Bettica Batenica

Dans un institut au cœur de la montagne, deux policiers tentent de percer le mystère de personnes disparues. A la tête de ce établissement, Bettica Batenica s’avère aussi surprenante que mystérieuse. Romane Granger dévoile ce huis-clos pesant dans un album autour des dangers de l’oubli. Fascinant !

Disparus

L’agente spéciale de police Anna Devemy et son adjoint Bram Cousin se rendent à l’institut Razède. Cet étrange et mystérieux établissement de soins se situe au milieu des montagnes, comme reculé du monde.

Ils ont pour mission d’éclaircir une affaire de disparitions. Norman s’est envolé du jour au lendemain. Ce restaurateur accro au jeux d’argent n’a plus donné signe de vie ni à sa femme ni à ses enfants après avoir franchi les portes du Razède. Quant à maître G, avocat, il ne s’est jamais rendu à l’audition de sa propre affaire d’agression sexuelle sur une cliente.

Au coeur de la matrice du Razède

Le Razède fut fondé par Bettica Batenica, une femme qualifiée d’illuminée par les habitants. L’institut pourrait fortement ressembler à une secte avec à sa tête, cette gourou qui maîtrise tout.

Anna et Bram commence leur enquête en questionnant Bettica Batenica. Les deux hommes disparus seraient à « la nurserie »…

Bettica Batenica, premier formidable album

Après avoir étudié le graphisme à l’école Olivier de Serres puis des cours de cinéma d’animation à l’ENSAD (École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris), Romane Granger saute le pas et réalise son premier album Bettica Batenica.

La jeune autrice née en 1993 nous bluffe d’entrée par un dessin hypnotique composé d’une gamme chromatique limitée de couleurs. Les grands aplats sautent aux yeux de lecteurs. Ils nous happent avec une grande force. Comme elle l’explique, la couleur orange, par exemple, est associée à l’oubli.

Car la thématique principale de ce album est l’oubli. Un travail autour de la fuite de personnes pour être oubliées, mais également s’oublier dans ce drôle d’institut-secte.

Petit album et grands effets

Bettica Batenica fait partie de la collection des Petites briques des éditions Réalistes. Cette structure fondée par Charles Ameline, Cédric Kpannou et l’auteur Ugo Bienvenu (Préférence système) propose donc un label d’albums petit format (10,5 x 14,8 cm). Pourtant, celui de Romane Granger est tout sauf petit. Sa pagination importante de 256 pages permet à l’autrice de bien poser son histoire.

Ce qui impressionne c’est la narration au cordeau. Avec seulement une ou deux vignettes par page pour le découpage, Romane Granger nous emmène dans une intrigue forte au huis-clos pesant.

Bettica Batenica et La puissance de l’histoire

Comme la mémoire – ici faite d’oublis – l’autrice parisienne nous plonge dans un méandre de lacets (comme ceux de la route montagneuse). Elle part dans une enquête simple et solide pour nous faire basculer dans le cheminement de Bettica Batenica. Cette rupture, excellemment amenée, nous pousse à lire encore plus. Le ton change également dans la deuxième partie, pour être plus mystique.

Il y a de la tension et des secrets, mâtinés de paranormal dans son récit. Le fantastique et la science fusionnent pour fabriquer l’intrigue. Des boules rouges permettent aux patients souvent peu conscients du danger de mettre de côté ses pensées, telle la pensine dans Harry Potter.

Article posté le lundi 13 février 2023 par Damien Canteau

Bettica Batenica de Romane Granger (Réalistes)
  • Bettica Batenica
  • Autrice : Romane Granger
  • Éditeur : Réalistes
  • Prix : 15 €
  • Parution : 13 janvier 2023
  • ISBN : 9782490934133

Résumé de l’éditeur : Une étrange affaire des disparitions mène l’agent spécial Anna Devemy et son adjoint Bram sur la piste de l’institut du Razède. Dirigé par Bettica Batenica, cet étrange établissement perdu dans les montagnes promet à ses adeptes de les délester du poids de la mémoire.Mais comme Psychose, Bettica Batenica est de ces oeuvres imprévisibles et marquantes parce qu’elles changent radicalement en cours de route. Dans la deuxième partie du livre, le lecteur est ainsi amené à suivre le personnage énigmatique de Bettica Batenica et démêler les raisons de sa fascination par l’oubli et les origines de son pouvoir qui lui permet de faire oublier n’importe quel souvenir en le matérialisant sous la forme d’une perle. Impressionnante de maturité, la jeune autrice Romane Granger parvient pour son premier livre à happer le lecteur aussi bien par l’univers fantastique et mystérieux qu’elle échafaude que par sa réflexion sur les affres et les dangers de l’oubli qui sous-tend le récit. À la fois doux et puissant, son dessin mêle une palette de couleurs harmonieuse et percutante à des jeux formels en symbiose avec l’histoire.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir