu aussi et surtout en écoutant Maria, sa grand-mère, raconter cette épopée héroïque qu’elle a partagée avec Andreï. Et il n’y a pas plus extraordinaire histoire que celle des époux Siniavski, deux grands esprits, épris l’un de l’autre, de liberté et de belles lettres, qui ne se sont jamais laissé dompter… mais toujours avec poésie.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.

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