Après un biopic consacré au photographe Capa en 2016, Florent Silloray nous offre avec Cooper, un guerrier à Hollywood, le portrait attachant de l’américain Merian C. Cooper, le père du célèbre King Kong.
Des vies multiples
Un jour de juin 1972, Sarah Evans, étudiante américaine est envoyée sur l’île de Coronado par la revue du département cinéma de son université chez un certain Cooper, « une légende de l’âge d’or hollywoodien ». La jeune femme a pour mission de réaliser un long entretien sur la carrière de ce vieux monsieur, né en Floride en 1893, dans une famille sudiste traditionnelle…
Ce paisible fumeur de pipe aux tempes argentées n’est autre que Merian Caldwell Cooper, pilote, réalisateur, espion et producteur à succès, le père d’une des créatures les plus mythiques du cinéma américain, King Kong.
Un engagement guerrier
Après le remarqué « Capa, l’étoile filante », paru en 2016, un biopic consacré à la vie du célèbre photojournaliste correspondant de guerre, Florent Silloray a choisi d’évoquer la vie de cet homme atypique, disparu en 1973, à travers une interview fictive. L’homme désormais âgé interrogé dans son fauteuil déroule le feuilleton d’une vie faite d’engagements, certains fort louables, d’autres moins… Car ce Cooper est d’abord un soldat et un patriote. Pilote pendant la Première Guerre Mondiale, fait prisonnier en 1918, libéré une année plus tard puis entré dans l’armée polonaise pour lutter contre l’armée rouge, espion puis chef d’escadrille, il échappe à la mort…
Après la guerre, Cooper devient une sorte de journaliste aventurier qui multiplie les expériences ethnographiques (Pacifique Sud, Iran, Turquie, Syrie, Liban…)
Vers le cinéma
Ces reportages, on parle même à leur sujet des premiers docu-fictions constituent les passerelles qui vont conduire Cooper vers le cinéma. Avec son ami et compère Ernest B. Schoedsack, qui deviendra réalisateur (Chang, King Kong, Les chasses du comte Zaroff, Monsieur Joe …), il enchaîne les les films. Le plus fameux d’entre eux reste ce King Kong (1933) mettant en scène un gorille humanoïde géant qui kidnappe une belle jeune femme et sème la panique dans New-York…« Nous tournions sans savoir que c’était l’apogée de notre carrière et que jamais plus Hollywood ne permettrait une telle folie « confie Cooper à sa jeune intervieweuse au court de leur rencontre.
D’autres films et d’autres expériences viendront jalonner la carrière de Cooper dans le 7e art. Il y aura aussi John Ford, David Selznick, la découverte de l’actrice Katharine Hepburn, celle d’un duo de danseurs tout aussi mythiques, Fred Astaire et Ginger Rogers… Autant de grandes figures du cinéma du vingtième siècle avec lesquelles Cooper collaborera, soit en tant que scénariste ou co-producteur.
Sa part d’ombre
Mais dans ce récit à tiroirs qui nous montre une Amérique heureuse, inventive et rayonnante, Silloray dessine aussi la part sombre d’un personnage de son temps. Car ce Cooper incarnera à certaines périodes de sa vie le reflet d’une Amérique moins séduisante, celle du maccarthysme et de cette « folle chasse aux sorcières « . « C’était la guerre froide, mon enfant, une autre époque… », répond Cooper à son interlocutrice comme pour justifier l’injustifiable…
Traité dans les tons sépia avec un trait fin et précis, cet album aborde avec soin toutes les facettes d’un personnage entier qui finira son existence loin des projecteurs et des paillettes, déclarant alors détester le tourisme, la télévision et la vitesse, lui qui vécut pourtant à 100 à l’heure, comme un guerrier…

- Cooper, un guerrier à Hollywood
- Auteur : Florent Silloray
- Editeur : Casterman
- Prix : 18 €
- Parution : Octobre 2018
- ISBN : 9782203120815
Résumé de l’éditeur : Créateur de King Kong dans les années 1930, Meriam C. Cooper a toujours conjugué avec succès ses deux grandes passions : le cinéma et l’aviation. De pilote de chasse pendant la Première Guerre mondiale à producteur à succès pour Hollywood, son destin symbolise les États-Unis du xxe siècle, y compris dans sa part la plus sombre…
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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