Publié en 1971, le premier album du Concombre Masqué est réédité par Mosquito. Œuvre majeure de Nikita Mandryka, les premières aventures potagères de son cucurbitacée fétiche raviront les amateurs de l’auteur français et permettront aux autres de découvrir l’une des séries cultes du 9e Art fondée sur le non-sense.
LA GENÈSE DU CONCOMBRE MASQUÉ
Nikita Mandryka – qui signait alors sous le pseudonyme de Kalkus – propose les premières aventures du Concombre masqué en 1965 dans Vaillant-Pif, puis les prolongera dans Pilote, à partir de 1967. Il faut souligner qu’à l’époque les mini-récits détonnaient dans le journal communiste. Même si les séries proposées étaient destinées à la jeunesse, celle-ci mise avant tout sur l’humour et le non-sense, proche de l’absurde et donc destinée à un public plus adulte ou adolescent.
Né à Bizerte en 1940, Nikita Mandryka passe donc son enfance en Tunisie avant de venir faire ses études secondaires en France (Institut des Hautes Etudes Cinématographiques). En parallèle de ses récits autour du Cucurbitacée, il fonde L’écho des Savanes en 1972 avec Claire Bretécher et Gotlib, devient rédacteur de Charlie Mensuel (avril 1982 à juillet 1983), puis celui de Pilote en 1984.
Il reprend sa série fétiche pour Dupuis entre 1990 et 1993. Aujourd’hui, il anime toutes les semaines le site du Concombre Masqué d’une planche du Bain de minuit (nouvelles aventures du Concombre masqué). Durant sa longue carrière, il recevra de nombreux prix, dont le Yellow Kid du meilleur auteur étranger en 1972, le Grand Prix de la Ville d’Angoulême en 1994 et le Prix Patrimoine de ce même festival en 2005.
LE CONCOMBRE MASQUÉ : ABSURDE ET SURRÉALISTE
Afin de mieux appréhender la série, il convient donc de lire cet album, premier de l’œuvre (une douzaine en tout). Gentiment absurde et surréaliste, certains lecteurs pourront être déstabilisés par ces mini-récits à l’humour ravageur. Il faut pourtant prendre le temps de les contempler et les lire car cela sent la folie et encore aujourd’hui cela se révèle d’une grande modernité. L’avantage ce style de récits c’est qu’ils sont indémodables.
Ici, Mandryka met en scène un drôle de personnage sous la forme d’un concombre affublé d’un loup noir qui lui cache le haut de son visage. Bavard et philosophe, il évolue dans un univers hors du temps et imaginaire, proche de la rêverie et de l’onirisme. Gags en une planche, les histoires se poursuivent parfois sur plusieurs pages ou en tout cas l’idée principale. Il s’amusera aussi avec les mots, inventera des mots-valises et dévoilera des dialogues ciselés haut en couleur.
Pour inventer ses récits, Nikita Mandryka s’est beaucoup inspiré par des mythiques auteurs de Mad (revue américaine satyrique jeunesse publiée à partir de 1952), notamment George Herriman et son Krazy Kat, mais aussi Jacovitti (auteur italien de bande dessinée notamment Pic ou Zorry Kid), Burne Hogarth (dessinateur américain de Tarzan) ou encore les auteurs surréalistes ou de l’Oulipo tels Raymand Queneau (Zazie dans le métro), Boris Vian ou Alfred Jarry (Ubu Roi).
Si le dessin est encore hésitant, tout pourtant ici est en place pour les futurs albums qui seront en couleurs. La préface est quant à elle signée Jean-Pierre Dionnet.
- Les aventures potagères du Concombre masqué
- Auteur : Nikita Mandryka
- Editeur : Mosquito
- Prix : 14€
- Parution : 05 mai 2016
Résumé de l’éditeur : En 1971 « Pif » publie une petite plaquette à l’italienne d’un dénommé Kalkus. Il s’agissait de la première édition des premières aventures d’un personnage né en 1965 et qui allait devenir mythique : Le Concombre masqué. Mosquito propose la réédition en fac-similé de ce monument de la bande dessinée, Mandryka a ajouté une postface dans laquelle il précise -à sa manière- la genèse du légumineux.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.
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