Après l’exposition Georgia O’Keeffe qui s’est déroulée en 2021 au Centre Pompidou, voici une autre artiste mise à l’honneur en ce lieu mythique de l’Art moderne. Il s’agit d’une sculptrice, Germaine Richier. Alors l’occasion était trop belle pour faire un parallèle avec une autre grande dame de la sculpture : Camille Claudel.
Germaine Richier (de Laurence Durieu et Olivia Sautreuil chez Bayard Graphic en collaboration avec le Centre Pompidou) et Camille Claudel, La création comme espace de liberté (de Monica Foggio et Martina Marzadori au Seuil), deux albums qui viennent de sortir pour re.découvrir deux formidables sculptrices.
Germaine Richier, une sculptrice à mieux connaître
Centre Pompidou
Germaine Richier (1902-1959), c’est son nom, vous est certainement moins familière que des sculpteurs comme Auguste Rodin (1840-1917), Alberto Giacometti (1901-1966) ou Louise Bourgeois (1911-2010).
Mais celle qui fut la dernière élève d’Antoine Bourdelle (1861-1929) a elle aussi révolutionné le 2e Art et le 20e siècle de la sculpture.
Née près de Montpellier, la petite fille préférait arpenter la garrigue pour y découvrir la faune et la flore, plutôt que de suivre l’instruction à la maison.
C’est en apercevant les statues d’un cloître que l’adolescente ressent sa vocation : mettre les mains dans la terre glaise pour en faire émerger des portraits. Son certificat d’études en poche, Germaine décide d’assister aux cours de peinture et de sculpture aux Beaux-Arts de Montpellier.
Antoine Bourdelle comme maître
Ses choix seront confirmés par la découverte du travail de Monsieur Bourdelle, pour lequel elle montera à Paris, afin de travailler avec lui. Certain du talent de son “rossignol”, le maître la prendra sous son aile.
Bourdelle disparu, la jeune sculptrice décide alors de s’installer seule dans un studio pour mettre en pratique “l’enseignement de l’intime”.
Avec un récit des plus linéaires et l’utilisation du noir et blanc, Laurence Durieu (scénariste et petite-nièce de Germaine Richier) et Olivia Sautreuil (dessinatrice) nous présentent la femme sculpture et nous font entrer dans un univers magique où la nature et l’humain vont prendre forme sous nos yeux. Sculpter comme Richier, c’est :
« Se servir du fil à plomb et du compas, tout en étant libre de ses mouvements pour créer. Une femme insecte, un crapaud ou une sauterelle, “on est d’abord animal et de surcroît humain”.
Camille Claudel, une sculptrice qu’on ne présente plus
Comment peut-on vivre dans l’ombre d’un monstre sacré ?
Comment exister par soi-même quand on vit dans une dépendance amoureuse ?
Et comment vivre sa vie d’artiste alors que la société ne voit en vous qu’une épouse ?
Comment choisir de ne pas avoir d’enfants quand vous êtes destinée à cela ?
Mais surtout, comment peut-on mourir de faim et dans l’anonymat le plus total quand on s’appelle Camille Claudel ?
Voilà quelques questions qui résument parfaitement bien ce que fut la vie de cette magnifique artiste. Magnifique pour sa beauté et magnifique pour ce qu’elle a sculpté de ses mains.
Très vite, la petite Camille a su qu’elle ne vivrait que pour la sculpture. Encouragée par son père, elle va apprendre son art auprès d’Alfred Boucher (1850-1934) et d’autres jeunes femmes aussi déterminées qu’elle.
Rodin comme maître
Mais (dois-je mettre un mais en ce début de phrase), sa rencontre avec le Maître Rodin (1840-1917) va bouleverser sa vie d’artiste, mais surtout sa vie de femme.
Si l’Auguste Rodin va l’aider à perfectionner sa technique, il va surtout l’emprisonner dans les mailles de son filet. Devenue sa collaboratrice, mais (encore un mais) également sa maîtresse, Camille aura beau faire, jamais le sculpteur ne quittera sa compagne et ses autres amantes.
Le succès artistique de Camille est reconnu, tout comme le sont ses splendides nus, mais (toujours ce mais) sa séparation d’avec Rodin va la précipiter dans une période trouble, ou plutôt de troubles, qu’elle impute à son ancien amant.
Prise d’une folie destructrice, Camille sera, pour cette raison, internée à la demande de sa famille pendant trente ans…
Deux sculptrices et deux parcours de vie diamétralement opposés
Voici deux très beaux ouvrages qui vont vous permettre de découvrir, voire de redécouvrir,les sculptures de deux femmes à travers leurs parcours de vie.
Un magnifique et original catalogue d’exposition proposé par Bayard Graphic et le Centre Pompidou pour préparer sa visite et appréhender de la meilleure des façons cette exposition. Un très bel hommage qui se tiendra du 1er mars au 12 juin 2023 .
Avec ce Camille Claudel, La création comme espace de liberté, publié au Seuil, les autrices reviennent d’une très jolie, mais surtout très triste, manière sur l’histoire d’une femme qui voulait être elle et seulement elle. Malheureusement, la société de l’époque et surtout les hommes en avaient décidé autrement. D’une très belle manière, par leur texte et leurs dessins, les autrices ont redonné vie à cette amoureuse de la sculpture, mais (aussi) de l’amour.
- Germaine Richier, La femme sculpture
- Scénariste : Laurence Durieu
- Dessinatrice : Olivia Sautreuil
- Éditeur : Bayard Graphic et Centre Pompidou
- Prix : 25,00 €
- Parution : 01 mars 2023
- ISBN :9782227500785
Résumé de l’éditeur : Remise en lumière d’une artiste majeure, immense sculpteur, dernière élève de Bourdelle. Une trajectoire solaire qui traverse tambour battant le XXe siècle, en poussant les limites, en questionnant la nature et le vivant, et qui trouve une résonance toute particulière avec notre époque en quête de racines et d’ensauvagement.
- Camille Claudel, La création comme espace de liberté
- Scénariste : Monica Foggia
- Dessinatrice : Martina Marzadori
- Éditeur : Seuil
- Prix : 19,90 €
- Parution : 03 mars 2023
- ISBN : 9782374253855
Résumé de l’éditeur : Joyau du paysage artistique français, Camille Claudel fut l’incarnation de l’artiste maudite. Après avoir passé son enfance à lutter contre l’autorité de sa mère, la jeune fille s’installe à Paris à la fin du XIXe siècle pour vivre son rêve : devenir sculptrice. Portée par l’effervescence artistique de la capitale, elle rejoint l’Académie Colarossi puis l’atelier d’Auguste Rodin, dont elle deviendra le modèle et l’amante. Mais leur relation se dégrade et, malgré son génie manifeste et sa volonté farouche, Camille peine à se faire une place en tant que femme dans le monde des arts. Face aux échecs, aux rejets et aux scandales, elle s’isole et emprunte alors, doucement, le chemin d’une douloureuse déchéance qui la conduira entre les murs d’un asile psychiatrique.
Une magnifique biographie illustrée et très documentée qui rend hommage à la femme et à la sculptrice.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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