Celestia

Dora et Pierrot fuient leur île peuplée des pires malfrats de la Terre. Depuis la Grande invasion, ils y sont de plus en plus nombreux. Le talentueux Manuele Fior met en image ce road-trip entre anticipation et thriller dans Celestia, un merveilleux album. Envoûtant !

Celestia, une île de pierre peuplée de criminels

Il y a plus de mille ans, Celestia fut construite au milieu de la mer. Aujourd’hui, cette île de pierre est coupée du continent. Mais un étrange phénomène vint bouleverser la quiétude des lieux : la Grande invasion. Paniqués, les habitants décidèrent de s’installer sur l’île. Depuis, elle est peuplée de marginaux, malfrats et autres criminels.

Dans les rues, en pleine nuit, une silhouette apparaît : c’est celle de Pierrot. Il se rend chez son père qui lui explique qu’il possède le don de télépathie. Il s’avère que cette grande capacité est importante sur Celestia et que surtout, il n’est pas le seul à la détenir.

Rencontre sur les canaux

Pierrot prend rapidement congé de son père et de ses invités. Il pense qu’il n’est pas de leur monde. Il part prendre un verre dans un bar. Là, il est bousculé par la serveuse. Son cerveau est alors contrôlé par quelqu’un. Il découvre  que c’est Dora qui en est l’autrice. Cette femme, il la connaît; elle fait partie de l’entourage de son père. Elle aussi est télépathe. Il la ramène alors chez lui et elle y passe la nuit.

Le lendemain, Pierrot et Dora vont faire des courses à bord d’une gondole, puis le jeune homme l’emmène chez Raffaella. Après une course-poursuite, c’est décidé : le duo va fuir Celestia pour le continent…

Celestia : la maestria du dessin

Dès la couverture, le lecteur est hypnotisé par Dora et Pierrot marchant dans l’eau, leur reflet à leurs pieds. En effet, la partie graphique de Celestia est fabuleuse. Les planches sont d’une rare beauté, comme on en fait peu. Les 272 pages se succèdent avec la même force. Le découpage est millimétré, les personnages fabuleux et les décors magistraux. Il y a dans le trait de Manuele Fior un magnétisme fou. Les courbes sont voluptueuses. Les lignes verticales et horizontales des bâtiments sont splendides. Le travail architectural est bluffant. Quant aux couleurs, elles rehaussent avec maestria ces dessins si aériens.

Il suffit de regarder les canaux, les ponts et les quais d’une Venise du futur – mais qui a gardé son charme historique – pour savoir que l’on a affaire à un très grand dessinateur.

Anticipation, thriller, romance : une subtile alchimie

Manuel Fior sait tenir son lectorat en haleine par son dessin mais évidemment par une histoire à nulle autre pareille. Surprenant de prime abord, délicat dans les premières pages, Celestia est un grand album !

L’auteur des Jours de la Merlette et autres histoires navigue avec grâce dans les méandres des canaux et du cerveau. Il imagine des personnages télépathes, loin de malfrats de l’île. Possédant un don surnaturel, ils peuvent contrôler les êtres humains et découvrir ce qu’il y a de plus profond en eux. Dora comme Pierrot ne s’accommodent pas facilement de cette aptitude, comme s’ils avaient du mal à la contrôler et qu’ils n’en voulaient pas.

Pierrot est un vrai descendant du personnage de la Commedia del’Arte. Tel son ancêtre, il est rêveur, félin et s’affuble tous les matins d’une larme sur son visage. Dora, telle Colombine, ne se laisse pas faire. Elle pense pour deux.

Cette fuite de Celestia, l’auteur de Cinq Mille Kilomètres par seconde – Fauve d’or du meilleur album à Angoulême en 2011 – la transforme en road trip, quête insensée vers un ailleurs meilleur. Entre romance (attirance/répulsion), anticipation et thriller, le récit est un subtil mélange des trois genres.

Celestia : un grand album par un très grand auteur. Une belle surprise !

Article posté le lundi 10 août 2020 par Damien Canteau

Celestia de Manuele Fior (Atrabile)
  • Celestia
  • Auteur : Manuele Fior
  • Éditeur : Atrabile
  • Prix : 30 €
  • Parution : 20 août 2020
  • ISBN : 9782889230914

Résumé de l’éditeur : La « grande invasion » est arrivée de la mer. Elle s’est dirigée vers le nord, le long du continent. Beaucoup se sont enfuis, certains ont trouvé refuge sur une petite île de pierre, construite sur l’eau il y a plus de mille ans. Son nom est Celestia. Celestia, désormais coupée du continent, est devenue un étrange ghetto, un repère pour de nombreux criminels et autres marginaux, mais également un refuge pour un groupe de jeunes télépathes. Les événements vont pousser deux d’entre eux, Dora et Pierrot, à fuir l’île pour rejoindre le continent ; là, ils vont découvrir un monde en pleine métamorphose, un monde où les adultes, prisonniers de leurs propres forteresses, restent les gardiens de « l’ancien monde » , et où une nouvelle génération pourrait guider la société vers une nouvelle humanité. Récit spéculatif ouvertement ancré dans la science-fiction, Celestia poursuit une réflexion entamée par l’auteur dans L’Entrevue (Futuropolis), une réflexion sur le futur de l’être humain, sur sa possible évolution en tant qu’espèce, comme sur les prochains défis auxquels il sera confronté dans un avenir plus ou moins proche. Près de dix ans après Cinq mille kilomètres par seconde (Prix du meilleur album au FIBD d’Angoulême en 2011, traduit depuis dans une quinzaine de langues) Manuele Fior revient chez Atrabile et nous offre son oeuvre la plus ambitieuse à ce jour, et sans aucun doute la plus aboutie.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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