Bug

Enki Bilal, l’incontournable auteur-réalisateur revient à la bande dessinée avec Bug . Le premier tome d’une fable glaçante qui dénonce nos addictions digitales. 

BIENVENUE DANS UN MONDE SANS REPÈRES

On ne présente plus Enki Bilal, figure du neuvième art depuis près d’un demi-siècle. Grand prix du festival d’Angoulême en 1987, il a depuis tracé sa route, et quelle route, dans l’univers des bulles, construisant album après album une œuvre originale dont le trait devait de plus en plus d’approcher de la peinture et le cadrage proche du cinéma, un autre art familier de l’auteur.

Beaucoup de bédéphiles ont sans doute été marqués par sa Foire aux Immortels, Partie de chasse ou encore Les phalanges de l’ordre noir.

D’abord avec son co scénariste Pierre Christin, et désormais seul, Bilal livre aujourd’hui à 66 ans une vision du monde hantée par la montée des intégrismes religieux et du terrorisme. Dans son dernier album, Bug (2 ou 3 tomes sont prévus) il aborde une thématique tout à la fois nouvelle et proche des précédentes, la domination du tout-technologique et partant la désincarnation d’une société en perte de repères…

MÉMOIRE VIVE, MÉMOIRE MORTE

Le jeudi 13 décembre 2041 – c’est demain- un crack informatique d’origine inconnue efface toutes les données virtuelles, rendant inopérants tous les appareils numériques. Au bord du chaos, le monde tente de réagir, de s’organiser. Seul, le cosmonaute Kameron Obb, survivant d’une mission sur Mars, a conservé la mémoire, toute la mémoire, en dépit d’une inquiétante tache bleue née sur son arcade sourcilière et qui ne cesse de grandir. Gardien de la mémoire vive de l’humanité, il devient très vite l’obsession de tous les gouvernements qui cherchent à le récupérer. Lui a d’autres préoccupations: retrouver sa fille kidnappée dans de troubles  circonstances.

LECTURES MULTIPLES

Comme à chaque fois chez Bilal, les pistes de lectures sont multiples. Pistes suggérées d’abord par le titre, Bug désignant en Français le défaut affectant un programme informatique et en Anglais l’insecte, la bestiole, le virus. Ici, les deux sens opèrent. Il y a à la fois un bug affectant le corps social et un autre – le même? – affectant le corps du protagoniste de cette histoire.

La grande panne numérique mondiale évoquée ici n’est pas qu’une chimère nous dit Bilal. Un regret cependant. Le scénario de ce thriller un peu orwellien s’étire un peu en longueur et part parfois dans des directions inattendues. Mais on peut aussi à la lecture de cette dystopie, se laisser capter par le rythme et le montage de ces cases bien léchées. Bilal est bien un peintre et un cinéaste, cela se sent.

Un moraliste aussi. De ceux qui nous disent de prendre garde aux transformations de ce monde en pleine mutation numérique et aux addictions qu’il a créées. Une fable ? Pas si sur…

Article posté le mercredi 20 décembre 2017 par Jean-Michel Gouin

Bug 1 de Enki Bilal (Casterman) décrypté par Comixtrip
  • Bug
  • Auteur : Enki Bilal
  • Editeur : Casterman
  • Prix : 18 € (édition standard)
  • ISBN: 978-2-203-10578-2

Résumé de l’éditeur : Dans un avenir proche, en une fraction de seconde, le monde numérique disparaît, comme aspiré par une force indicible. Un homme, seul, malgré lui, se retrouve dans une tourmente planétaire. Après avoir traité de sujets politiques, géopolitiques (Les Phalanges de l’Ordre Noir, Partie de chasse, avec Pierre Christin), de destins dictatoriaux et de rêves d’immortalité (La trilogie Nikopol), de cauchemars obscurantistes prémonitoires (Le cycle du Monstre), de planète recadrant les humains (La trilogie du Coup de Sang), Enki Bilal nous prive de notre addiction digitale en nous plongeant, non sans une certaine dérision, dans un monde de désarroi et d’enjeux multipolaires…

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

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